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11/10/2021 | FRANCE | N°20BX04161

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 11 octobre 2021, 20BX04161


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 2002531 du 19 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme D... B... tendant à l'annulation de l'arrêté 20 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2020 et un

mémoire enregistré le 16 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Tercero, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 2002531 du 19 août 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme D... B... tendant à l'annulation de l'arrêté 20 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 16 juillet 2021, Mme B..., représentée par Me Tercero, demande à la cour :

1°) d'enjoindre, avant dire-droit, au préfet de la Haute-Garonne ou à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de produire les extraits Thémis relatifs à l'instruction de son dossier ou toute preuve d'une délibération collégiale des trois médecins du collège de l'Office, ainsi que les documents médicaux extraits de la base de données de l'Office ou tout autre document sur la base duquel le collège de médecins a fondé son avis ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 août 2020 ;

3°) d'annuler l'arrêté 20 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui remettre, sous la même astreinte et dans le délai d'un mois, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant délégation de signature au profit du signataire de l'arrêté litigieux n'était pas publiée à la date de cet arrêté ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions des article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- il a également méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 26 novembre 2020, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Manuel Bourgeois a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise née le 30 juillet 1950, déclare être entrée en France le 15 juin 2017. Elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 mars 2018, puis la Cour nationale du droit d'asile le 25 février 2019. Elle a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 mai 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le délai de départ volontaire ainsi que le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 19 août 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, par arrêté du 2 avril 2020, le préfet de la Haute-Garonne a régulièrement donné délégation à Mme C... A..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions relatives à la police des étrangers et notamment celles concernant la délivrance des titres de séjour et les mesures d'éloignement. En outre et contrairement à ce que soutient l'appelante, cet arrêté a été publié le même jour au recueil n° n°31-2020-086 des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la signataire de l'arrêté attaqué n'était pas compétente pour le signer.

3. En deuxième lieu. en vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". En vertu de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical (...) un collège de médecins (...) émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. D'une part, lorsque l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Cette preuve contraire ne peut être constituée par la circonstance, à la supposer établie, que les captures d'écran tirées du logiciel " Themis " feraient état de différentes dates et heures auxquelles les médecins ont renseigné et authentifié dans cette application le sens de leur avis, la collégialité n'impliquant pas nécessairement une validation concomitante des avis des médecins, mais seulement qu'une telle validation intervienne après qu'un échange collégial ait eu lieu. En outre, la circonstance que les trois médecins composant le collège exercent dans des villes différentes ne suffit pas non plus à mettre en doute le caractère collégial de la délibération. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des extraits Thémis relatifs à l'instruction de son dossier ou toute preuve de la tenue d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle réunissant les trois médecins du collège de l'Office, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée de la garantie tirée du caractère collégial de la délibération du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 30 décembre 2019, le collège de médecins de l'OFII a mentionné que l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour contester cette appréciation, l'appelante entend se prévaloir de deux attestations établies par un médecin généraliste et un médecin hospitalier les 9 et 13 septembre 2019 dont il ressort seulement qu'après le traitement, avec succès, de l'hépatite C dont elle était atteinte, son état de santé nécessite uniquement un suivi, notamment des analyses sanguines et des échographies, à raison, principalement des risques de survenue d'un carcinome hépatocellulaire ainsi que de plusieurs pathologies dont il n'est pas mentionné qu'elles nécessitaient, à la date de ces attestations, une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'appelante entend également se prévaloir d'une attestation cosignée par trois médecins de l'hôpital provincial général de référence de Kinshasa, faisant état de ce que " rien ne marche dans les centres hospitaliers à cause de l'insouciance, de la mauvaise gestion et de la corruption des dirigeants du pays ". Toutefois, elle produit également le compte-rendu d'une étude conduite en 2018 dans huit hôpitaux de Kinshasa accueillant des patients atteints de cirrhose du foie dont il ressort que des échographies abdominales ont été réalisées chez la majorité des malades suivis. Enfin, si Mme B... a également produit des attestations datées des 13 juillet 2020 et 27 novembre 2020, postérieurement à l'arrêté litigieux, la première d'entre elles, établie par un médecin membre de l'association médecins du monde indique seulement, que " la poursuite des traitements médicamenteux " qui lui sont prescrits " est indispensable " sans préciser pour quels motifs tandis que la seconde, établie par un praticien hospitalier, concerne une pathologie dont le caractère de gravité n'était pas évoqué dans les documents médicaux joints à sa demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade et n'explicite pas quelle " thérapeutique lourde et contraignante " nécessite l'asthme sévère dont cette attestation fait état. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des documents consultés par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, Mme B... n'est pas fondée soutenir que l'arrêté litigieux a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que Mme B... ne peut pas utilement se prévaloir de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ainsi que de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour demander l'annulation, en raison de son seul état de santé, des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mai 2020 lui refusant le séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 octobre 2021.

Le rapporteur,

Manuel Bourgeois

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

20BX04161 3


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 11/10/2021
Date de l'import : 19/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20BX04161
Numéro NOR : CETATEXT000044200598 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-11;20bx04161 ?
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