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12/04/2021 | FRANCE | N°20BX03972,20BX03973

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 12 avril 2021, 20BX03972,20BX03973


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à in

tervenir et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai identique et, dan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 juin 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai identique et, dans tous les cas, de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler à compter de la notification dudit jugement sous astreinte de 100 euros par jours de retard.

Par un jugement n° 2003006 du 10 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la

Haute-Garonne du 12 juin 2020 et a enjoint audit préfet de délivrer à Mme F... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2020 sous le n° 20BX03972, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 10 novembre 2020.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- c'est à tort que le premier juge a estimé que le refus de titre de séjour opposé à Mme F... avait été pris en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si l'avis rendu le 17 janvier 2020 par le collège des médecins de l'OFII a considéré que l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, les soins nécessaires sont disponibles dans son pays d'origine. Le méningiome dont elle est atteinte nécessite seulement un suivi médical annuel par imagerie de résonance magnétique (IRM) disponible en République démocratique du Congo. Le traitement de l'hypertension artérielle dont elle est par ailleurs atteinte est disponible dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2021, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;

2) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui remettre sans délai, dès la notification de cet arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir et de prendre une décision dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui remettre dans l'attente, et dès notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

4) à titre subsidiaire d'enjoindre, avant dire-droit, au préfet de la Haute-Garonne ou à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de produire la preuve de la collégialité de la délibération du collège de médecins, la justification du respect des prescriptions de l'article 4 de l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial ainsi que les documents médicaux extraits de la base de données MEDCOI qui ont fondé l'avis du collège de médecins ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle fait valoir que :

- aucun des moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne n'est fondé ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, l'ensemble des moyens soulevés devant le tribunal administratif est repris.

Mme F... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 14 janvier 2021.

Par un courrier du 2 mars 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions de Mme F... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder à la délivrance d'un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation sont sans objet dès lors qu'il a été enjoint audit préfet par le tribunal administratif de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2021, Mme F... a produit des observations en réponse au courrier du 2 mars 2021.

II.- Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2020, sous le n° 20BX03973, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 novembre 2020.

Il soutient que la requête au fond par laquelle il a saisi la cour contient des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de ce jugement et le rejet de l'ensemble des conclusions formulées par Mme F... devant le tribunal administratif.

Mme F... a été maintenue de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 14 janvier 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2021, Mme F..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la demande de sursis à exécution du préfet de la Haute-Garonne et sollicite la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;

- le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII, de leurs missions, prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C... A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante congolaise née le 8 septembre 1970 à Kinshasa (République démocratique du Congo), est entrée régulièrement en France sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa touristique le 23 janvier 2018. La demande d'asile qu'elle a présentée le 20 février 2018 a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 12 juin 2018 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 19 décembre 2018. Le 20 mai 2019, Mme F... a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 juin 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 10 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme F... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement et demande à la cour d'en prononcer le sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 20BX03972 et 20BX03973 du préfet de la Haute-Garonne tendent l'une à l'annulation et l'autre au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 20BX03972 :

En ce qui concerne le moyen retenu par les premiers juges :

3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 12 juin 2020 du préfet de la

Haute-Garonne, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour contenue dans cet arrêté avait été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Aux termes de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

6. Dans son avis du 17 janvier 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de Mme F... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la République démocratique du Congo, vers lequel elle pouvait voyager sans risque.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... est, d'une part, atteinte d'apnée du sommeil sévère obstructive, de vertiges et d'acouphènes, d'hypertension artérielle et d'obésité. Elle est appareillée, pour les besoins de son apnée, d'une machine à pression positive continue. Elle bénéficie, pour son hypertension, d'un traitement médicamenteux à base de trois molécules. Pour remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de la

Haute-Garonne sur l'existence d'un traitement approprié à cette pathologie dans le pays de renvoi, Mme F... produit un certificat médical établi le 11 août 2020 par un cardiologue, dont il ressort que l'arrêt de la trithérapie antihypertensive qui lui est administrée entrainera " un risque cardiovasculaire potentiellement handicapant voire létal ". Elle produit également la liste des médicaments essentiels émise en 2010 par le ministère de la santé de la République démocratique du Congo sur laquelle ne figurent pas les médicaments qui lui sont prescrits en France pour traiter son hypertension. Il ne ressort toutefois d'aucune pièce médicale versée au dossier, notamment pas du certificat médical établi le 14 mai 2019 par le même médecin indiquant que le traitement antihypertenseur de la patiente a été modifié à plusieurs reprises à cause d'intolérances médicamenteuses ni du certificat médical établi le 6 juillet 2020 par le médecin directeur de la Polyclinique Life à Lubumbashi faisant état de ruptures de stocks de médicaments en République démocratique du Congo, que les molécules composant le traitement médicamenteux de Mme F... ne pourrait être substituées par les antihypertenseurs qui figurent dans le répertoire d'octobre 2016 des produits pharmaceutiques enregistrés et autorisés en République démocratique du Congo produit par le préfet de la Haute-Garonne.

8. D'autre part, Mme F... présente un petit méningiome de la face postérieure du rocher qui n'est pas en contact avec le tronc cérébral et ne nécessite, qu'un suivi annuel par imagerie par résonance magnétique (IRM), selon le certificat médical du neurochirurgien, ayant examiné la requérante le 13 mai 2019. Si, pour remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de la Haute-Garonne sur l'existence d'un traitement approprié à cette pathologie dans le pays de renvoi, Mme F... produit un certificat médical établi le 6 juillet 2020 par le médecin directeur de la Polyclinique Life à Lubumbashi qui relève l'insuffisance du plateau technique congolais ainsi qu'un article de recherche médicale publié le 21 août 2019 faisant état de l'absence d'IRM à Kinshasa, il ressort des pièces produites par le préfet de la Haute-Garonne que l'hôpital de Kinshasa est doté d'une IRM depuis 2015. Par ailleurs, si Mme F... produit une attestation médicale établie le 6 juillet 2020 par trois médecins de l'hôpital Saint-Joseph à Kinshasa dont il ressort que la technique de traitement par radiochirurgie du méningiome est " non disponible sur toute l'étendue de la République démocratique du Congo ", les certificats médicaux établis par les médecins l'ayant examinée en mai 2019 précisent que son état de santé tel que constaté ne relève pas d'un tel traitement. Mme F... se prévaut cependant d'un certificat médical postérieur, établi le 6 juillet 2020 par le médecin directeur de la clinique Life à Lubumbashi indiquant que sa tumeur est " toujours en progression " et que " les signes cliniques inquiètent de plus en plus ". Toutefois, ce certificat, établi par un médecin congolais et qui précise que Mme F... se trouve actuellement en France, n'est pas de nature à contredire la teneur des certificats établis par les médecins qui l'ont examinée en France et il ne ressort par ailleurs d'aucune pièce médicale versée au dossier que Mme F... aurait fait l'objet, pour cette affection, d'un suivi médical en France postérieurement au 13 mai 2019 ou que ce suivi aurait apporté des conclusions différentes de celles opérées en 2019.

9. Il suit de là que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision en litige au motif qu'elle avait été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme F... en première instance et en appel.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

11. Par un arrêté du 2 avril 2020, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme D..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions prévues aux articles L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si Mme F... soutient que cet arrêté n'aurait pas été régulièrement publié à la date de la décision attaquée, il ressort des mentions du recueil de publication de cet arrêté, disponible sur internet, qu'il a été publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2020-086. Pour remettre en cause cette publication à cette date, Mme F... soutient que cette publication n'est intervenue que le 16 novembre 2020 et produit la capture d'écran de la liste des actes publiés dans le département de la

Haute-Garonne en avril 2020 établie à la date du 30 avril 2020, où la mention de ce recueil ne figure pas, et la même liste mise à jour le 16 novembre 2020, où elle y figure. Cependant la seule circonstance que la mention de ce recueil ne figure pas dans le récapitulatif des recueils publiés ne prouve pas qu'il ne l'a pas été à la date mentionnée sur le recueil. Au demeurant, Mme D... bénéficiait d'une délégation en vertu de l'arrêté du 17 décembre 2019 applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 2 avril 2020 prévoyant son abrogation, soit le lendemain de sa publication, conformément aux règles d'entrée en vigueur des actes réglementaires fixées par l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration, Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

12. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase de l'alinéa (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". Enfin, selon l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

13. S'il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties, il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées. Par ailleurs, lorsque l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Cette preuve contraire n'est pas rapportée par la seule production de captures d'écrans tirées du logiciel de traitement informatique du dossier médical faisant état des dates et heures auxquelles ces médecins ont renseigné et authentifié dans cette application le sens de leur avis.

14. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'avis médical du 30 août 2019 concernant Mme F... porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'OFII. Pour contester la régularité de cet avis, Mme F... a produit des captures d'écrans tirées du logiciel de traitement informatique de dossiers médicaux d'autres ressortissants étrangers faisant apparaître des dates et heures différentes auxquelles chacun des médecins du collège a entré dans cette application le sens de son avis. Ni ces documents ni la circonstance que l'un des médecins signataires de l'avis, exerce à Haguenau, l'autre à Limoges et le dernier à Marseille, ne sauraient établir que l'avis n'aurait pas été rendu collégialement. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction pour justifier de la tenue d'une réunion en présentiel, par téléphone ou par visioconférence, Mme F... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'OFII et que l'avis médical du 30 août 2019 a été émis dans des conditions irrégulières.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. / Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. " Aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ". Ce référentiel est fixé par le décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.

16. Mme F... exprime des doutes sur la réalité de la signature de l'avis par les trois médecins autorisés à examiner son dossier. Elle fait valoir que les signatures de l'avis ne sont pas manuscrites mais correspondent à des images dont elle conteste la valeur en soutenant que l'OFII ne démontre pas avoir mis en oeuvre un procédé conforme aux règles du référentiel général mentionné à l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005. Toutefois, l'avis du collège de médecins de l'OFII n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives, de sorte que la méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret du 28 septembre 2017 ne peut être utilement invoquée. Alors même que l'administration n'a justifié du respect d'aucun procédé d'identification, les pièces produites par la requérante ne suffisent pas à faire douter de ce que l'avis, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, a bien été rendu par ses auteurs. La circonstance que l'avis qui lui a été remis sur sa demande diffère de celui produit par le préfet en ce qu'il a été complété pour mentionner sa nationalité et a dès lors été signé une nouvelle fois est sans incidence sur la régularité de l'avis émis.

17. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que le moyen tiré de ce que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

19. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 que le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de renvoi :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

21. En second lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Eu égard aux motifs exposés aux points 7 et 8, Mme F... n'est pas fondée à soutenir qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à un risque de traitement contraire aux stipulations précitées du fait de son état de santé.

22. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées par Mme F..., que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 12 juin 2020 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme F....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

23. La présente décision, qui rejette la demande de première instance présentée par Mme F... tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juin 2020, n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par Mme F... aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur la requête n° 20BX03973 :

24. Dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur la requête au fond présentée par le préfet de la Haute-Garonne, il n'y a plus lieu pour la cour de statuer sur les conclusions de la requête dudit préfet tendant à ce qu'il soit sursis à exécution du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20BX03973 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 2 : Le jugement n° 2003006 du 10 novembre 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Me E... et à Mme B... F....

Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

Mme C... A..., présidente-assesseure,

Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2021.

La présidente,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX03972 - 20BX03973


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03972,20BX03973
Date de la décision : 12/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-04-12;20bx03972.20bx03973 ?
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