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12/01/2021 | FRANCE | N°20BX01921

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 12 janvier 2021, 20BX01921


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... G... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1900473 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 12 juin 2020 sous le n° 20BX01921, le préfet de la Guadel

oupe demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administra...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... G... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1900473 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 12 juin 2020 sous le n° 20BX01921, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe ainsi que son annulation.

Il soutient que :

- les conditions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont satisfaites dès lors que l'exécution de ce jugement risquerait d'exposer l'Etat à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où les conclusions d'appel seraient accueillies et d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que son arrêté portait une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme G... dès lors que la continuité de son séjour en France n'est pas établie, qu'elle peut reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, qu'elle ne justifie d'aucune activité professionnelle ni d'aucune ressource en France où elle s'est maintenue irrégulièrement en dépit de nombreuses mesures d'éloignement, qu'il est établi que l'un de ses enfants a été reconnu frauduleusement par un ressortissant français et qu'un autre de ses enfants a été reconnu par un ressortissant haïtien en situation régulière en couple avec une compatriote ;

- Mme G... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a fait droit aux conclusions présentées par Mme G... tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2019 du préfet de la Guadeloupe lui faisant obligation de quitter le territoire français, celle-ci ayant été implicitement mais nécessairement abrogée par l'autorisation provisoire de séjour délivrée à Mme G... le 9 juillet 2019.

II. Par une requête, enregistrée le 12 juin 2020 sous le n° 20BX01922, le préfet de la Guadeloupe conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans sa requête enregistrée le même jour sous le n° 20BX01921.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2020, Mme I... G..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer une carte de séjour temporaire dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions prévues par l'article R. 811-15 du code de justice administrative pour que soit ordonné un sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 mars 2020 ne sont pas remplies ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'arrêté litigieux du préfet de la Guadeloupe a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- l'arrêté du préfet méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur d'appréciation de sa vie privée et familiale ;

- la procédure pour reconnaissance frauduleuse de son premier enfant n'a pas été menée à son terme.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a fait droit aux conclusions présentées par Mme G... tendant à l'annulation de la décision du 15 mars 2019 du préfet de la Guadeloupe lui faisant obligation de quitter le territoire français, celle-ci ayant été implicitement mais nécessairement abrogée par l'autorisation provisoire de séjour délivrée à Mme G... le 9 juillet 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- l'ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., ressortissante haïtienne née le 3 août 1976, a sollicité le 16 avril 2018 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement n° 1900473 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par des requêtes, enregistrées sous les nos 20BX01921 et 20BX01922, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ainsi que d'en prononcer l'annulation. Ces requêtes présentent à juger des questions semblables et sont relatives à la situation d'une même ressortissante étrangère, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que des autorisations provisoires de séjour ont été délivrées à Mme G... par la préfecture de la Guadeloupe le 9 juillet 2019 puis le 15 février 2020. Cette délivrance a implicitement mais nécessairement abrogé la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre le 15 mars 2019 de sorte que, le 10 mars 2020, date du jugement attaqué, la demande présentée par l'intéressée tendant à l'annulation de cette décision était devenue sans objet et le tribunal devait constater qu'il n'y avait pas lieu d'y statuer. Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe qui a statué sur cette demande doit dès lors être annulé dans cette mesure. Il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Mme G... a soutenu devant les premiers juges être présente en France depuis 2004, y être bien intégrée et y élever ses deux enfants nés en 2005 et 2006, qui sont scolarisés. Elle a produit, pour justifier de sa présence sur le territoire national, l'acte de naissance de ses enfants en Guadeloupe, leurs certificats de scolarité depuis 2008, quelques avis d'imposition ne faisant état d'aucune ressource et l'attestation d'un médecin certifiant que Mme G... le consulte régulièrement à son cabinet depuis le mois de novembre 2004. De tels éléments sont seulement de nature à établir, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la présence continue de Mme G... en France à compter de l'année 2008, soit depuis plus de dix ans à la date de la décision du préfet. Cette durée de séjour conséquente ne saurait toutefois suffire à caractériser l'existence d'une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de Mme G... par l'arrêté litigieux du préfet de la Guadeloupe, dès lors que l'intéressée ne justifie par aucune pièce des attaches privées et familiales qu'elle allègue sur le territoire national, sur lequel elle s'est maintenue en dépit de quatre précédentes mesures d'éloignement édictées à son encontre. En outre, alors que l'intéressée n'est pas autorisée à travailler sur le territoire, et a indiqué vivre de petits emplois d'entretien ménager non déclarés, il ne ressort des pièces du dossier aucun obstacle à ce que Mme G... reconstitue sa cellule familiale dans son pays d'origine, où elle a reconnu que vivent cinq de ses frères et soeurs. Dans ces conditions, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'arrêté du 15 mars 2019 refusant à Mme G... la délivrance d'un titre de séjour aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et aurait ainsi méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il y a lieu, pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions présentées par les parties devant le tribunal administratif et devant la cour.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, les moyens tirés de ce que l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 15 mars 2019 méconnaîtrait les dispositions précitées et serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme G... doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que les moyens invoqués par Mme G... devant le tribunal doivent être écartés et, par suite, à demander l'annulation du jugement attaqué du 10 mars 2020. En outre, les conclusions présentées par Mme G... en première instance et en appel doivent, pour les mêmes motifs, être rejetées, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

9. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Guadeloupe tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions qu'il présente tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 mars 2020 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et ses conclusions présentées en appel sont rejetés.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet tendant au sursis à l'exécution du jugement.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme I... G....

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme H... F..., présidente,

Mme A... C..., présidente-assesseure,

Mme B... E..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 janvier 2021.

La rapporteure,

Kolia E...

La présidente,

Catherine F...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01921, 20BX01922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01921
Date de la décision : 12/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : NAVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-01-12;20bx01921 ?
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