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16/02/2021 | FRANCE | N°20BX03232

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 février 2021, 20BX03232


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2019 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour " parent d'enfant français ".

Par un jugement n° 1900672 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté préfectoral du 21 janvier 2019 et a enjoint à la préfète de la Vienne de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à Mme D... dans un délai de deux mois à compter d

e la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2019 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour " parent d'enfant français ".

Par un jugement n° 1900672 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté préfectoral du 21 janvier 2019 et a enjoint à la préfète de la Vienne de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à Mme D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 septembre 2020, la préfète de la Vienne demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 juillet 2020.

Elle soutient que :

- aucun des motifs retenus par le tribunal administratif n'est suffisant pour caractériser une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme D... ;

- le tribunal administratif de Poitiers se fonde sur la durée de présence de Mme D... en retenant qu'elle est présente sur le territoire français depuis 2004, toutefois cette durée est à relativiser en raison de son caractère en partie irrégulier ; si Mme D... allègue être entrée en France en 2004, elle n'a obtenu son premier titre de séjour qu'en 2013 ;

- la circonstance que l'intéressée soit mère de plusieurs enfants et sa capacité à s'en occuper n'ont jamais été remis en cause par les services préfectoraux et de tels motifs ne peuvent suffire à caractériser une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale dès lors que la décision en litige se borne à lui refuser le renouvellement de son titre de séjour mais n'a pas pour conséquence de l'éloigner de ses enfants ;

- le comportement de Mme D... représente une menace à l'ordre public or lorsqu'une telle menace à l'ordre public est caractérisée, la jurisprudence tend à considérer que l'intéressée ne peut pas se prévaloir d'une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; eu égard à la menace à l'ordre public que représente le comportement de Mme D..., le tribunal administratif de Poitiers ne pouvait aucunement retenir que la décision portant refus d'un titre de séjour portait une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale.

Par ordonnance du 03 novembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 19 janvier 2021 à 12h00.

La requête a été communiquée à Mme D..., qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B..., a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., de nationalité nigériane, née le 26 mai 1984, est entrée en France, selon ses dires en 2004. Elle a donné naissance, en 2012, à une enfant de nationalité française. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français à compter de février 2013 qui a été renouvelé jusqu'en juillet 2017. Elle a sollicité, le 3 août 2018, le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 21 janvier 2019, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par un jugement du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision et a enjoint à la préfète de la Vienne de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par la présente requête, la préfète de la Vienne relève appel de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Mme D... est entrée en France en 2004, a donné naissance en 2012, à une fille de nationalité française et a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français à compter de février 2013, renouvelé jusqu'en juillet 2017. Mme D... est également mère de deux autres enfants nés en France en 2015 et en 2018 de nationalité nigériane. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a été condamnée le 28 février 2012 à 8 mois d'emprisonnement avec sursis pour violence aggravée suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours pour des faits survenus en 2010 et qu'elle est défavorablement connue des services de police pour des faits d'infraction à la législation des étrangers en 2008, entrée ou séjour irrégulier en France en 2008, 2009 et 2010, racolage public en 2008 et 2009, agressions sexuelles en 2008. Elle a également été condamnée le 29 juin 2018 à trois ans d'emprisonnement par le tribunal de grande instance de Rennes pour traite d'êtres humains commis en bande organisée, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime de blanchiment aggravé et concours en bande organisée à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'un délit. Pour annuler le refus de titre de séjour opposé par la préfète de la Vienne à Mme D... en raison de son comportement délictueux et de sa mauvaise intégration dans la société française, le tribunal administratif a considéré qu'en dépit des condamnations dont elle avait fait l'objet, compte tenu du lien l'unissant à sa fille française et à ses deux autres enfants nés en France dont le père est actuellement incarcéré en France, la décision portait au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle avait été prise, au vu notamment d'un jugement en assistance éducative de la Cour d'appel de Poitiers du 30 août 2019 par lequel le juge des enfants a considéré que les deux filles ainées de Mme D..., qui avaient été confiées aux services de l'aide sociale à l'enfance pendant son incarcération, pouvaient être à nouveau confiées à leur mère. Toutefois, eu égard à la gravité des faits commis par l'intéressée à l'origine des condamnations, pour certaines très récentes, dont elle a fait l'objet, caractérisant l'absence d'intégration dans la société française et la menace à l'ordre public qu'elle représente, c'est à tort que le tribunal a considéré que le refus de séjour opposé portait à l'intéressée une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale, alors au demeurant que rien ne fait obstacle à la poursuite de la vie familiale de Mme D... dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le père de ses deux autres filles est nigérian et qu'il n'est ni établi ni soutenu que le père de sa fille française participerait à l'entretien et l'éducation de celle-ci. Dès lors, la préfète de la Vienne est fondée à soutenir que c'est à tort que pour annuler son arrêté, le tribunal a retenu le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il avait été pris.

4. Il y a lieu dès lors de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres moyens soulevés par Mme D... en première instance.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture, disposait d'une délégation régulière pour signer la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.

6. Mme D... soutient que la décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. Toutefois, la lecture de la décision qui précise les éléments de droit et de fait sur lesquels elle repose, et notamment les conditions de l'entrée et du séjour en France de l'intéressée, sa situation familiale et les différentes condamnations dont elle a fait l'objet, révèle l'existence d'une motivation suffisante ainsi que l'examen approfondi de sa situation personnelle.

7. Ainsi qu'il a été dit précédemment au point 3, au regard des multiples condamnations successives dont Mme D... a fait l'objet ainsi que de leur gravité et de leurs motifs, la préfète de la Vienne n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en considérant qu'elle représentait une menace pour l'ordre public.

8. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Vienne est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 21 janvier 2019 rejetant la demande de titre de séjour de Mme D... et lui a enjoint de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme D... devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la préfète de la Vienne, à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme C... B..., présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 février 2021.

La présidente-rapporteure,

Evelyne B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03232
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-16;20bx03232 ?
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