La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2021 | FRANCE | N°19BX03318

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 19BX03318


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du circuit de Gasques a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le maire de Gasques lui a ordonné d'interrompre les travaux d'aménagement d'un anneau routier portant sur les parelles C1 à C7 et C788 sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1800509 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande et lui a infligé une amende pour recours abusif d'un montant de 1 000 euros sur le fondement des disp

ositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du circuit de Gasques a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le maire de Gasques lui a ordonné d'interrompre les travaux d'aménagement d'un anneau routier portant sur les parelles C1 à C7 et C788 sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1800509 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande et lui a infligé une amende pour recours abusif d'un montant de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 8 août et 17 décembre 2019 et le 23 mars 2021, la SCI du circuit de Gasques, représentée par la SELARL Cabinet B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le maire de Gasques lui a ordonné d'interrompre les travaux d'aménagement d'un anneau routier portant sur les parelles C1 à C7 et C788 ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt définitif de la chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Toulouse ;

4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de la commune au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a mal analysé le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire ; ce moyen ne consistait pas uniquement dans la contestation de la simple obligation légale ou réglementaire de communiquer le procès-verbal établi ;

- contrairement à ce que soutient la commune elle justifiait d'un intérêt à agir contre le jugement et l'arrêté du 4 décembre 2017 ;

- l'arrêté n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire régulière en violation de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ; les travaux ne présentaient aucun risque de nature à caractériser une urgence particulière ou des circonstances exceptionnelles justifiant l'absence de procédure contradictoire préalable obligatoire ; il y avait d'autant moins urgence que les travaux avaient cessé avant l'intervention de l'arrêté ;

- l'arrêté interruptif de travaux est illégal dès lors qu'il a été adopté postérieurement à l'achèvement des travaux ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; les travaux entrepris ne portaient pas sur l'aménagement d'un circuit automobile mais sur l'entretien de la propriété en vue de l'accueil de touristes dans des chambres d'hôtes et des gîtes dans le cadre d'un projet touristique global pour lequel la SCI du circuit de Gasques a obtenu les permis de construire le 26 août 2013 ; les travaux réalisés ont seulement consisté à retirer des arbres malades, à planter de nouveaux arbres et à retourner la terre sur trente centimètres de profondeur pour analyser le sol et prévoir un engazonnement des parcelles abîmées ; ces travaux ne nécessitaient aucune autorisation ou déclaration préalable ; la plainte a été classée sans suite par le parquet en l'absence d'infraction ;

- elle n'a fait que défendre ses intérêts en contestant l'arrêté précité dans le cadre d'un recours en excès de pouvoir ; l'amende pour recours abusif qui lui a été infligée n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 décembre 2019 et le 12 mai 2020, la commune de Gasques, représentée par la SCP Gervais A... Cassignol, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI du circuit de Gasques au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- la requête ayant été interjetée postérieurement à la notification de la décision de la cour du 15 février 2019 rejetant le recours dirigé contre l'arrêté du 4 aout 2015 portant refus de permis d'aménager, et ayant déclaré avoir arrêté spontanément ses travaux, la SCI ne justifie d'aucun intérêt à faire appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juin 2019 ;

- la SCI soutenant qu'elle avait terminé ses travaux ne justifie d'aucun intérêt à agir contre l'arrêté en litige qui ne lui porte aucun préjudice ; le maire étant en situation de compétence liée pour adopter l'arrêté critiqué, en application de l'article L. 480-2 alinéa 10, les moyens soulevés au titre de la légalité externe sont inopérants ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2021, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le maire étant en situation de compétence liée pour adopter l'arrêté critiqué, les moyens soulevés au titre de la légalité externe sont inopérants ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... C...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me B..., représentant la SCI du circuit de Gasques et de Me A..., représentant la commune de Gasques.

Une note en délibéré présentée par la SCI du circuit de Gasques a été enregistrée le 10 juin 2021.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI du circuit de Gasques est propriétaire du domaine des Carmes, propriété agricole de 130 hectares comportant plusieurs bâtiments situés sur les communes de Gasques et de Castelsagrat, où elle envisage d'aménager des chambres d'hôte, des gîtes ruraux, un centre équestre, un restaurant et un anneau routier de loisir d'une longueur de deux kilomètres. Par des arrêtés des 13 et 26 août 2013, le maire de Gasques a délivré deux permis de construire en vue de la réalisation de gîtes et de chambres d'hôtes. Par un arrêté du 6 avril 2012, il a rejeté la demande de permis d'aménager un anneau routier de loisir d'une longueur de 2 kilomètres sur les parcelles cadastrées C1, C2, C3, C4, C5, C6, C7 et C788. Par un jugement du 11 juin 2015 le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de procéder à une nouvelle instruction de cette demande. Le maire de Gasques a, par un arrêté du 4 août 2015, opposé un nouveau refus. Par un jugement du 19 septembre 2017, confirmé par un arrêt de la cour du 15 février 2019, devenu irrévocable, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les demandes de la SCI du circuit de Gasques tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2015 et à la condamnation de la commune à l'indemniser des préjudices subis.

2.

Le 4 décembre 2017, informé de la réalisation de travaux d'aménagement du circuit automobile, le 1er adjoint de la commune de Gasques, agissant en qualité d'officier de police judiciaire sur le fondement de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, a dressé, à l'encontre de la société du circuit de Gasques, un procès-verbal de constat d'infraction. Le maire a, par un arrêté du même jour, ordonné l'interruption des travaux. Par un jugement du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la SCI du circuit de Gasques tendant à l'annulation de l'arrêté du maire du 4 décembre 2017 et a infligé à cette société une amende pour recours abusif d'un montant de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative. Par la présente requête, la SCI du circuit de Gasques relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

3. A l'appui de sa demande devant le tribunal la SCI du circuit de Gasques soutenait que l'arrêté du maire de Gasques du 4 décembre 2017 était entaché d'un vice de procédure au motif, d'une part, qu'il avait été édicté en l'absence d'un procès-verbal établi conformément aux dispositions de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme et de la notification d'un tel procès-verbal préalablement à l'adoption de cet arrêté en contrariété avec les dispositions du 3e alinéa de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme et, d'autre part, que cet arrêté avait été adopté sans que la procédure contradictoire préalable prévue par les articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration n'ait été respectée. Elle a développé la deuxième branche de ce moyen dans son mémoire enregistré le 13 novembre 2018 en estimant que le maire devait respecter les mêmes exigences procédurales que celles s'imposant au juge d'instruction, autorité qu'elle estimait normalement compétente pour adopter la décision critiquée.

4. Le tribunal, au point 3 et 4, du jugement critiqué, a expressément rejeté la première branche de ce moyen en retenant que le procès-verbal du 4 décembre 2017 a été régulièrement établi et n'avait pas à être communiqué à la SCI du circuit de Gasques préalablement à l'adoption de l'arrêté du même jour et la seconde branche tirée de l'absence de procédure contradictoire préalable au motif de la situation d'urgence sur le fondement des articles L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration et L. 480-2 du code de l'urbanisme. Par suite le tribunal a suffisamment répondu au moyen soulevé par la SCI du circuit de Gasques. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.

Sur la légalité de la décision contestée :

5. Aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. L'interruption des travaux peut être ordonnée, dans les mêmes conditions, sur saisine du représentant de l'Etat dans la région ou du ministre chargé de la culture, pour les infractions aux prescriptions établies en application des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code du patrimoine. (...) / Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. Pour les infractions aux prescriptions établies en application des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code du patrimoine, le représentant de l'Etat dans la région ou le ministre chargé de la culture peut, dans les mêmes conditions, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux ou des fouilles. (...) / Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, (...) le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. (...) ".

6. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1, la SCI du circuit de Gasques a acquis le domaine des Carmes dans l'intention d'y aménager un projet touristique comprenant un circuit automobile d'une longueur de 2 kilomètres mais par un arrêté du 4 août 2015, devenu définitif, le maire de Gasques a opposé un refus à la demande de permis d'aménager ce circuit.

7. La SCI du circuit de Gasques soutient que les travaux réalisés en décembre 2017 étaient de faible ampleur et avaient pour seul objet d'aménager le parc en procédant à l'arrachage de quelques arbres malades afin d'en planter de nouveaux et en retournant la terre sur une profondeur de trente centimètres pour préparer l'engazonnement des parcelles abîmées.

8. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal du 4 décembre 2017 établi par le 1er adjoint au maire agissant en qualité d'officier de police judiciaire, du constat d'huissier établi le 7 mars 2018 à la suite de l'ordonnance du 7 décembre 2017 du président du tribunal de grande instance de Montauban et des prises de vue photographiques satellitaires produites, que la SCI du circuit de Gasques a, au moyen de pelles mécaniques, dont l'une était munie d'un brise-roche, entrepris des travaux de décaissement d'une bande de terre d'une profondeur de trente centimètres selon un tracé d'une longueur de 1 300 mètres formant des boucles et des virages et cheminant sur les parcelles cadastrées section C n° 1, 2, 3, 4, 5 et 7 correspondant à l'aménagement d'un circuit sportif automobile compte tenu de ce que ce tracé a été compacté par endroit et de la présence de matériaux de type castine ou grave concassée qu'elle ne peut utilement soutenir avoir trouvé sur place.

9. Dès lors, d'une part, la SCI du circuit de Gasques n'est pas fondée à soutenir que le maire de Gasques aurait commis une erreur manifeste d'appréciation sur la nature des travaux entrepris. D'autre part, contrairement à ce qu'elle soutient, de tels travaux nécessitaient la délivrance préalable d'un permis d'aménager en application des dispositions du g) de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige n'a pas été adopté postérieurement à l'achèvement des travaux concernés. Par suite, compte tenu de la réalisation de ces aménagements en l'absence de tout permis d'aménager, ainsi que le soutiennent la commune et le ministre de la transition écologique, le maire était tenu, en vertu du 10e alinéa de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, de prescrire par l'arrêté critiqué l'interruption des travaux. Il en résulte que les moyens relatifs aux vices dont serait entaché l'arrêté du 4 décembre 2017 sont inopérants.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Gasques, que la SCI du circuit de Gasques n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur l'amende pour recours abusif :

11.

Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". La SCI du circuit de Gasques fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il l'a condamnée au paiement d'une amende pour requête abusive sur le fondement des dispositions précitées. En l'espèce, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la demande de la société requérante présentait un caractère abusif. Par suite, la SCI du circuit de Gasques n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif lui a infligé une telle amende.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Lorsqu'il intervient sur le fondement de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme le maire agit au nom de l'Etat. Ainsi, et alors même qu'elle a présenté des observations, la commune de Gasques n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie. Dès lors, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge le versement de la somme que demande la SCI du circuit de Gasques au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées au titre de ces mêmes dispositions par la commune de Gasques doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI du circuit de Gasques est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Gasques présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du circuit de Gasques, à la commune de Gasques et au ministre de la transition écologique.

Copie sera transmise au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. D... C..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.

Le rapporteur,

Stéphane C... La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03318
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contrôle des travaux. Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : DELVOLVE ARNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-07-06;19bx03318 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award