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27/09/2021 | FRANCE | N°21BX01476

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 27 septembre 2021, 21BX01476


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... et M. B... C... ont demandé, à titre principal, au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 22 janvier 2020 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer des titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits.

Par un jugement n° 2001131 - 2001132 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à leurs d

emandes.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête enregistrée le 18 mars 2021 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... et M. B... C... ont demandé, à titre principal, au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 22 janvier 2020 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer des titres de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits.

Par un jugement n° 2001131 - 2001132 du 16 février 2021, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête enregistrée le 18 mars 2021 sous le n° 21BX01476, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 février 2021.

Il soutient que :

- Mme A... n'établit pas être de nationalité française et qu'il n'appartient en tout état de cause pas au juge administratif d'en connaître ;

- l'enfant du couple peut bénéficier en Algérie des soins adaptés à son état de santé.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2021, Mme A... et M. C..., représentés par Me Benhamida, concluent au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit sursis à statuer en attendant que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la nationalité de Mme A... et qu'une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler leur soit délivrée dans l'attente et dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; en tout état de cause, à ce qu'ils soient admis à l'aide juridictionnelle provisoire et à ce que l'Etat verse à leur conseil une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que la requête est irrecevable, faute pour son signataire de justifier d'une délégation de signature ; que, par les documents qu'elle produit, Mme A... justifie de sa nationalité française, et qu'à défaut, elle justifie avoir obtenu l'aide juridictionnelle pour contester devant l'autorité judicaire la décision lui refusant la nationalité française.

II/ Par une requête enregistrée le 18 mars 2021 sous le n° 21BX01477, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 16 février 2021.

Il soutient que Mme A... n'établit pas être de nationalité française, qu'au demeurant il n'appartient pas au juge administratif d'en connaître et que, dès lors, il existe un doute sérieux sur le bien-fondé du jugement attaqué.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2021, Mme A... et M. C..., représentés par Me Benhamida, concluent au rejet de la requête, à ce qu'ils soient admis à l'aide juridictionnelle provisoire et à ce que l'Etat verse à leur conseil une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que la requête est irrecevable, faute pour son signataire de justifier d'une délégation de signature, et que le préfet ne fait état d'aucun moyen de nature à créer un doute sérieux sur le bien-fondé du jugement attaqué.

Par décision du 2 septembre 2021, l'aide juridictionnelle totale a été maintenue l'égard de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Manuel Bourgeois a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A..., née le 31 juillet 1975 à Oran (Algérie), est entrée en France le 7 octobre 2017, munie d'un visa valable du 7 juin 2017 au 6 juin 2018, accompagnée de son enfant mineur, G... C..., né le 10 avril 2011. Ils ont été rejoints le 22 février 2018 par le père de cet enfant, M. C..., ressortissant algérien né le 15 octobre 1977 à Oran (Algérie), lequel était muni d'un visa valable du 14 mai 2017 au 13 mai 2018. Par deux arrêtés du 22 janvier 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer les titres de séjour qu'ils sollicitaient en qualité d'accompagnant d'enfant malade, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés. Par une première requête enregistrée sous le n° 21BX01476, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement 16 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à titre principal, annulé ces arrêtés du 4 janvier 2021. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 21BX01477, le préfet demande à la cour de prononcer de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les n° 21BX01476 et 21BX01477 présentent à juger les mêmes questions et sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un même arrêt.

Sur les conclusions relatives à l'aide juridictionnelle provisoire :

3. A termes de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Il y a lieu, eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête du préfet de la Haute-Garonne, de prononcer l'admission provisoire de de M. C... à l'aide juridictionnelle.

Sur la recevabilité des requêtes :

4. Par un arrêté du 10 novembre 2018, régulièrement publié le même jour au recueil n° n°31-2018-11-10-020 des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne, le préfet de ce département a régulièrement donné délégation à Mme F... D..., adjointe au chef du bureau, à l'effet, notamment, de signer " l'ensemble des pièces, mémoires en défense et requêtes en appel, relatives au contentieux de toutes décisions prises en matière de droit des étrangers, devant les juridictions administratives et judiciaires ". Par suite, Mme A... et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que les requêtes n° 21BX01476 et 21BX01477 ont été signées par une autorité incompétente.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif :

5. D'une part, aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. ". Aux termes de l'article 20 du même code : " L'enfant qui est français en vertu des dispositions du présent chapitre est réputé avoir été français dès sa naissance, même si l'existence des conditions requises par la loi pour l'attribution de la nationalité française n'est établie que postérieurement (...) " et aux termes de son article 20-1 : " La filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité. ". L'article 30 de ce même code dispose que " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 29 du code civil : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire à l'exception des juridictions répressives comportant un jury criminel. ". Aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. ". Il s'ensuit que le juge administratif peut connaître d'une exception de nationalité opposée par l'une des parties à un litige relevant de sa compétence à condition qu'elle ne présente pas de difficulté sérieuse.

7. Mme A... soutient qu'elle est de nationalité française par filiation dès lors que la nationalité française de son père a été reconnue et que sa filiation a été établie alors qu'elle était encore mineure. A l'appui de cette allégation, elle produit, outre des documents attestant de son identité, le certificat de nationalité française délivré le 11 septembre 2013 à M. H... A..., qu'elle présente comme son père, la carte nationale d'identité de celui-ci, ainsi que deux copies de son propre acte de naissance établies les 31 décembre 2019 puis 27 juin 2021 et faisant état de cette filiation. Néanmoins, elle n'a pas produit de certificat de nationalité française alors que le préfet produit au contraire, pour la première fois en appel, la décision du 4 mai 2018 par laquelle le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal d'instance de Toulouse a refusé de délivrer à Mme A... un certificat de nationalité française au motif que l'extrait de naissance produit à l'appui de sa demande n'était pas conforme à la loi algérienne relative à l'état civil. Enfin, l'appelante a également produit, en cause d'appel, une attestation établie le 7 juin 2021 par une avocate qui indique qu'elle a reçu Mme A... et a donné son accord pour lui prêter son concours dans le cadre d'un " contentieux de la nationalité " tandis qu'il ressort des pièces du dossier que cette dernière a obtenu, le 13 juin 2021, l'aide juridictionnelle pour engager une procédure contre le ministère public devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.

8. Au vu de ces différents éléments, l'exception de nationalité invoquée par Mme A... doit être regardée comme posant une difficulté sérieuse.

9. Par suite, il y a lieu pour la cour de surseoir à statuer sur la requête du ministre de l'intérieur tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 février 2021 jusqu'à ce que la juridiction judiciaire compétente, que doit saisir incessamment Mme A..., se soit prononcée sur cette question préjudicielle.

10. En outre, aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

11. En l'occurrence, il résulte de ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'exception de nationalité française invoquée Mme A... ne présentait pas de difficulté sérieuse. Par suite, il est également fondé à soutenir qu'en l'état de l'instruction l'erreur d'appréciation ainsi commise par le tribunal administratif est de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 février 2021. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demandent Mme A... et M. C... soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais qu'ils ont exposés pour l'instance n°21BX01477.

DÉCIDE :

Article 1er : Il y a lieu d'accorder l'aide juridictionnelle provisoire à M. C....

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête n° 21BX01476 jusqu'à ce que la juridiction judiciaire compétente se soit prononcée sur la question de savoir si Mme A... possédait la nationalité française à la date des arrêtés contestés du 22 janvier 2020.

Article 3 : Il sera sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 février 2021 jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête ° 21BX01476.

Article 4 : Les conclusions de Mme A... et de M. C... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance n° 21BX01477 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... , M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 août 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2021.

Le rapporteur,

Manuel Bourgeois

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01476, 21BX01477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01476
Date de la décision : 27/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BENHAMIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-09-27;21bx01476 ?
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