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22/02/2021 | FRANCE | N°19BX00968

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 22 février 2021, 19BX00968


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'annuler la décision du maire de l'Etang-Salé du 5 décembre 2016 le plaçant en retrait de l'administration communale ainsi que les décisions des 8 et 13 décembre 2016 lui ordonnant la restitution du véhicule de fonction et de divers matériels (ordinateur, téléphone portable, tablette, clés).

Par un jugement n° 1601309 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de la Réunion a annulé ces décisions des 5 décembre 2016, 8 déc

embre 2016 et 13 décembre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'annuler la décision du maire de l'Etang-Salé du 5 décembre 2016 le plaçant en retrait de l'administration communale ainsi que les décisions des 8 et 13 décembre 2016 lui ordonnant la restitution du véhicule de fonction et de divers matériels (ordinateur, téléphone portable, tablette, clés).

Par un jugement n° 1601309 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de la Réunion a annulé ces décisions des 5 décembre 2016, 8 décembre 2016 et 13 décembre 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er mars 2019, le 18 février 2020 et le 23 décembre 2020, la commune de l'Etang-Salé, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Réunion du 29 novembre 2018 ;

2°) de rejeter les demandes de M. E... ;

3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative et n'est pas suffisamment motivé ;

- la lettre du 5 décembre 2016 n'était qu'une information de la mise en oeuvre de la procédure de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 ; d'ailleurs son traitement n'a pas été supprimé avant le 1er mars 2017, date de l'éviction décidée par l'arrêté du 4 janvier 2017 pris après respect de la procédure évoquée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 juin 2019 et le 5 juillet 2020, M. E..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., attaché principal territorial, a été détaché à compter du 1er janvier 2000 sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services de la commune de l'Etang-Salé. Ce détachement a été renouvelé le 3 décembre 2015 pour une nouvelle période de trois ans à compter du 1er janvier 2016. Par une lettre du 5 décembre 2016, le maire de l'Etang-Salé l'a informé que " compte tenu du climat actuel et dans l'attente de la formalisation de la procédure, je vous autorise, dès ce jour, à vous mettre en retrait de l'administration communale ". Par ce même courrier, l'intéressé était invité à se " rapprocher du directeur général adjoint des services afin de procéder aux formalités de remisage des matériels de dotation ". Par des lettres des 8 et 13 décembre 2016, le maire a réitéré et précisé sa demande de restitution du véhicule de service et de divers matériels en possession de l'intéressé (ordinateur, téléphone portable, tablette numérique, clés). M. E... a demandé et obtenu du tribunal administratif de la Réunion l'annulation de ces 3 décisions du maire de l'Etang-Salé. La commune de l'Etang-Salé relève appel de ce jugement du 29 novembre 2018.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué du 29 novembre 2018 comporte les signatures exigées par ces dispositions. Dès lors, le jugement n'est pas irrégulier sur ce point.

3. D'autre part, il ressort du jugement attaqué que le tribunal s'est prononcé sur l'illégalité de la décision du 5 décembre 2016 et a estimé que les décisions des 8 et 13 décembre 2016 étaient illégales par voie de conséquence. Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune appelante, le jugement en cause est suffisamment motivé.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement contesté n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable à la date des décisions en cause : " Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné aux alinéas ci-dessous et que la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98. / Ces dispositions s'appliquent aux emplois : / (...) - de directeur général des services (...) des communes de plus de 2 000 habitants ; (...) / Il ne peut être mis fin aux fonctions des agents mentionnés ci-dessus (...) qu'après un délai de six mois suivant soit leur nomination dans l'emploi, soit la désignation de l'autorité territoriale. La fin des fonctions de ces agents est précédée d'un entretien de l'autorité territoriale avec les intéressés et fait l'objet d'une information de l'assemblée délibérante et du Centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion ; la fin des fonctions de ces agents prend effet le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'assemblée délibérante. ".

6. En premier lieu, et ainsi que l'ont pertinemment jugé les juges de première instance, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée du 5 décembre 2016 constituait sans ambiguïté une décision mettant fin au détachement de l'agent. En effet, si dans cette décision le maire de l'Etang-Salé utilisait l'expression selon laquelle il allait " vraisemblablement " mettre fin au détachement de M. E..., cette décision plaçait immédiatement l'intéressé en " retrait de l'administration communale " et lui enjoignait de restituer le matériel de dotation (véhicule de fonction, téléphone portable, ordinateur et clefs de l'hôtel de ville) au directeur général adjoint des services, signifiant ainsi à l'agent une volonté de cesser définitivement toute collaboration. Aussi, cette décision doit être regardée comme une décision mettant fin au détachement de M. E... sur les fonctions de directeur général des services et ne pouvait intervenir sans qu'ait été mise en oeuvre préalablement la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984. Or l'entretien entre le maire et l'intéressé a eu lieu postérieurement, le 23 décembre 2016, et le conseil municipal n'a été informé de la situation que lors de sa séance du 30 décembre 2016. La circonstance que, par la suite, le 4 janvier 2017, une nouvelle décision ait été prise par le maire de la commune, précisant que la fin de fonctions de M. E... prendrait effet au 1er mars 2017 ne saurait avoir pour effet de modifier la nature de la décision du 5 décembre 2016. Dès lors, faute d'avoir fait bénéficier l'agent en temps utile des garanties définies par l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, c'est à bon droit que le tribunal administratif de la Réunion a annulé la décision du 5 décembre 2016 laquelle est entachée d'illégalité.

7. En second lieu, l'annulation de la décision du 5 décembre 2016 mettant fin au détachement de M. E... et l'invitant à restituer le matériel dont il bénéficiait pour l'exercice de ses fonctions, a nécessairement pour corolaire que les décisions par lesquelles le maire a réitéré sa demande de restitution du matériel de fonctions sont illégales par voie de conséquence. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de la Réunion a annulé les décisions du maire de l'Etang-Salé des 8 et 13 décembre 2016 en l'absence de décision régulière mettant fin au détachement de l'agent.

8. Il résulte de tout ce qui précède, que la commune de l'Etang-Salé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Réunion a annulé les décisions du maire des 5, 8 et 13 décembre 2016.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune une somme de 1 500 euros qu'elle versera à M. E....

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de l'Etang-Salé est rejetée.

Article 2 : La commune de l'Etang-Salé versera la somme de 1 500 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de l'Etang-Salé et à M. F... E....

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme C... D..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 février 2021.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00968


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-10 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Divers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BONIFACE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 22/02/2021
Date de l'import : 04/03/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX00968
Numéro NOR : CETATEXT000043178520 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-22;19bx00968 ?
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