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30/03/2021 | FRANCE | N°20BX03343

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 30 mars 2021, 20BX03343


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2000003 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te, enregistrée le 6 octobre 2020, et un mémoire non communiqué enregistré le 10 février 2021,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2000003 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2020, et un mémoire non communiqué enregistré le 10 février 2021, M. G..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2020 du tribunal administratif de Toulouse;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 11 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour mention " étudiant " à compter de la date de notification de l'arrêt intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais de justice.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a écarté le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur sans répondre à son argument opérant tiré de ce que l'absence ou l'empêchement du préfet ne sont pas établis ;

- l'arrêté est entaché d'incompétence de son signataire compte tenu de l'imprécision de l'étendue de la délégation de signature, de l'absence de preuve de publication de celle-ci au recueil des actes de la préfecture et de ce que l'absence ou l'empêchement du préfet ne sont pas établis ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; cette circonstance révèle que le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation particulière ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard du caractère réel et sérieux de ses études en France ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a fixé le centre de ses intérêts privés et professionnels en France ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant tendant à l'annulation de l'arrêté ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 décembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 1er février 2021 à 12 heures.

M. G... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 17 septembre 2020 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. D... E....

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., ressortissant marocain, entré en France le 30 août 2016 pour y poursuivre des études, a bénéficié d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " étudiant " régulièrement renouvelée jusqu'au 14 septembre 2019. Par arrêté du 11 octobre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. G... relève appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Toulouse a écarté comme manquant en fait le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué au motif que par un arrêté du 27 mai 2019 régulièrement publié au recueil administratif spécial n° 31-2019-148 du 28 mai 2019, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme F... C..., directrice de l'immigration et de l'intégration, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions. Si, dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 17 avril 2020, antérieur à la clôture de l'instruction intervenue le 9 juin suivant, M. G... avait effectivement relevé que l'administration ne justifiait pas l'absence ou l'empêchement du préfet de la Haute-Garonne, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'arrêté du 27 mai 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme F... C... ne subordonnait pas l'intervention de celle-ci à l'absence ou à l'empêchement du préfet. Par suite, en ne répondant pas à un moyen inopérant, le tribunal n'a pas entaché le jugement d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 27 mai 2019, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme F... C..., directrice des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté attaqué, à l'effet de signer notamment l'instruction des demandes de titres et d'autorisations de séjour à quelque titre que ce soit et les mesures d'éloignement. Cet arrêté, en vigueur à la date de la décision en litige, a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2019-148 du 28 mai 2019. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette délégation est suffisamment précise et elle n'est pas subordonnée à l'absence ou à l'empêchement du préfet de la Haute-Garonne. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...).

5. D'une part, l'arrêté portant refus de séjour rappelle les considérations de droit qui en constituent le fondement. En particulier, il vise les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles s'est fondé le préfet de la Haute-Garonne pour refuser le renouvellement du titre de séjour " étudiant ". L'arrêté précise aussi les circonstances de fait propres à la situation de M. G... notamment la circonstance que ce dernier n'établit pas le caractère réel et sérieux de ses études dans la mesure où il n'a obtenu aucun diplôme depuis le début de ses études en 2016/2017 et qu'il ne justifie pas d'une progression significative depuis son arrivée en France. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant refus de séjour doit être écarté.

6. D'autre part, dès lors que la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour est, ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, suffisamment motivée, que la motivation de la décision d'éloignement se confond avec celle de la décision relative au séjour et qu'ont été rappelées les dispositions et stipulations qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, notamment l'article L. 511-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de renouvellement d'un titre de séjour :

7. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. G... doit être écarté par adoption des motifs pertinemment retenus pas le tribunal.

8. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet a rejeté la demande de titre de séjour présentée par le requérant sur le seul fondement des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors que le préfet de la Haute-Garonne n'était pas saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant.

9. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant" (...) ". Il appartient au préfet, lorsqu'il est saisi par un étranger d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour délivré sur le fondement de ces dispositions, de s'assurer du caractère réel et sérieux des études poursuivies par l'intéressé.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. G..., titulaire d'un master Sciences et Techniques délivré par l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah (Maroc) a poursuivi ses études à compter de l'année universitaire 2016/2017 au sein de l'université Toulouse III " Paul Sabatier ". Au terme de trois années de préparation en master 1 en "biodiversité, écologie, évolution" de 2016 à 2018 et "biotechnologies" pour l'année 2018/2019, M. G..., qui fournit de nouveau une inscription pour 2019/2020 en première année de master de la même spécialité au sein du même établissement, n'a obtenu aucun diplôme et ne justifie pas d'une progression significative. La circonstance qu'il ait subi un accident le 30 mars 2019, à l'occasion d'un match de football, justifiant une intervention chirurgicale à son poignet droit qui ne lui a pas permis de passer ses examens de fin d'année universitaire dans des conditions optimales, n'est pas de nature à justifier à elle seule l'absence de progression significative dans les études. Dans ces conditions, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant le séjour a méconnu les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En dernier lieu, si le requérant fait valoir que le refus de titre de séjour qui lui est opposé porte une atteinte disproportionnée au respect de son droit à une vie privée et familiale normale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est inopérant à l'encontre d'une décision refusant la délivrance d'un titre de séjour sollicité en qualité d'étudiant.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour.

13. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...).

14. Il ressort des pièces du dossier que M. G... n'est entré en France qu'à l'âge de 23 ans sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " ne lui donnant pas vocation à s'installer de manière durable sur le territoire français. Alors qu'il ne réside en France que depuis seulement 3 ans et a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où résident d'ailleurs ses parents et ses frères, la circonstance qu'il ait noué des liens d'amitié en France, qu'il entretienne une relation amoureuse avec une compatriote en situation régulière et qu'il ait exercé une activité salariée pour financer ses études dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel ne suffit pas à établir que la décision contestée a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. D... E..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.

La présidente

Evelyne Balzamo

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03343


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03343
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-30;20bx03343 ?
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