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06/07/2021 | FRANCE | N°21BX00143

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 21BX00143


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 avril 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour ainsi que la décision du 22 octobre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1903293 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2021, et des pièces complémentaires enregistrées le 25 mai 20

21, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 8 avril 2018 par laquelle le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour ainsi que la décision du 22 octobre 2018 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1903293 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2021, et des pièces complémentaires enregistrées le 25 mai 2021, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juillet 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 8 avril 2018, ainsi que la décision du 22 octobre 2018 rejetant son recours gracieux ;

3°) de faire injonction au préfet de la Gironde de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", et à titre subsidiaire, lui enjoindre de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions sont entachées d'un vice de procédure tiré de l'irrégularité de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) signé par un médecin ne faisant pas partie du collège de médecins à compétence nationale de l'OFII ;

- elles méconnaîssent les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, dès lors qu'il a besoin d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, comme en attestent les certificats médicaux produits, aussi bien antérieurs que postérieurs à l'avis du collège de médecins de l'OFII, faisant état de la persistance de sa maladie et de ses effets, et estimant que tout retour dans son pays d'origine l'exposerait à de graves conséquences sur son état de santé et surtout à un risque de passage à l'acte suicidaire ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la durée de son séjour, de la bonne intégration de son foyer familial, comprenant son épouse et ses deux enfants qui l'ont rejoint en France, un troisième enfant étant né depuis, et de son suivi médical en France ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation personnelle ;

- elles méconnaîssent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que les trois enfants du couple sont scolarisés en France et que le plus jeune n'a jamais connu l'Algérie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2021, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 9 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mai 2021 à 12h00.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2020/011189 du 17 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité algérienne, est entré en France le 12 janvier 2013 sous couvert d'un visa court séjour. Il a bénéficié d'un certificat de résidence en qualité d'étranger malade du 22 janvier 2014 au 21 janvier 2015. Par un arrêté du 20 juillet 2015, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande de renouvellement de son certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Sous couvert d'un visa de court séjour délivré par l'Espagne, M. A..., son épouse et leurs deux enfants, sont entrés sur le territoire français en juillet 2016. Le 20 février 2017, M. A... a de nouveau sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des articles 6-5 et 6-7 de l'accord franco-algérien. Par des décisions des 8 avril et 22 octobre 2018, le préfet de la Gironde a rejeté cette demande puis le recours gracieux de l'intéressé. M. A... relève appel du jugement du 3 juillet 2020, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions précitées.

2. En premier lieu, la différence d'orthographe du nom du médecin ayant signé l'avis du collège de médecins de l'OFII ne laisse place à aucun doute quant à sa désignation au sein du collège de médecins à compétence nationale de l'OFII par décision du 17 janvier 2017. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure qui entacherait la décision du 8 avril 2018 doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un certificat de résidence en qualité d'étranger malade valable du 22 janvier 2014 au 21 janvier 2015, puis que sa demande de renouvellement a été rejetée par décision du 20 juillet 2015 du préfet de la Gironde, confirmée par un jugement n° 1503821 du 10 novembre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux, au motif que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. M. A... a déposé une nouvelle demande sur le même fondement le 20 septembre 2017. Pour refuser de lui délivrer le certificat de résidence sollicité, le préfet de la Gironde s'est notamment fondé sur l'avis émis le 23 septembre 2017 par le collège de médecins de l'OFII précisant que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'il peut voyager sans risque.

5. Pour remettre en cause cette appréciation, l'intéressé produit plusieurs certificats médicaux, notamment celui d'un psychiatre, établis en septembre 2016, selon lequel il poursuit depuis mars 2013 un traitement pour un état de stress post-traumatique lié à des événements qu'il aurait vécus fin 2012. Les rapports médicaux établis par un praticien hospitalier du centre médico-psychologique de Cadillac en juillet 2017, avril 2018 et juillet 2020, estiment de façon constante que malgré les traitements institués, " le tableau clinique reste sévère avec un risque suicidaire majoré (...) Ce tableau clinique sévère entraine une chimiorésistance aux traitements neuroleptiques et psychotropes, ce qui nous amène à proposer un traitement par électrochoc (sismothérapie). (...) Il nécessite donc des soins réguliers de plusieurs années. Tout retour dans son pays d'origine l'exposerait à de graves conséquences sur son état de santé et surtout un risque de passage à l'acte suicidaire. " Toutefois, M. A... est retourné en Algérie de janvier 2015 à juillet 2016, où il a travaillé en tant que gérant de travaux de construction au sein de l'entreprise familiale. Dès lors, ces certificats médicaux qui relatent deux événements traumatiques survenus en 2012, et ne font pas état d'une aggravation de l'état de santé de M. A... à la suite de son retour en Algérie, ne sont pas de nature à contredire l'avis du collège de médecins de l'OFII, qui en tout état de cause au vu du sens de son avis, n'avait pas à se prononcer sur la disponibilité d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions auraient méconnu l'article 6-7 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier qu'après un séjour de janvier 2013 à fin 2014, M. A... est revenu en France en juillet 2016, accompagné de son épouse algérienne, et de leurs deux enfants, soit moins de deux ans avant les décisions litigieuses. Il ne se prévaut d'aucune attache personnelle ou familiale sur le territoire français autre que celle constituée par la présence de son épouse, qui faisant elle-même l'objet d'une mesure d'éloignement dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 2100014 du 14 avril 2021 du tribunal administratif de Bordeaux, et de ses enfants mineurs, alors qu'il dispose de nombreuses attaches familiales en Algérie, notamment de ses parents et de cinq frères et sœurs. En outre, s'il soutient qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. Dès lors, en dépit des efforts d'intégration des membres de la famille, les décisions litigieuses ne portent pas d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.

8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " et aux termes de son article 16 : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ".

9. Eu égard à la durée du séjour, au jeune âge des enfants et à la possibilité pour eux de poursuivre leur scolarité en Algérie où rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue, les décisions contestées ne portent pas d'atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de M. A... et ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. Il résulte de ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes d'annulation de l'arrêté et de la décision de rejet de son recours gracieux du préfet de la Gironde des 8 avril et 22 octobre 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 08 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme E... D..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition le 6 juillet 2021.

Le président-assesseur,

Dominique Ferrari

La présidente,

Evelyne D... La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00143


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00143
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;21bx00143 ?
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