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09/02/2021 | FRANCE | N°18BX03028

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 09 février 2021, 18BX03028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Glénouze ainsi que M. E... et Mme C... G... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2016 par lequel la préfète de la Vienne a procédé à l'enregistrement d'une installation de méthanisation au profit de la société Métha center 86, société à responsabilité limitée, sur le territoire de la commune de Curçay-sur-Dive, ainsi que l'arrêté du 8 novembre 2016 portant modification de l'arrêté du 27 octobre 2016.

Par un jugement n° 17006

09 du 30 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les arrêtés préfectoraux c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Glénouze ainsi que M. E... et Mme C... G... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2016 par lequel la préfète de la Vienne a procédé à l'enregistrement d'une installation de méthanisation au profit de la société Métha center 86, société à responsabilité limitée, sur le territoire de la commune de Curçay-sur-Dive, ainsi que l'arrêté du 8 novembre 2016 portant modification de l'arrêté du 27 octobre 2016.

Par un jugement n° 1700609 du 30 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les arrêtés préfectoraux contestés.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif enregistrés respectivement le 31 juillet et le 14 septembre 2018 et un mémoire enregistré le 23 juin 2020, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 mai 2018.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le tribunal n'a pas rempli son office en annulant les décisions contestées au motif que l'exploitant ne justifiait pas disposer des capacités financières en vue d'assurer l'exploitation et la remise en état du site ; il aurait dû faire application de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'exploitant disposait de capacités financières suffisantes ;

- la commune de Glénouze soutient pour la première fois en appel que le projet serait incompatible avec la carte communale de la commune, en invoquant le 4° de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement, alors qu'il s'agit d'une règle de procédure dont il n'est pas soutenu qu'elle aurait été méconnue ; le moyen est donc inopérant.

Par des mémoires enregistrés le 27 février 2020 et le 4 septembre 2020, la commune de Glénouze, représentée par la SCP KPL Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a prononcé l'annulation des décisions contestées au motif que le dossier de demande d'enregistrement était incomplet en ce qu'il ne comportait pas d'indications suffisantes quant aux capacités techniques et financières du pétitionnaire au regard des obligations des articles R. 512-3 et L. 512-7-3 du code de l'environnement ; il s'agit d'un motif de procédure ; le tribunal n'a donc commis aucune erreur de droit en appliquant les dispositions en vigueur à la date des décisions contestées ;

- à la date à laquelle le dossier a été mis à la disposition du public, le dossier se bornait à indiquer que le pétitionnaire était une SARL au capital de 20 000 euros détenue à 51 % par la société Agri center et à 49 % par la société Sergies, société d'économie mixte créée par le syndicat intercommunal de l'électricité et de l'équipement de la Vienne devenu Energie Vienne ; ce dossier était insuffisant sur ce point ;

- la commune d'implantation de l'installation est dotée d'une carte communale ; en vertu de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, ne peuvent être implantées en zone agricole que les constructions nécessaires à l'agriculture ; tel n'est pas le cas, une activité de méthanisation ne pouvant être regardée comme agricole, au regard des articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime, que si le capital social de la structure d'exploitation est détenu majoritairement par des exploitants agricoles et si la production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d'exploitations agricoles, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Par courrier du 19 novembre 2020, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de surseoir à statuer en vue de permettre la régularisation du vice entachant les décisions contestées, consistant dans le caractère incomplet du dossier de demande quant à la présentation des capacités financières du pétitionnaire, et invitées à présenter leurs observations sur ce point.

La commune de Glénouze a présenté des observations enregistrées le 1er décembre 2020. Elle soutient que le vice entachant la procédure n'est pas susceptible d'être régularisé.

Le ministre de la transition écologique a présenté des observations enregistrées le 4 décembre 2020. Il soutient que l'article L. 181-18 du code de l'environnement n'est pas applicable aux enregistrements et que le moyen tiré du caractère incomplet du dossier n'a pas été retenu par le tribunal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- l'arrêté du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2781 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté du 8 décembre 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2910-C de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (installations de combustion consommant exclusivement du biogaz produit par une seule installation de méthanisation soumise à enregistrement sous la rubrique n° 2781-1) ;

- le code de justice administrative et le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... B...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la commune de Glénouze, et de M. A... pour la société Metha center 86.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 27 octobre 2016, modifié à raison d'erreurs matérielles par arrêté du 8 novembre 2016, le préfet de la Vienne a procédé à l'enregistrement d'un projet d'installation de méthanisation situé sur le territoire de la commune de Curçay-sur-Dive, au profit de la société Métha center 86, au titre des rubriques 2781-1 et 2910-C de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Saisi notamment par la commune de Glénouze, commune voisine de la commune d'implantation de l'installation, par jugement du 30 mai 2018, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé l'annulation de ces deux arrêtés préfectoraux. Le ministre de la transition écologique fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient le ministre, qui n'apporte d'ailleurs aucune précision sur les lacunes qui entacheraient la motivation du jugement qu'il attaque, le jugement du 30 mai 2018 est motivé conformément à l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Il résulte des termes du jugement que les premiers juges ont entendu retenir deux motifs d'annulation tirés, pour l'un, du caractère incomplet du dossier de demande d'enregistrement au regard du 7° de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement et, pour l'autre, de l'insuffisance des capacités financières du pétitionnaire au regard des exigences de l'article L. 512-7-3 du même code.

4. Quant au caractère complet du dossier, en vertu de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la date des arrêtés contestés, le dossier de demande d'enregistrement doit notamment comporter " 7° Les capacités techniques et financières de l'exploitant ".

5. Il résulte de l'examen du dossier de demande présenté par la société Métha center 86 qu'il se bornait à exposer, s'agissant des capacités financières, que la société Métha center 86 est une société de projet au capital de 20 000 euros détenue à 51 % par la société Agri center, société par actions simplifiée elle-même détenue par un groupe de 29 agriculteurs et à 49 % par la société d'économie mixte Sergies, société comportant 85 % de fonds publics. Aucune indication n'était donnée quant au coût du projet et à son plan de financement. Ce dossier, soumis en l'état à la consultation du public par arrêté du 11 mai 2016 ne présentait pas les capacités financières du pétitionnaire et cette lacune a eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. C'est, par suite, à bon droit que le tribunal a retenu cette insuffisance.

6. Quant à l'appréciation des capacités financières du pétitionnaire, l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement issu de l'article 5 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, en vigueur à la date du présent arrêt, dispose que : " (...) Le préfet ne peut prendre l'arrêté d'enregistrement que si le demandeur a justifié que les conditions de l'exploitation projetée garantiraient le respect de l'ensemble des prescriptions générales, et éventuellement particulières, applicables. Il prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en oeuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et, le cas échéant, à l'article L. 211-1, et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-7-6 lors de la cessation d'activité (...) ". Ces dispositions modifient les règles de fond relatives aux capacités techniques et financières de l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement antérieurement définies au même article L. 512-7-3 issu de l'article 5 de l'ordonnance du 11 juin 2009 relative à l'enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l'environnement.

7. D'une part, il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant le projet en cause au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. D'autre part, si l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale prévoit que les dispositions de l'ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve d'un certain nombre de dispositions particulières, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de différer l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance concernant les enregistrements d'installations classées pour la protection de l'environnement aux enregistrements auxquels il a été procédé postérieurement à cette date.

8. Il résulte de l'instruction que, devant le tribunal, la société Métha center 86 a produit un pacte d'associés du 15 janvier 2014, un courrier du 18 janvier 2017 d'un organisme bancaire manifestant l'intérêt de la banque pour le projet représentant un coût d'investissement de 6,5 millions d'euros, une offre ferme de prêt de cet établissement bancaire, ainsi qu'une convention de financement conclue le 26 octobre 2012 et ultérieurement prorogée par avenant, avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie attribuant une aide au financement du projet pour un montant de 14 663 euros et, enfin, un business plan reposant sur une hypothèse de lancement de l'investissement en 2019 et comportant notamment un programme de financement des investissements, des prévisions de recettes et charges de fonctionnement et un compte de résultat prévisionnel. Les éléments du business plan font état d'un coût d'investissement d'environ 6,34 millions d'euros, d'un montant total de subventions d'environ 1,3 millions d'euros, d'un emprunt d'environ 4,34 millions d'euros à contracter sur une durée de 15 ans et d'un reste à financer d'environ 700 000 euros, le pacte d'associés stipulant quant à lui un engagement des associés de doter la société d'un capital social de 20 000 euros complété par 330 000 euros par voie d'augmentation de capital et 350 000 euros par des avances financières. La société produit également une délibération de la commission permanente du conseil régional adoptant des mesures de nature à renforcer le développement de la méthanisation dans la région notamment par la présentation de projets éligibles aux fonds européens. Le compte de résultat prévisionnel fait état d'un déficit de 118 000 euros à la fin du premier exercice et, ensuite, de résultats nets pour la plupart des exercices suivants jusqu'en 2033 à l'exception de l'exercice 2027. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'installation a été mise en service, en produisant ces éléments, la société a suffisamment démontré la pertinence des modalités selon lesquelles elle prévoit de disposer de capacités financières suffisantes pour lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-7-6 lors de la cessation d'activité. Ainsi, c'est à tort que le tribunal, en s'appuyant d'ailleurs sur une version de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement antérieure à celle dont il devait faire application, a estimé que le pétitionnaire n'avait pas justifié d'une capacité financière suffisante.

Sur l'application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

9. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ". En application de l'article L. 181-1 de ce code, l'autorisation environnementale est applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1 qui vise les installations soumises à autorisation. En vertu de l'article L. 512-7 du même code, l'enregistrement constitue une " autorisation simplifiée ". Ainsi, l'article L. 181-18 précité est applicable aux décisions d'enregistrement. Par ailleurs, en application de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, les autorisations délivrées au titre du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités et les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contestées.

10. Le vice mentionné au point 5 du présent arrêt, tiré de ce que le dossier de demande d'enregistrement présenté par la société Métha center 86 ne comportait pas d'éléments suffisants en ce qui concerne les capacités financières du pétitionnaire, est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative après complément de dossier sur ce point et consultation du public sur les éléments nouveaux apportés au dossier de demande. Il y a lieu d'examiner les autres moyens soulevés par les demandeurs de première instance avant, le cas échéant, de surseoir à statuer pour permettre cette régularisation.

11. Selon les dispositions précitées de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement, dans sa version applicable à la date des arrêtés contestés, le dossier de demande d'enregistrement doit notamment comporter les capacités techniques et financières de l'exploitant.

12. S'agissant des capacités techniques, le dossier de demande d'enregistrement comporte la composition des équipes de travail, la qualification et l'expérience des personnes et, en annexe, un plan de formation des personnels de l'entreprise. Cette présentation satisfait aux exigences des dispositions de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement.

13. Les dispositions de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement exigent également que le pétitionnaire joigne à sa demande d'enregistrement " 8° Un document justifiant du respect des prescriptions applicables à l'installation en vertu du présent titre, notamment les prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées en application du I de l'article L. 512-7. Ce document présente notamment les mesures retenues et les performances attendues par le demandeur pour garantir le respect de ces prescriptions ".

14. Le dossier de demande présenté par la société Métha center 86 comporte deux tableaux détaillant, article par article, les prescriptions contenues dans chacun des arrêtés applicables fixant les prescriptions générales, d'une part, l'arrêté du 12 août 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2781 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement et, d'autre part, l'arrêté du 8 décembre 2011 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2910-C de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Ces tableaux détaillent également pour chaque prescription les mesures prévues pour que leur respect soit assuré, au besoin en renvoyant à des développements plus détaillés du dossier ou de ses annexes. S'agissant en particulier de l'article 8 de l'arrêté du 12 août 2010, prévoyant que " l'exploitant prend les dispositions appropriées qui permettent d'intégrer l'installation dans le paysage. L'ensemble du site, de même que ses abords placés sous le contrôle de l'exploitant, sont maintenus propres et entretenus en permanence. Les émissaires de rejet et leur périphérie font l'objet d'un soin particulier ", le dossier de demande indique que l'unité de méthanisation est située à côté d'une ancienne carrière, à la lisière du bois de Champory et du bois aux Sourds et que des végétaux (arbres) seront mis en place par l'exploitant afin d'intégrer au mieux l'unité de méthanisation dans le paysage. En pages 16 et 17 du dossier, le pétitionnaire a précisé l'implantation du projet en indiquant les références cadastrales du terrain d'assiette, a fait figurer un plan permettant de localiser les parcelles, une description des lieux et de l'aspect du bâtiment à implanter avec l'indication des coloris prévus, ainsi qu'un photomontage permettant d'apprécier l'insertion du projet dans le paysage et a présenté en annexe 3 un plan d'ensemble du secteur. En page 115 du dossier, le pétitionnaire a par ailleurs recensé les sites remarquables du secteur et a indiqué que le projet ne se situait dans le périmètre de protection d'aucun de ces éléments patrimoniaux. Ainsi, la commune de Glénouze n'est pas fondée à soutenir que le dossier de demande ne serait pas complet au regard du 8° de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement.

15. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". L'article L. 512-7 du même code dispose que : " I. - Sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées (...) ".

16. Il résulte de l'instruction que les habitations les plus proches de l'installation projetée sont situées à 530 mètres du projet, soit une distance supérieure à la distance minimale fixée à 50 mètres par l'article 6 de l'arrêté ministériel du 12 août 2010 précité. Il résulte également de l'instruction et notamment du dossier de demande d'enregistrement que le procédé de méthanisation que l'exploitant prévoit de mettre en oeuvre se déroule en milieu hermétique, que les matières premières entrantes seront réceptionnées et stockées en intérieur, qu'un biofiltre est prévu afin de traiter l'air du bâtiment et que seuls les digestats liquides issus du processus de méthanisation seront stockés dans une lagune. Cette lagune sera équipée d'une couverture flottante et d'un agitateur évitant la formation de croûtes et les digestats seront épandus selon un plan d'épandage. L'exploitant précise dans sa demande que les digestats stockés sur de longues durées sont stabilisés et ne sont pas malodorants et que le transport des matières premières entrantes et des résidus se fera dans des camions bâchés dans la mesure du possible. Une étude d'odeurs a été jointe en annexe 9 au dossier de demande, comportant des mesures olfactométriques qui ne sont pas contestées. En outre, l'exploitant est tenu de respecter, selon l'article 6 de l'arrêté du 27 octobre 2016 attaqué, les prescriptions de l'arrêté du 12 août 2010 ainsi que celles de l'arrêté du 8 décembre 2011 remplacé par l'arrêté du 3 août 2018, qui imposent notamment en leurs articles 10, ou 17, s'agissant de l'arrêté du 3 août 2018, un nettoyage régulier des locaux. Il est également assujetti, en particulier, au respect de l'article 49 de l'arrêté du 12 août 2010 prévoyant les mesures à mettre en oeuvre en vue de la " prévention des nuisances odorantes ". Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ces mesures ne seraient pas suffisantes pour prévenir le risque de nuisances olfactives et de prolifération de mouches invoqué par la commune.

17. Ainsi que l'a relevé le tribunal, l'article 6 de l'arrêté du 27 octobre 2016 attaqué prescrit à la société Métha center 86 de procéder au débroussaillement des abords des installations du site sur une profondeur de 50 mètres avant la mise en service de l'exploitation et de maintenir cet état de débroussaillement en tout temps. Il résulte en outre de l'instruction que le risque incendie a été pris en compte par la société pétitionnaire dans son dossier de demande d'enregistrement, qui mentionne expressément, parmi les risques identifiés, le risque de feu de forêt, du fait de la proximité du bois de la Pique noire. Le dossier de demande, en particulier dans ses pages 77 et suivantes et dans ses annexes, décrit les moyens humains, les mesures et les équipements qui seront mis en oeuvre pour l'alerte et la lutte contre l'incendie. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport de l'inspecteur des installations classées devant le conseil départemental de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques, que le service départemental d'incendie et de secours de la Vienne a émis un avis favorable à la demande d'enregistrement, dès lors que la réserve incendie qu'il préconisait avait été prévue dans la demande de permis de construire et pourrait être utilisée tant en cas d'incendie au sein de l'installation de la société Métha center 86 qu'en cas d'incendie dans le massif boisé.

18. Les demandeurs de première instance ont également soutenu devant le tribunal que le projet ne pouvait être légalement enregistré dès lors que la société Métha center 86 n'avait pas demandé l'autorisation d'utiliser pour son accès et pour les travaux de raccordement, le chemin rural n° 37, intégré au circuit de randonnée créé par délibération du conseil municipal de la commune de Glénouze du 20 mai 2016, et sur lequel l'arrêté municipal du 14 novembre 2016 a interdit la circulation des véhicules de type 4x4 et engins de chantier. Toutefois, en premier lieu, il résulte de l'instruction que ces mesures concernant le chemin rural n° 37 ne visent que la partie du chemin située sur le territoire de la commune de Glénouze, l'autre partie étant située sur le territoire de la commune Curçay-sur-Dive, et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que le raccordement de l'installation aux réseaux divers nécessiterait des travaux concernant la partie du chemin rural situé sur le territoire de la commune de Glénouze. Ainsi, et à supposer même que la commune entendrait s'opposer à de tels travaux en application des articles D. 161-15 et D. 161-16 du code rural et de la pêche maritime, cette circonstance ne fait pas obstacle au raccordement de l'installation aux réseaux nécessaires à son bon fonctionnement. Il résulte par ailleurs de l'instruction que l'accès de l'installation est prévu sur la route départementale n° 14 comme l'indiquent le plan de masse joint au dossier de demande et la notice de présentation du projet qui a été produite à l'appui de la demande de permis de construire. A supposer même que les engins de lutte contre l'incendie soient susceptibles de devoir emprunter pour intervenir le chemin rural n° 37, situé au sud de l'installation, en vertu de l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales, les interdictions de circulation édictées en vue de protéger la tranquillité publique, la qualité de l'air, les espèces animales ou végétales, les espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques, ne s'appliquent pas aux véhicules utilisés pour assurer une mission de service public. S'agissant du raccordement aux réseaux de transport et de distribution de gaz de l'installation, destinée à produire du biogaz, cette opération incombe aux gestionnaires de ces réseaux et relève d'une autorisation distincte, de sorte que la commune ne peut utilement soutenir que la réglementation municipale concernant le chemin rural n° 37 ferait obstacle à ces travaux de raccordement. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de règles d'accès et de règles d'utilisation du chemin rural n° 37 doit être écarté.

19. Enfin, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus au point 7, il appartient au juge du plein contentieux des installations classées de se prononcer sur la légalité de l'autorisation au regard des règles d'urbanisme légalement applicables à la date de sa délivrance. La commune de Glénouze soutient pour la première fois en appel que le terrain d'assiette de l'installation projetée se trouve dans un secteur délimité par la carte communale où ne peuvent être admises que les constructions nécessaires à l'exploitation agricole, en se référant à l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme qui n'était plus en vigueur à la date des décisions contestées et qui, au demeurant, s'appliquait aux communes qui ne sont pas dotées d'une carte communale. Elle n'assortit ainsi pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. A supposer qu'elle ait entendu invoquer les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, qui a remplacé l'article L. 111-1-2 et n'admettant que certains types de constructions en dehors des parties urbanisées de la commune, il résulte de ces dispositions qu'elles autorisent notamment les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole mais aussi à des équipements collectifs, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées. Dès lors que le biogaz produit grâce au processus de méthanisation sera revendu à un opérateur pour une vente au public, ce projet, eu égard à ses caractéristiques et à la finalité de satisfaction d'un besoin collectif qu'il poursuit, constitue, en tout état de cause, une installation nécessaire à des équipements collectifs au sens des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme.

20. Il résulte de tout ce qui précède que, les autres moyens n'étant pas fondés, il y a lieu de surseoir à statuer en vue de permettre une mesure de régularisation de l'illégalité relevée au point 5 du présent arrêt qui, ainsi qu'il a été dit au point 10, est susceptible de régularisation. Dans ce but, il appartient à la pétitionnaire d'adresser au préfet un dossier complémentaire comportant les éléments exposant ses capacités financières. Ce dossier devra également comporter le présent arrêt. Une fois ces éléments recueillis, il y aura lieu de les soumettre à la consultation du public dans les conditions prévues aux articles R. 512-46-12 et suivants du code de l'environnement dans leur rédaction applicable à la date des arrêtés contestés. A la lumière du dossier complémentaire et des éventuelles observations du public, il appartiendra le cas échéant au préfet de la Vienne de prendre un arrêté complémentaire régularisant l'illégalité relevée au point 5.

21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à quatre mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti à la société Métha center 86 aux fins d'obtenir la régularisation de ce vice.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité des arrêtés de la préfète de la Vienne du 27 octobre 2016 et du 8 novembre 2016 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre à la société Métha center 86 de notifier le cas échéant à la cour une mesure de régularisation de l'illégalité mentionnée au point 5 de cet arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique, à la commune de Glénouze, à M. E... et Mme C... G... et à la société Métha center 86.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme F... B..., président,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.

Le président-rapporteur,

Elisabeth B...La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX03028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03028
Date de la décision : 09/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005-02-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Régime juridique. Actes affectant le régime juridique des installations. Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-02-09;18bx03028 ?
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