La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2021 | FRANCE | N°20BX03876

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 20BX03876


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2000639 du 1er septembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a

rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2000639 du 1er septembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2020, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 1er septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de l'admettre au séjour ou à défaut de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- ce défaut de motivation est révélateur de l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation ; le préfet a estimé qu'il ne justifiait pas de la nationalité française de son fils alors que cette dernière ressortait de la lecture de l'acte de naissance ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public compte tenu du caractère mineur des délits qu'il a commis ; il a exécuté les peines de TIG auxquelles il a été condamnées ; seule sa situation administrative l'empêche de concrétiser ses projets d'insertion professionnelle ; il est enfant unique, ne connaît pas sa mère et est arrivé en France à l'âge de 16 ans pour y résider avec son père, de nationalité française, et sa grand-mère qui l'a élevé et réside régulièrement en France ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est père d'un enfant français né le 26 septembre 2019 et n'a pu contribuer à son éducation qu'à la hauteur de ses faibles revenus ; il ne vit pas avec la mère mais entretient de bonnes relations avec elle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ses attaches familiales principales résident en France ainsi que son fils alors qu'il n'a plus aucune attache au Cameroun en dehors d'une tante ; toute sa vie privée est constituée en France ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en ce qu'elle refuse à son fils le droit de grandir aux côtés de son père ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- elle est dépourvue de base légale compte tenu de l'irrégularité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- ce défaut de motivation est révélateur de l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation ; le préfet a estimé qu'il ne justifiait pas de la nationalité française de son fils alors que cette dernière ressortait de la lecture de l'acte de naissance ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une méconnaissance de l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 février 2017, devenu définitif, par lequel l'arrêté du 1er février 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire a été annulé au motif qu'il méconnaissait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 511-1 7°du CESEDA ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît le 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale compte tenu de l'irrégularité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée en l'absence totale d'indication sur sa situation en cas de retour dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- la décision portant interdiction de retour pour une durée n'est pas motivée en fait ; cette absence de motivation révèle l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2020.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... C..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant camerounais, a sollicité le 16 octobre 2018 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 4 décembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. E... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. D'une part, par un jugement devenu définitif du 9 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 1er février 2017 par lequel le préfet du Tarn a fait obligation à M. E... de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi au motif que l'essentiel des attaches personnelles et familiales de l'intéressé, né le 26 juillet 1997, qui a été reconnu par son père, lequel a acquis la nationalité française, le 25 novembre 2003 et, après avoir séjourné en France durant l'année scolaire 2005-2006, est revenu en France en janvier 2014 à l'âge de 16 ans en compagnie de sa grand-mère, se trouvant en France, cette décision portait une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale et méconnaissait les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas contesté que le père du requérant ainsi que sa grand-mère et tous ses oncles et tantes, sont de nationalité française ou résidaient de manière régulière en France à la date de la décision critiquée. Aucun élément ne permet d'infirmer qu'il n'a plus de contact avec sa mère depuis de nombreuses années. D'autre part, M. E... est également le père d'un enfant français. Enfin, si l'intéressé a été condamné par ordonnance pénale du 30 janvier 2018 à 300 euros d'amende pour usage illicite de stupéfiants et par des jugements des 7 mars et 7 décembre 2018 à des peines de six et quatre mois d'emprisonnement avec sursis assorties de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général pour des faits de vol avec violence n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail et pour offre ou cession non autorisée de stupéfiants et détention non autorisée de stupéfiants, il demeure que les autorités chargées de son suivi judiciaire attestent de ce qu'il a eu à cœur de s'inscrire dans un parcours d'insertion professionnelle mais n'a pu finaliser ce processus en raison de l'irrégularité de son séjour en France. Au regard de l'ensemble de ces éléments et dans les circonstances particulières de l'espèce, M. E... est fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale, au regard des buts en vue desquels elle a été prise et a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. M. E... est donc fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire et celles fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an sont illégales par voie de conséquence.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt implique nécessairement, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet de Haute-Garonne délivre à M. E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me B... avocat de M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir l'indemnité d'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 2000639 du 1er septembre 2020 et l'arrêté du 4 décembre 2019 du préfet de Haute-Garonne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de de Haute-Garonne de délivrer à M. E... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me B... avocat de M. E... au titre de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir l'indemnité d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... E..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera communiquée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. D... C..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

Stéphane C... La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03876


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 06/07/2021
Date de l'import : 10/07/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20BX03876
Numéro NOR : CETATEXT000043774520 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;20bx03876 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award