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14/01/2021 | FRANCE | N°19BX01358

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 14 janvier 2021, 19BX01358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier Louis Daniel Beauperthuy a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe la condamnation de la société de droit italien Inso sistemi per le infrastrutture sociali S.P.A. à lui verser la somme de 826 372,32 euros HT, soit 896 613,32 euros TTC, en réparation des préjudices que lui ont causés les fautes commise par cette société dans l'exécution du lot n° 104 d'un marché de travaux relatif à la reconstruction, la restructuration et l'extension des bâtiments de ce centre hospita

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Par un jugement n° 1800292 du 19 février 2019, le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier Louis Daniel Beauperthuy a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe la condamnation de la société de droit italien Inso sistemi per le infrastrutture sociali S.P.A. à lui verser la somme de 826 372,32 euros HT, soit 896 613,32 euros TTC, en réparation des préjudices que lui ont causés les fautes commise par cette société dans l'exécution du lot n° 104 d'un marché de travaux relatif à la reconstruction, la restructuration et l'extension des bâtiments de ce centre hospitalier.

Par un jugement n° 1800292 du 19 février 2019, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2018, le centre hospitalier Louis Daniel Beauperthuy (LDB), représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 19 février 2019;

2°) de condamner la société Inso sistemi per le infrastrutture sociali S.P.A. (INSO) à lui verser la somme de 826 372,32 euros H.T., soit 896 613,32 euros T.T.C., augmentée des intérêts légaux capitalisés à compter du 20 avril 2018 en réparation des préjudices que lui ont causés les fautes commises par cette société dans l'exécution du lot n° 104 d'un marché de travaux relatif à la reconstruction, la restructuration et l'extension des bâtiments de ce centre hospitalier ;

3°) de mettre à la charge de la société INSO la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le tribunal s'est fondé sur un moyen qui n'était pas invoqué par les parties et n'était pas d'ordre public ;

- le décompte de liquidation du marché n'est pas devenu définitif ;

- la notification de ce décompte ne faisait par suite pas obstacle à ce qu'il formule à l'encontre de son cocontractant de nouvelles demandes indemnitaires ;

- les désordres affectant ses locaux sont imputables à la seule société INSO ;

- il justifie du montant de son préjudice.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le Centre hospitalier Louis-Daniel Beauperthuy.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 5 décembre 2010, le centre hospitalier Louis Daniel Beauperthuy (LDB) a confié à la société de droit italien Inso sistemi per le infrastrutture sociali S.P.A (INSO), notamment, le lot n° 104 " gros oeuvre " d'un marché de travaux relatif à la reconstruction, la restructuration et l'extension des bâtiments de ce centre hospitalier. Ce lot a été résilié aux torts de cette société par décision du 4 mars 2017 et le décompte de résiliation lui a été notifié le 22 août suivant. Le centre hospitalier LBD demande à la cour d'annuler le jugement du 19 février 2019 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à ce que la société INSO soit condamnée à lui verser la somme de 826 372,32 euros HT, soit 896 613,32 euros TTC en réparation des préjudices que lui ont causés les fautes commises par cette société dans l'exécution de ce marché.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La société INSO a soutenu devant les premiers juges que la notification du décompte de résiliation du marché faisait obstacle à ce que le centre hospitalier LBD pût se prévaloir devant le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une créance contractuelle qui n'était pas mentionnée dans ce décompte et n'y faisait pas l'objet de réserves. Par suite, et contrairement à ce que soutient le centre hospitalier appelant, les premiers juges n'ont pas soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public en accueillant ce moyen après avoir constaté que ce décompte de résiliation était devenu définitif. Le centre hospitalier n'est ainsi pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait, pour ce motif, irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire. Après la transmission au titulaire du marché du décompte général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte général. Il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s'il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d'ouvrage et celles à l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves. À cet égard, il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves. À défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte. Il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat.

4. D'autre part, en vertu des stipulations de l'article 47.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG), " Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire. " L'article 13.4.4 du même cahier prévoit que : " Dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le titulaire renvoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, le décompte général revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. Ce décompte lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires afférents au solde.(...) En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le représentant du pouvoir adjudicateur règle, dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la notification du décompte général assorti des réserves émises par le titulaire ou de la date de réception des motifs pour lesquels le titulaire refuse de signer, les sommes admises dans le décompte final. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d'un complément, majoré, s'il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire. Ce désaccord est réglé dans les conditions mentionnées à l'article 50 du présent CCAG. "

5. Il résulte de l'instruction que le décompte de liquidation du marché a été notifié à la société INSO le 22 août 2017. Par lettre reçue par le pouvoir adjudicateur le 5 octobre suivant et assortie d'un mémoire en réclamation, la société INSO a refusé de le signer. Toutefois, elle n'a motivé sa contestation du décompte de résiliation qu'au regard des travaux complémentaires qu'elle soutient avoir réalisés au titre de la tranche ferme du marché ainsi que des préjudices qu'elle soutient avoir subis à raison, d'une part, des ajournements dont a fait l'objet l'exécution de la tranche conditionnelle du marché et, d'autre part, de la résiliation de celui-ci. Par suite, elle doit être regardée comme n'ayant présenté de mémoire en réclamation qu'en ce qui concerne ces seuls postes et non en ce qui concerne l'ensemble des rectifications du décompte de liquidation figurant dans le tableau qu'elle a joint à sa réclamation.

6. Dans ces conditions, en application des dispositions précitées de l'article 13.4.4 du CCAG et ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, la notification de ce décompte général fait obstacle à ce que le centre hospitalier LBD puisse réclamer à la société INSO, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes correspondant à des désordres dont il n'a pas fait état dans ce décompte dès lors qu'il n'existe pas de lien entre ces sommes et celles qui ont fait l'objet du mémoire en réclamation présenté par cette société.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier LBD n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société INSO à l'indemniser des préjudices que lui ont causés les fautes commises par cette société dans l'exécution du marché dont s'agit. Sa requête doit, par voie de conséquence, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Louis Daniel Beauperthuy et à la société de droit italien Inso sistemi per le infrastructure sociali S.P.A.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme C..., présidente-assesseure,

M. Manuel B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 janvier 2021

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°19BX01358


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Pénalités de retard.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CLL AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 14/01/2021
Date de l'import : 03/02/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX01358
Numéro NOR : CETATEXT000043052452 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-14;19bx01358 ?
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