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12/01/2021 | FRANCE | N°20BX02361

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 12 janvier 2021, 20BX02361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 février 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays

de renvoi.

Par un jugement n° 2000822 du 26 juin 2020, le magistrat désigné par le président

du tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de délivrer

à Mme E... un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger mineur malade.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 février 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays

de renvoi.

Par un jugement n° 2000822 du 26 juin 2020, le magistrat désigné par le président

du tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de délivrer

à Mme E... un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger mineur malade.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2020, le préfet des Deux-Sèvres demande

à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de Mme E....

Il soutient que :

- les éléments apportés par Mme E... ne permettent pas de contredire les avis rendus à deux reprises par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), les 12 avril 2019 et 3 février 2020, sur la disponibilité de soins appropriés dans le pays d'origine ; c'est ainsi à tort que le premier juge a annulé l'arrêté en se fondant sur l'absence de prise en charge adaptée en Géorgie ;

- les autres moyens invoqués par Mme E... n'étaient pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2020, Mme E..., représentée par la SCP Breillat, Dieumegard, Masson, conclut au rejet de la requête et demande à la cour

de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative

et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle fait valoir que

- sa fille B... née le 9 janvier 2017 souffre d'une hydrocéphalie congénitale avec une épilepsie séquellaire mal contrôlée ; son traitement est à base de Kepra (en remplacement du Tegretol à la suite d'une hospitalisation en juin 2019) et Dépakine ; elle bénéficie d'un suivi neuropédiatrique et d'une prise en charge en centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP) pour son retard psychomoteur ; la prise en charge réalisée en Géorgie n'était pas adaptée dès lors que l'enfant a subi huit interventions chirurgicales en raison de dérivations ventriculaires non fonctionnelles, que le traitement anti-épileptique prescrit n'a pas été modifié malgré son inefficacité, et que le neurochirurgien géorgien n'a pas répondu aux sollicitations de son confrère du centre hospitalier de Niort ; le Kepra est composé de Levetiracetam, qui n'est pas disponible en Géorgie, où elle n'aurait pas accès à la prise en charge pluridisciplinaire réalisée au CAMSP ; en outre, l'état de santé de l'enfant est incompatible avec le transport aérien et un trajet par la route n'est pas envisageable compte tenu de sa durée ; ainsi, l'état de santé de sa fille relève d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- à titre subsidiaire, elle reprend les moyens invoqués en première instance.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., de nationalité géorgienne, a déclaré être entrée en France

le 16 août 2018, accompagnée de sa fille B... alors âgée de 19 mois. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 juin 2019.

Par courrier du 21 novembre 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant l'état de santé de sa fille. Par un arrêté du 19 février 2020, le préfet des Deux-Sèvres a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet relève appel du jugement du 26 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme E... un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger mineur malade.

2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation (...). / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...). " Le 11° de l'article L. 313-11 prévoit la délivrance d'un titre de séjour à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. " S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire.

3. Par deux avis successifs des 12 avril 2019 et 3 février 2020, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de la jeune B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant, née le 9 janvier 2017, est suivie dans le service médico-chirurgical du CHU

de Poitiers pour une hydrocéphalie congénitale avec une épilepsie séquellaire sous traitement au long cours, entraînant un retard de développement global et nécessitant une prise en charge multidisciplinaire adaptée. Une crise convulsive persistante a nécessité son hospitalisation dans le service de pédiatrie-néonatologie du centre hospitalier de Niort du 9 au 14 juin 2019.

Le traitement a été alors adapté avec une majoration de la posologie de Dépakine

et le remplacement progressif du Tegretol par le Kepra. Mme E... produit une liste

des médicaments essentiels disponibles en Géorgie dont il ressort que si des génériques du traitement anti-épileptique de l'enfant y figurent, tel n'est pas le cas de la molécule Levetiracetam dont le Kepra est composé. En outre, B..., qui présentait en juin 2019, à l'âge de deux ans et demi, un décalage sévère du développement psychomoteur, particulièrement marqué dans le domaine des intérêts, des interactions et de la communication sociale malgré un début d'imitation gestuelle ou auditive, bénéficiait depuis octobre 2019 d'un accompagnement pluridisciplinaire dans un centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP), susceptible d'améliorer son évolution psychomotrice, dont l'indisponibilité en Géorgie n'est pas contestée. Dans ces circonstances particulières, la fille de Mme E... ne peut être regardée comme pouvant bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie. Par suite, le préfet des Deux-Sèvres n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 19 février 2020 et lui a enjoint de délivrer à Mme E... un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger mineur malade.

4. Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce,

de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à la SCP Breillat, Dieumegard, Masson sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant

à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet des Deux-Sèvres est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Breillat, Dieumegard, Masson une somme de 1 200 euros

au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet des Deux-Sèvres, à Mme I... E...

et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme H... G..., présidente,

Mme A... D..., présidente-assesseure,

Mme C... F..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 janvier 2021.

La rapporteure,

Anne D...

La présidente,

Catherine G...La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02361
Date de la décision : 12/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-12;20bx02361 ?
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