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27/09/2021 | FRANCE | N°21BX00978

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 27 septembre 2021, 21BX00978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2006384 du 5 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a fait obligation à M. A... de quitter le territ

oire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et a enjoint à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2006384 du 5 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 25 novembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et a enjoint à la même autorité de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 3 mars 2021 et le 22 juillet 2021 sous le n° 21BX00978, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que M. A... ne démontre pas l'existence des risques auxquels il allègue être personnellement exposés en cas de retour dans son pays d'origine en produisant une invitation à se rendre à une réunion avec les services du Procureur de la Cour Pénale Internationale le 17 décembre 2020 sans mention ni de l'objet de cette réunion ni à quel titre il devait être entendu ; sa demande d'admission au séjour présentée au titre de l'asile par M. A... a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 18 décembre 2019 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 22 octobre 2020 ; cette convocation par le bureau du procureur près la Cour Pénale Internationale ne constitue pas un élément nouveau car elle avait été évoquée en audience publique devant la Cour nationale du droit d'asile sans toutefois produire les pièces annoncées pour en justifier ; M. A... n'établit pas de manière suffisamment certaine les risques personnels et actuels qu'il encourrait en cas de retour en Centrafrique, ni par son récit devant la Cour nationale du droit d'asile jugé peu convaincant et entaché d'inexactitudes ni par l'évocation d'une situation de tension réactivée dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2021, M. A... conclut au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 et L. 761-1 de la loi du 10 juillet 1991 et du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens invoqués par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.

II) Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 3 mars 2021 et le 22 juillet 2021 sous le n° 21BX00979, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2006384 du 5 février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse qui a annulé son arrêté en date du 25 novembre 2020 obligeant M. A... à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi.

Il soutient que sa requête au fond contient des moyens sérieux de nature à entraîner l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2021, M. A... conclut au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 et L. 761-1 de la loi du 10 juillet 1991 et du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens invoqués par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 juillet 2021 à 12 heures.

M. A... a été maintenu de plein droit dans le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 22 avril 2021 dans les présentes instances.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... né le 22 août 1983 à Bangui (Centrafrique), ressortissant centrafricain, est entré en France le 5 mars 2018 pour y solliciter le bénéfice de l'asile, qui lui a été définitivement refusé par la Cour nationale du droit d'asile le 22 octobre 2020. Par un arrêté du 25 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2006384 du 5 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de M. A..., cet arrêté. Par une requête enregistrée sous le n° 21BX00978, le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement. Par une requête enregistrée sous le n° 21BX00979, la même autorité demande à la cour qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) -6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ./ La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. (...) II. ' Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine ".

3. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) ". Aux termes de l'article L. 743-3 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI.".

4. Pour annuler l'arrêté en litige, le premier juge a accueilli les moyens tirés du défaut d'examen réel et sérieux de la situation de M. A... et de l'erreur manifeste d'appréciation au motif que M. A... devait être regardé comme apportant des éléments de nature à établir l'existence de risques avérés pour sa vie et sa sécurité dans son pays d'origine en faisant également état d'une situation de tension récemment réactivée en Centrafrique. Pour demander l'infirmation du jugement attaqué, le préfet de la Haute-Garonne soutient que M. A... ne démontre pas l'existence des risques auxquels il allègue être personnellement exposés en cas de retour dans son pays d'origine en se bornant à produire une pièce nouvelle consistant en une invitation à se rendre à une réunion avec les services du Procureur de la Cour Pénale Internationale le 17 décembre 2020, sans mention ni de l'objet de cette réunion ni à quel titre il devait être auditionné.

5. M. A... soutient qu'il risque d'être exposé à des atteintes graves, en cas de retour dans son pays d'origine, du fait d'anciens membres de la coalition Séléka, en raison d'un conflit les opposant, sans pouvoir bénéficier de la protection effective des autorités. Il fait valoir que, de confession chrétienne, il résidait à Bangui où il tenait un bar. En 2010, les corps de deux enfants ont été retrouvés dans le véhicule d'un membre de la communauté musulmane. Le responsable de cet assassinat, arrêté et incarcéré, a été libéré en 2013, à la suite de la prise du pouvoir par la coalition Séléka. En septembre 2013, M. A... fait valoir avoir été enlevé, séquestré et torturé par des individus souhaitant l'obliger à effectuer un faux témoignage reconnaissant être à l'origine, avec un ami informateur de la police, du décès des deux enfants. C... du fait de ses blessures, il a été retrouvé par ses ravisseurs qui ont continué de le menacer selon ses déclarations, de sorte que, craignant pour sa sécurité, il s'est enfui au Cameroun en janvier 2014 où il a sollicité la protection du Haut-Commissariat aux Réfugiés. Dans le contexte de chute de la coalition Séléka, nombre de membres ont également fui au Cameroun et l'intéressé aurait été de nouveau menacé à Yaoundé. De ce fait, il soutient qu'il est retourné en Centrafrique en décembre 2014 où il est demeuré en semi-clandestinité, avant d'être agressé par deux individus dont il soupçonne les liens avec ses ravisseurs en juin 2017. En janvier 2018, il a été embauché par une entreprise d'Etat en tant qu'informaticien et, profitant de son statut de fonctionnaire pour obtenir un passeport de service, a quitté son pays le 2 mars 2018.

6. Si certaines de ses allégations ont été écartées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de l'examen de la demande d'asile présentée par M. A..., les pièces qu'il a produit en première instance, certes postérieures à la mesure d'éloignement en litige, mais mettant en évidence une situation de fait existant alors, consistent, d'une part, en une convocation datée du 8 décembre 2020 émanant du bureau du Procureur près la Cour Pénale Internationale en vue de son audition les 17, 18 et 19 décembre 2020 à Paris et, d'autre part, en un courriel daté du 30 décembre 2020 de confirmation émanant de la même autorité précisant que M. A... a été entendu à la fois en qualité de témoin et de victime en rapport avec des crimes perpétués en République centrafricaine durant la période de conflit 2013-2015. Contrairement à ce que soutient le préfet, ces pièces doivent être regardées comme présentant des garanties d'authenticité et un caractère probant suffisant pour établir la réalité des faits et des menaces auxquelles M. A... serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine. De surcroît, si le rapport de médecine légale produit par l'intéressé au soutien de son argumentation, rédigé le 23 mai 2018, ne conclut pas de manière formelle que les cicatrices qu'il présente trouvent leurs origines dans les sévices invoqués, il indique néanmoins qu'elles sont compatibles avec les faits relatés. En outre, le préfet de la Haute-Garonne ne conteste pas sérieusement la réactivation de la situation de tensions en Centrafrique, suffisamment démontrée par l'intéressé, comme faisant obstacle à son éloignement vers son pays d'origine. Par suite, en prenant à l'encontre de M. A... une mesure d'éloignement et en fixant le Centrafrique comme pays à destination duquel il devra être reconduit, le préfet de la Haute-Garonne a entaché son arrêté d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'il emporte sur sa situation.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... :

7. Le présent arrêt n'implique pas d'autres mesures que celles ordonnées par le tribunal administratif de Toulouse. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... ne peuvent ainsi qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

8. Le présent arrêt, qui statue sur la requête du préfet de la Haute-Garonne à fin d'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 5 février 2021, rend sans objet ses conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 25 novembre 2020 par lequel il a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les frais d'instance :

10. M. A... a été maintenu en appel au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Tercero renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à Me Tercero au titre des frais non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21BX00979 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 2 : La requête n° 21BX00978 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 3 : L'Etat versa au conseil de M. A... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Tercero renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 30 août 2021, à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2021.

La rapporteure,

Agnès BOURJOLLe président,

Didier ARTUSLa greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 21BX00978,21BX00979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00978
Date de la décision : 27/09/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-09-27;21bx00978 ?
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