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11/03/2021 | FRANCE | N°20BX01661

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 11 mars 2021, 20BX01661


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... I... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000018 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

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r une requête enregistrée le 14 mai 2020, M. I..., représenté par Me B..., demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... I... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2000018 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2020, M. I..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 12 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 du préfet de la Haute-Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un certificat de résidence algérien ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement " au profit de son conseil " de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle et familiale en se prononçant seulement sur les articles 5 et 7 de l'accord franco-algérien, alors qu'il avait aussi évoqué l'article 6-5 ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation personnelle et professionnelle ; il s'est installé en France en 2016 avec son épouse et deux enfants, leur troisième enfant y est né en 2017, il y a créé en 2018 une entreprise de bâtiment qui emploie 18 salariés ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence, motif pris de ce qu'il est entré en France sans être muni d'un visa de long séjour, alors que les stipulations de l'article 9 de l'accord ne sont pas applicables aux demandes présentées sur le fondement de l'article 6 ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles 5, 7 c) et 9 de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5) de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public,

sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. I..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

2. En premier lieu, l'arrêté mentionne que M. I... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien d'un an sur les fondements des articles 5, 6 alinéa 5, 7c) et 9 de l'accord franco- algérien. Il rappelle notamment les circonstances de l'entrée en France du requérant le 5 mai 2019, muni de deux passeports et d'un visa C Schengen " entrées multiples " de 90 jours. Il précise que son épouse est en situation irrégulière sur le territoire national. Il relève également que trois enfants sont nés de leur union et qu'ils peuvent poursuivre normalement leur scolarité dans le pays d'origine des parents, et que la décision de refus de certificat de résidence ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Enfin, l'arrêté relève que si M. I... invoque à l'appui de sa demande la création d'une entreprise de bâtiment en décembre 2018, il ne dispose pas du visa de long séjour requis pour exercer une telle activité. Ainsi, il ressort suffisamment des énonciations de cette décision que le préfet, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments indiqués par l'intéressé au soutien de sa demande de titre de séjour et qui ne s'est pas borné à retenir l'absence de production d'un visa de long séjour, a procédé à un examen préalable et complet de la situation de l'intéressé et ne s'est pas cru en situation de compétence liée pour refuser de lui accorder un certificat de résidence.

3. En second lieu, aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au Registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". En vertu du c) de l'article 7 du même accord : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ". Enfin, aux termes de l'article 9 de cet accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ". Il résulte de la combinaison de ces stipulations que l'obtention d'un certificat de résidence en qualité de commerçant est subordonnée à la satisfaction par l'intéressé au contrôle médical d'usage, à l'inscription au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, ainsi qu'à l'obtention d'un visa de long séjour. S'agissant de conditions cumulatives, un défaut de visa de long séjour suffit, à lui seul, à justifier, en application des stipulations de l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un refus de délivrance d'un certificat de résidence pour l'exercice d'une activité professionnelle, quand bien même la situation de l'intéressé répondrait aux autres conditions.

4. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le requérant est entré en France sous couvert d'un visa Schengen d'un an autorisant des entrées multiples dans la limite de 90 jours. Par suite, il ne satisfaisait pas aux conditions d'octroi du titre de séjour sollicité en qualité de commerçant.

5. En troisième lieu, les stipulations de l'accord franco-algérien ne font pas obstacle à ce que le préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, puisse apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que M. I... est le gérant d'une société unipersonnelle à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 28 novembre 2018, spécialisée en travaux de gros oeuvre et second oeuvre et implantée à Limoges, l'intéressé n'établit pas davantage en appel que devant le tribunal être dans l'impossibilité de gérer depuis son pays d'origine cette entreprise, pour laquelle il n'a pas cru devoir solliciter un titre de séjour avant d'engager des décisions d'embauche, de prise à bail de locaux, d'achat de véhicules et de passation de contrats. Il ressort en particulier des pièces du dossier, notamment du formulaire de demande de certificat de résidence renseigné par ses soins et de la lettre de demande de titre de son avocat, que M. I... est le gérant depuis le 7 juin 2005 d'une autre société spécialisée en travaux de bâtiment, implantée en Algérie, et dont il ne justifie pas la disparition. S'il fait valoir qu'il résiderait de manière continue en France et qu'il est propriétaire avec son épouse d'un logement à Limoges, que ses trois enfants sont scolarisés en France et que le dernier est né à Limoges, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. I... s'est rendu régulièrement sur le territoire français depuis l'année 2015 sous couvert de visas de court séjour d'une durée de validité de trois mois, délivrés entre le 15 mai 2015 et le 8 juillet 2019. Si les pièces produites, telles les attestations notariales de vente de deux biens du 19 mai 2017 et 28 février 2018, permettent de constater que M. I... dispose de la même adresse en France que son épouse, avec laquelle il partage une communauté de vie, elles ne permettent pas, compte tenu des multiples tampons figurant sur son passeport, de tenir pour établie sa présence continue sur le territoire français. Il est par ailleurs constant que son épouse se maintient irrégulièrement sur le territoire français depuis l'année 2016, sans jamais avoir demandé un titre de séjour. S'il invoque aussi la présence sur le territoire de sa tante, qui réside régulièrement dans le département du Gard, une telle circonstance ne saurait constituer une attache forte de nature à justifier l'octroi d'un titre de séjour. Les attestations de tiers peu circonstanciées et postérieures à la décision litigieuse ne sont pas davantage de nature à établir qu'il aurait tissé en France des liens d'une intensité et d'une stabilité particulières. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux aînés de ses enfants, scolarisés en cours moyen première et deuxième année, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Algérie, où M. I... n'établit pas être dépourvu d'attaches. Il ne ressort pas ainsi de la décision et des autres pièces du dossier que le préfet, qui a bien rappelé que le visa de long séjour était exigible pour la carte de commerçant et n'a opposé son défaut que sur ce fondement, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation professionnelle et personnelle de ce dernier.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autorisation de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, M. I... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Vienne aurait méconnu, en refusant de l'admettre au séjour, les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre

des dispositions de l' article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE

Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... I... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 9 février 2021 à laquelle siégeaient :

Mme J... H..., présidente,

Mme A... E..., présidente-assesseure,

Mme D... G..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2021.

La présidente assesseure,

Anne E...

La présidente, rapporteure

Catherine H...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX01661


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01661
Date de la décision : 11/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : BABOU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-03-11;20bx01661 ?
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