La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2021 | FRANCE | N°19BX03696

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 06 juillet 2021, 19BX03696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société du Mouliès a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Parentis-en-Born à lui verser une indemnité de 1 610 255 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'annulation de la délibération du 18 décembre 2006 de son conseil municipal approuvant le plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1201646 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15BX00479 du 3 mai 2

018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société du M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société du Mouliès a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Parentis-en-Born à lui verser une indemnité de 1 610 255 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'annulation de la délibération du 18 décembre 2006 de son conseil municipal approuvant le plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1201646 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15BX00479 du 3 mai 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société du Mouliès contre ce jugement.

Par une décision n° 421889 du 30 septembre 2019, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour du 3 mai 2018 et il a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire récapitulatif enregistré le 29 novembre 2019, la SARL Mobadour, venue aux droits de la société du Mouliès, représentée par la SCP Personnaz, Huerta, Binet, Jambon, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 16 décembre 2014 ;

2°) de condamner la commune de Parentis-en-Born à lui verser une indemnité d'un montant de 421 764 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2012 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Parentis-en-Born le paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'illégalité du plan local d'urbanisme approuvé par délibération du conseil municipal de Parentis-en-Born du 18 décembre 2006, qui a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Pau du 1er décembre 2009, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Parentis-en-Born ;

- cette illégalité a eu pour conséquence directe de l'empêcher de réaliser le lotissement " La Clairière du Mouliès " consistant en 25 lots pour lequel un permis d'aménager avait été obtenu le 19 mars 2008 et lui avait été transféré le 20 octobre 2008, alors que l'annulation contentieuse la prive du bénéfice de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, et que les parcelles, constructibles dans le plan local d'urbanisme annulé, sont devenues en grande partie inconstructibles par application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, la parcelle cadastrée AD 296 d'une superficie de 4 716 m² étant classée en zone Nh et le reste des parcelles devant respecter une emprise au sol de 15 % alors que cette emprise était de 25 % dans le plan local d'urbanisme annulé ;

- la commune a également commis une faute en délivrant, en particulier par une lettre du maire du 16 juin 2010 et un éditorial du journal communal, des informations selon lesquelles toute demande de permis de construire serait refusée, l'incitant à ne pas exécuter son permis d'aménager et à ne pas vendre les lots et solliciter des permis de construire ;

- les préjudices qu'elle a subis sont constitués, en premier lieu, par les frais engagés pour la mise en oeuvre du permis d'aménager initial pour un montant global de 98 400,82 euros TTC, en deuxième lieu, par le manque à gagner d'un montant de 233 684,21 euros dès lors qu'elle a vendu 19 lots pour un montant de 740 000 euros alors que la vente des 25 lots aurait permis une recette de 973 684,21 euros, étant précisé que le montant du prix de l'acquisition des terrains s'est élevé à la somme de 808 306 euros auquel s'ajoute la somme de 75 291,46 euros correspondant aux commissions d'agence, en troisième lieu, par le préjudice d'agrément qui doit être évalué à la somme de 50 000 euros, en quatrième lieu, par les frais pour la constitution d'un nouveau permis d'aménager de 19 lots pour un montant global de 39 679 euros.

Par un mémoire enregistré le 21 février 2020, la commune de Parentis-en-Born, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Mobadour le paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par SARL Mobadour ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... A...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant la SARL Mobadour, et de Me E..., représentant la commune de Parentis-en-Born.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 19 mars 2008, le maire de Parentis-en-Born (Landes) a délivré à la société SAFIM Promotion un permis d'aménager un lotissement composé de 25 lots sur un terrain cadastré section AD numéros 296, 303, 304, 305, 306, 311, 312, 313. Ce permis d'aménager a ensuite été transféré à la société du Mouliès par un arrêté du 20 octobre 2008. Par un jugement du 1er décembre 2009, devenu définitif, le tribunal administratif de Pau a annulé la délibération du 18 décembre 2006 portant approbation du plan local d'urbanisme de Parentis-en-Born, de sorte que le plan d'occupation des sols antérieur de la commune a été remis en vigueur, en application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. La société du Mouliès a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Parentis-en-Born à lui verser la somme de 1 610 255 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'annulation de la délibération du 18 décembre 2006 qui est, selon elle, à l'origine de l'impossibilité de réaliser le lotissement pour lequel elle avait obtenu un permis d'aménager délivré sous l'empire du plan local d'urbanisme illégal. La SARL Mobadour, venue aux droits de la société du Mouliès, relève appel du jugement du 16 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande et ramène ses prétentions, dans le dernier état de ses écritures, à la somme de 421 764 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2012.

Sur le principe de responsabilité :

2. Le maire, en délivrant par une lettre du 16 juin 2010 et via le site internet de la commune, des informations selon lesquelles toute demande de permis de construire qui seraient contraires au plan d'occupation des sols remis en vigueur par l'effet de l'annulation du plan local d'urbanisme serait refusée, n'a fait que rappeler les règles de droit applicables, de sorte qu'il n'a commis sur ce point aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune.

3. En revanche, l'illégalité du plan local d'urbanisme approuvé par la délibération du conseil municipal de Parentis-en-Born du 18 décembre 2006, telle qu'elle résulte du jugement du 1er décembre 2009 par lequel tribunal administratif de Pau a annulé cette délibération au motif de deux vices de procédure constitués par le défaut de consultation du préfet sur l'évaluation environnementale et de la chambre d'agriculture préalablement au classement en zone constructible de terres agricoles, est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Parentis-en-Born. Cette faute est susceptible d'ouvrir un droit à réparation pour autant qu'il en est résulté un préjudice direct et certain.

Sur le lien de causalité direct et certain :

4. La société requérante fait valoir qu'elle a été empêchée de réaliser son projet de lotissement dès lors que le changement de classement du terrain d'assiette du projet, par l'effet de la remise en vigueur du plan d'occupation des sols antérieur au plan local d'urbanisme annulé, faisait obstacle à l'obtention des permis de construire susceptibles d'être délivrés pour chacun des 25 lots initialement prévus, une parcelle d'une superficie de 4 716 m² étant désormais classée en zone Nh et le reste des parcelles devant respecter une emprise au sol de 15 % alors que cette emprise était de 25 % dans le plan local d'urbanisme annulé. Cependant, et d'une part, alors que le permis d'aménager avait été délivré le 19 mars 2008 et que la livraison, par la société du Mouliès, des terrains viabilisés et desservis par l'ensemble des réseaux était prévue dès le début de l'année 2009, selon les documents produits à l'instance par la société requérante elle-même, rien ne faisait obstacle, ainsi que le soutient l'intimée, à ce que les travaux autorisés par le permis d'aménager soient réalisés et que des permis de construire puissent être délivrés antérieurement au jugement du 1er décembre 2009. D'autre part, la délivrance d'un permis d'aménager n'emportant pas délivrance de permis de construire dans le périmètre du lotissement, le titulaire de cette autorisation ne peut se prévaloir d'aucun droit acquis à une utilisation à des fins de construction des parcelles en cause. Enfin, si la société requérante se prévaut en particulier d'un manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser l'opération immobilière, faute de commercialisation des lots en raison de l'illégalité du plan local d'urbanisme, elle n'apporte aucun élément justifiant de quelconques engagements souscrits par de futurs acquéreurs des lots ou de l'état avancé de négociations commerciales avec ces derniers. Dans ces conditions, la société requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'un lien de causalité direct et certain entre la faute commise par la commune en approuvant son plan local d'urbanisme dans des conditions irrégulières et les préjudices qu'elle invoque.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Mobadour n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Parentis-en-Born, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande la SARL Mobadour au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SARL Mobadour, la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Parentis-en-Born au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : La SARL Mobadour versera à la commune de Parentis-en-Born une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Mobadour et à la commune de Parentis-en-Born.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. B... A..., président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

Didier A...

La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Sophie E...

La République mande et ordonne au préfet des Landes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03696


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Caractère direct du préjudice.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 06/07/2021
Date de l'import : 20/07/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX03696
Numéro NOR : CETATEXT000043770928 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;19bx03696 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award