La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2021 | FRANCE | N°21BX01820

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 12 octobre 2021, 21BX01820


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2004793 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2

8 avril et 7 septembre 2021, M. D..., représenté par Me Sadek, demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2004793 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 avril et 7 septembre 2021, M. D..., représenté par Me Sadek, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2004793 du tribunal administratif de Toulouse du 12 mars 2021 ;

2) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 12 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à défaut, de réexaminer sa situation, sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de son signataire ;

- il est entaché d'une insuffisance de motivation au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- il s'est à tort estimé lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que la procédure suivie lors de l'instruction de sa demande de titre de séjour est entachée d'irrégularités ; il n'a jamais été convoqué ni examiné par les médecins de l'OFII, l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ne lui a pas été communiqué, ni le rapport médical visé à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'est pas établi que le rapport médical a été rédigé par un médecin de l'OFII faute de production de l'acte de désignation de ce médecin ; il a ainsi été privé de la garantie de pouvoir vérifier la composition régulière de ce collège ; l'avis de l'OFII n'a pas été annexé à l'arrêté attaqué ; il est impossible de déterminer sur quelles sources d'informations sanitaires s'est fondé le collège médical en méconnaissance de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice de leurs missions par les médecins de l'OFII et rien ne permet de constater que l'avis du collège aurait été pris en tenant compte des structures, des équipements, des médicaments, des dispositifs médicaux et des personnels ; la plate-forme BISPO de l'OFII n'est pas consultable par le public ce qui fait obstacle à une discussion contradictoire sur l'appréciation portée par les médecins de l'OFII ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation de son état de santé et d'une erreur de droit au regard du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; depuis son arrivée sur le territoire national, il bénéficie d'une prise en charge effective et pluridisciplinaire correspondant à sa pathologie ; un tel accompagnement n'existe pas en Algérie ; en raison de l'absence de revenus personnels, il est dans l'impossibilité d'avancer les frais nécessités en Algérie par les prises en charge spécialisées qui s'avéreraient indispensables ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; il a fixé le centre de ses intérêts en France ; il est de l'intérêt supérieur de son enfant de pouvoir vivre auprès de ses deux parents ; il participe à l'entretien et à la vie quotidienne de sa fille âgée de deux ans et demi et partage avec elle de nombreux moments de complicité.

Il soutient, en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, que :

- elle est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 511-1 alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire dès lors que son séjour en France était protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations des 5) et 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/011622 du 24 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 de la ministre des affaires sociales et de la santé fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., né le 28 septembre 1993, de nationalité algérienne, est entré en France, selon ses propres déclarations, le 14 février 2014. Le 18 octobre 2019, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en raison de son état de santé sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 12 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 juin 2020. Par la présente requête, M. D... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 juin 2020 pris dans son ensemble :

2. En premier lieu, Mme E... B..., directrice des migrations et de l'intégration à la préfecture de la Haute-Garonne et signataire de l'arrêté attaqué, a reçu délégation de signature, par arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 2 avril 2020 régulièrement publié le 2 avril 2020 au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 31-2020-086, consultable sur internet, à l'effet de signer toute mesure relevant de la compétence de sa direction, notamment celles relatives à la police des étrangers telles que les refus de séjour et les mesures d'éloignement. Si le requérant soutient qu'il n'est pas établi que le préfet était absent ou empêché à la date de l'arrêté attaqué, la délégation de signature accordée à Mme B..., qui liste de manière suffisamment précise les actes concernés, n'est pas conditionnée par l'absence ou l'empêchement du préfet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué mentionne les textes dont il est fait application, notamment le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, et précise que M. D..., entré récemment en France à l'âge de 24 ans, ne justifie pas être dans l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine, qu'il ne peut être admis au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, que son état de santé ne fait pas obstacle à ce qu'il quitte le territoire français, que la présence en France de sa fille mineure compatriote ne saurait lui conférer un droit au séjour d'autant qu'il n'établit pas entretenir de liens avec elle ni subvenir à ses besoins, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie où résident a minima ses parents, qu'il est séparé de la mère de sa fille et qu'il n'est pas dans l'impossibilité de poursuivre sa vie notamment en Algérie où il a vécu la majeure partie de sa vie, où il a obtenu un diplôme en informatique et où il pourra recevoir les soins nécessités par son état de santé. L'arrêté attaqué, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances relatives à la situation personnelle de M. D..., comporte l'énoncé suffisant des circonstances de fait au vu desquelles il a été pris. La circonstance alléguée que certains des éléments retenus par le préfet seraient inexacts est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de sa décision. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait été informé des pathologies dont souffre M. D... alors qu'en tout état de cause, le respect du secret médical interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, des informations sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne a suffisamment motivé sa décision et procédé à un examen sérieux et complet de la situation de l'intéressé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen sérieux et complet de la situation de l'intéressé doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aujourd'hui codifié à l'article R. 425-11 et applicable aux ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...). " Aux termes de l'article R. 313-23 du même code aujourd'hui codifié aux articles R. 425-12 et R. 425-13 : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 susvisé : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. / Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié (...) ".

5. Il ressort de l'avis rendu le 18 octobre 2019 par le collège des médecins de l'OFII et du bordereau de transmission du directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du même jour, que le médecin ayant établi le rapport médical prévu à l'article R. 313-22 précité n'a pas siégé au sein du collège de médecins qui s'est prononcé sur l'état de santé de M. D.... En outre, le médecin ayant rédigé le rapport médical a été régulièrement désigné par la décision du 18 juillet 2019 modifiant la décision du 17 janvier 2017 portant désignation au collège de médecins à compétence nationale de l'OFII, publiée sur le site Internet de l'OFII ainsi qu'au bulletin officiel du ministère de l'intérieur. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au collège de médecins d'examiner le demandeur préalablement à son avis, la faculté de procéder à un tel examen prévue à l'article R. 313-23 précité étant laissée à l'appréciation du collège des médecins. Contrairement à ce que soutient le requérant, le collège de médecins de l'OFII n'avait pas à joindre à son avis les éléments d'information relatifs aux possibilités pour M. D... de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine sur lesquels il s'était fondé, et notamment les extraits pertinents de la bibliothèque d'information sur le système de soins des pays d'origine. A cet égard, cette bibliothèque, qui se borne à recenser les sites internet institutionnels et associatifs, français, étrangers et internationaux comportant des informations sur l'accès aux soins dans les pays d'origine des demandeurs de titres de séjour pour raison médicale, ainsi que ceux relatifs aux pathologies les plus fréquemment rencontrées, est reprise sous la rubrique " ressources documentaires internationales de santé " en accès libre sur le site internet de l'OFII et doit être regardée comme ayant fait l'objet d'une diffusion publique. Enfin, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait demandé la communication du rapport médical et de l'avis du collège de médecins de l'OFII. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait entachée d'irrégularités de procédure doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de l'arrêté attaqué, que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII.

7. En troisième lieu, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. L'autorité administrative ne saurait en revanche porter d'appréciation sur le respect, par le collège des médecins, des orientations générales définies par l'arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l'administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l'étranger. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.

8. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et d'établir l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de destination.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre d'une forme sévère de diabète de type 1 ayant justifié l'implantation dans le bras d'une pompe à insuline nécessitant une maintenance particulière et est également soumis à un traitement médicamenteux. Le collège de médecins de l'OFII a estimé dans son avis du 18 octobre 2019 que, si l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait, cependant, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour contester l'appréciation du préfet, faisant suite à l'avis du collège des médecins de l'OFII, M. D... soutient que le dispositif de pompe à insuline implanté dans son bras nécessite une maintenance particulière qui ne peut être réalisée en Algérie, qu'il doit se soumettre quotidiennement à des injections, par stylo, de Lantus alors que cette molécule n'est pas disponible en continu en Algérie, et qu'en raison de l'absence de ressources, il ne pourra supporter les frais nécessités par la prise en charge indispensable à son état de santé. Toutefois, il ressort des pièces produites par le préfet en première instance que le Lantus figurait dans la liste des médicaments disponibles en Algérie au 31 décembre 2019. S'il est constant que l'intéressé ne pourra poursuivre son traitement à l'aide d'une pompe à insuline dans le bras du fait de l'arrêt de la commercialisation du dispositif médical en cause à l'échelle mondiale, il n'apporte pas d'élément permettant d'estimer qu'il serait dans l'impossibilité de recourir à un traitement équivalent dans son pays d'origine. En outre, l'intéressé a été diagnostiqué diabétique de type 1 en Algérie à l'âge de douze ans et traité pour sa pathologie avant son arrivée en France. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier qu'il ne pourrait être affilié au régime de la sécurité sociale algérienne pour les non-salariés, l'existence d'un tel régime ressortant des articles de presse produits par le requérant lui-même. Il ne ressort ainsi pas des pièces produites que M. D... ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, en refusant de délivrer le certificat de résidence sollicité, le préfet n'a pas méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est le père d'une enfant née en France le 23 novembre 2018 de son union avec une compatriote dont il était séparé à la date de l'arrêté attaqué. Si l'intérêt supérieur d'un enfant est notamment de pouvoir grandir en bénéficiant d'une relation régulière avec chacun de ses deux parents, la décision portant refus de séjour n'a pas pour effet en elle-même d'entraîner la séparation de l'intéressé de sa fille. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la mère de l'enfant, de nationalité algérienne, aurait vocation à rester en France et que l'arrêté attaqué entraînerait nécessairement une séparation durable entre M. D... et sa fille. Par ailleurs, le requérant ne démontre pas une intégration sociale d'une particulière intensité sur le territoire français et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans et où résident a minima, sa mère et son frère. Enfin, il ressort de ce qui a été dit précédemment qu'il pourra bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour de l'intéressé, l'arrêté litigieux n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'il poursuit. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Pour les motifs énoncés au point 11, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le requérant n'est pas fondé à prétendre à la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement des 5) et 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par suite, à supposer qu'il a entendu soutenir qu'il ne peut faire l'objet d'un éloignement du fait qu'il est en situation de se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, le moyen doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Mme Sarac-Deleigne, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.

La rapporteure,

Laury A...

La présidente,

Elisabeth JayatLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 21BX01820


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01820
Date de la décision : 12/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Laury MICHEL
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-12;21bx01820 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award