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23/02/2021 | FRANCE | N°20BX02503

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 23 février 2021, 20BX02503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2019 par lequel le préfet de la Charente a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1902286 du 1er octobre 2019, le vice-président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2019, M. C... a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler l'ordo

nnance du 1er octobre 2019 du vice-président du tribunal administratif de Poitiers et d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2019 par lequel le préfet de la Charente a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par une ordonnance n° 1902286 du 1er octobre 2019, le vice-président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2019, M. C... a demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler l'ordonnance du 1er octobre 2019 du vice-président du tribunal administratif de Poitiers et d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2019.

Par un arrêt 19BX04070 du 14 mai 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'ordonnance du 1er octobre 2019 et a renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Poitiers.

Par un jugement n° 2001167 du 16 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête n° 20BX02503 enregistrée le 4 août 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision attaquée au regard de l'existence de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'interdiction de retour et sa durée sont manifestement disproportionnées.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant albanais, est entré irrégulièrement en France le 22 mars 2013, selon ses déclarations, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants mineurs. Il a sollicité l'asile le 13 mai 2013. Cette demande a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 24 novembre 2014. Par un arrêté du 23 avril 2015, le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêté du 12 septembre 2017, le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", sollicité sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de vingt-quatre mois. Saisie par M. C... le 23 août 2018 d'une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Charente a pris, le 23 octobre 2018, un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixation du pays de destination. Le recours de M. C... à l'encontre de cet arrêté a été définitivement rejeté par un arrêt n° 19BX01402 du 24 octobre 2019 de la cour. Le 10 septembre 2019, M. C... a été interpelé pour conduite d'un véhicule automobile sans permis de conduire. Lors de son audition le 11 septembre 2019, il s'est vu notifier deux arrêtés du préfet de la Charente portant, d'une part, assignation à résidence et, d'autre part, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant interdiction de retour.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient l'appelant, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a examiné, dans le point 6 du jugement, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et, en particulier, s'est prononcé sur son argument selon lequel l'interdiction de retour doit être motivée au regard de l'absence de circonstances humanitaires. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier pour avoir omis d'examiner ce moyen.

3. La publication d'un acte réglementaire au recueil des actes administratifs permet à tout intéressé d'avoir accès, de sa propre initiative, au contenu de cette décision. Dès lors, les premiers juges ont pu, sans méconnaître le principe du contradictoire, écarter le moyen tiré de l'incompétence, à défaut de délégation de signature, de l'auteur de l'arrêté attaqué, en opposant les dispositions de l'arrêté du préfet de la Charente du 27 août 2018, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, alors même que ce texte n'a pas été versé au dossier.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. M. C... se borne à reprendre en appel le moyen, qu'il avait invoqué devant le tribunal, tiré de ce que l'interdiction de retour est entachée d'une insuffisance de motivation, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer les motifs retenus par le premier juge pour les écarter. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers.

5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. (...) Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

6. M. C... ne conteste pas avoir fait l'objet de trois précédentes mesures d'éloignement en 2015, 2017 et 2018, qui sont restées inexécutées. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit aux points précédents, M. C... s'est maintenu sur le territoire national en situation irrégulière durant la quasi-totalité de son séjour et il ne justifie pas avoir tissé des liens particuliers en France en dehors de sa cellule familiale, les documents produits ne suffisant pas à démontrer son intégration et son insertion durable dans la société française. En outre, il ne fait état d'aucune circonstance humanitaire notamment au regard de sa situation personnelle et familiale, susceptible de justifier que le préfet de la Charente ne prononce pas une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Dans ces conditions, et bien qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans prononcée à son encontre n'est pas disproportionnée.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. Si M. C... se prévaut de sa présence en France depuis 2013, il ressort des pièces du dossier qu'il a déjà fait l'objet de trois mesures d'éloignement auxquelles il n'a pas déféré ainsi que d'une assignation à résidence d'une durée de six mois qu'il n'a pas respectée, de sorte qu'il s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire national durant la quasi-totalité de son séjour. Par ailleurs, la seule circonstance que l'intéressé maitrise le français n'est pas suffisante pour caractériser une intégration particulière. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'épouse de l'intéressé se trouve en situation irrégulière en France et que leurs enfants pourront, eu égard à leur jeune âge, poursuivre une scolarité normale dans leur pays d'origine, de sorte que la décision attaquée n'a pas pour objet de séparer la cellule familiale. De plus, si les parents de l'intéressé ont obtenu chacun un titre de séjour, cette circonstance est postérieure à l'arrêté attaqué et il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits, que leur état de santé nécessite la présence de M. C... à leurs côtés. Au regard de ces circonstances, le préfet de la Charente n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels a été prise la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'exécution de la décision sur sa situation personnelle.

9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, les enfants de M. C... pourront poursuivre une scolarité normale dans leur pays d'origine. En outre, la décision attaquée n'a pas vocation à séparer la cellule familiale. Dans ces conditions, la décision contestée ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur des enfants de M. C... alors même que les attestations produites montrent qu'ils sont bien intégrés dans leur école. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

11. Il ressort de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.

Le président,

Marianne Hardy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02503 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02503
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-23;20bx02503 ?
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