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05/10/2021 | FRANCE | N°21BX01535

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 05 octobre 2021, 21BX01535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... et M. E... D... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 30 juin 2020 par lesquels la préfète de la Vienne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002611-2002612 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I) Sous le n° 21BX01535,

par une requête enregistrée le 9 avril 2021, Mme F..., représentée par la SCP Breillat-Dieumega...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... et M. E... D... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 30 juin 2020 par lesquels la préfète de la Vienne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002611-2002612 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I) Sous le n° 21BX01535, par une requête enregistrée le 9 avril 2021, Mme F..., représentée par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 de la préfète de la Vienne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de tard, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- il n'est pas justifié de ce que le signataire de l'arrêté bénéficiait d'une délégation de signature régulière ; la délégation consentie au secrétaire général de la préfecture de la Vienne est trop large ;

- le refus de titre de séjour repose sur une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle vit en France depuis 6 années et justifie de son intégration ; ses deux enfants sont scolarisés en classes de CP et de 5ème ; son époux et elle-même sont membres de la communauté Emmaüs au sein de laquelle ils travaillent en qualité de bénévoles ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; son fils aîné est arrivé en France à l'âge de 8 ans et est désormais scolarisé en classe de 5ème ; son fils cadet est arrivé en France à l'âge d'un an, n'a aucun souvenir de l'Ukraine et est désormais scolarisé en classe de CP ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale ;

- cette décision n'est pas suffisamment motivée.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués en appel ne sont pas fondés.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mai 2021.

II) Sous le n° 21BX01538, par une requête enregistrée le 9 avril 2021, M. D..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 de la préfète de la Vienne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de tard, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'est pas justifié de ce que le signataire de l'arrêté bénéficiait d'une délégation de signature régulière ; la délégation consentie au secrétaire général de la préfecture de la Vienne est trop large ;

- le refus de titre de séjour repose sur une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il vit en France depuis 6 années et justifie de son intégration ; ses deux enfants sont scolarisés en classes de CP et de 5ème ; son épouse et lui-même sont membres de la communauté Emmaüs au sein de laquelle ils travaillent en qualité de bénévoles ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; son fils aîné est arrivé en France à l'âge de 8 ans et est désormais scolarisé en classe de 5ème ; son fils cadet est arrivé en France à l'âge d'un an, n'a aucun souvenir de l'Ukraine et est désormais scolarisé en classe de CP ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale ;

- cette décision n'est pas suffisamment motivée.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2021, la préfète de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués en appel ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mai 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme F..., couple de ressortissants ukrainiens, sont entrés en France en mai 2014 avec leurs fils, nés en 2008 et 2013. Leurs demandes d'asile ont été définitivement rejetées par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile du 25 septembre 2015. Leurs demandes de délivrance de titres de séjour mention " vie privée et familiale " ont été rejetées par des arrêtés des 23 octobre 2015 et 17 octobre 2016, ce dernier confirmé par le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mai 2018 et en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 20 février 2019. Le 12 septembre 2019, ils ont sollicité leur admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 30 juin 2020, la préfète de la Vienne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par des requêtes enregistrées devant la cour sous les n° 20BX01538 et 20BX01535, M. D... et Mme F... relèvent appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Il y a lieu de joindre ces requêtes, qui présentent à juger des questions similaires, pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les arrêtés pris dans leur ensemble :

2. La préfète de la Vienne a, par un arrêté du 3 février 2020 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de ce département, donné délégation à M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, à l'effet de signer l'ensemble des décisions entrant dans le champ du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui est suffisamment précis. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés attaqués doit ainsi être écarté.

Sur la légalité des refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

4. M. D... et Mme F... font valoir qu'ils vivent en France depuis six ans à la date des arrêtés attaqués, qu'ils sont hébergés et travaillent au sein de la communauté d'Emmaüs de Châtellerault-Naintré, que leur fils aîné, actuellement en classe de 5ème, suit une scolarité en France depuis son CP, et que leur fils cadet, arrivé en France à l'âge d'un an, n'a été scolarisé qu'en France et est actuellement en classe de CP. Toutefois, les seuls éléments versés ne révèlent pas une insertion particulière au sein de la société française de M. D... et Mme F..., qui se sont maintenus sur le territoire national au mépris des mesures d'éloignement prises à leur encontre. De plus, les requérants ne font pas état d'obstacle à ce que leurs enfants poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les refus de titres de séjour seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En second lieu aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. Aucune circonstance ne s'oppose à une reconstitution de la cellule familiale hors de France, et il n'est pas davantage fait état d'obstacle à ce que les fils des requérants poursuivent leur scolarité en Ukraine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire :

7. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des refus de séjour ne peut qu'être écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que, si M. D... et Mme F... vivent en France depuis six ans, ils se sont soustraits à de précédentes mesures d'éloignement. Les requérants ne font pas état d'attaches particulières en France et ne démontrent pas être dépourvus d'attaches en Ukraine, où ils ont vécu la majeure partie de leur vie. De plus, il n'est fait état d'aucun obstacle avéré à une reconstitution de la cellule familiale hors de France et à une poursuite de la scolarité de leurs fils dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, et en dépit de leurs efforts d'insertion, les décisions portant obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

10. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit, le moyen tiré de ce que ces décisions seraient dépourvues de base légale doit être écarté.

11. En second lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. D... et Mme F... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2021.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve C...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 21BX01535-21BX01538


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 05/10/2021
Date de l'import : 12/10/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21BX01535
Numéro NOR : CETATEXT000044172546 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-05;21bx01535 ?
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