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18/12/2020 | FRANCE | N°18BX04537

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 18BX04537


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz-Ciboure a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner in solidum la société EMCC et la société Idra Environnement à lui payer la somme de 340 173,18 euros correspondant à l'indemnité mise à sa charge par le tribunal administratif de Pau puis par la cour administrative d'appel de Bordeaux, en réparation des préjudices subis par le département des Pyrénées-Atlantiques et la chambre de commerce et d'industrie de Bayonne et du Pays Basque

et résultant des dommages causés aux installations portuaires.

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz-Ciboure a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner in solidum la société EMCC et la société Idra Environnement à lui payer la somme de 340 173,18 euros correspondant à l'indemnité mise à sa charge par le tribunal administratif de Pau puis par la cour administrative d'appel de Bordeaux, en réparation des préjudices subis par le département des Pyrénées-Atlantiques et la chambre de commerce et d'industrie de Bayonne et du Pays Basque et résultant des dommages causés aux installations portuaires.

Par un jugement n° 1700147 du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2018, le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz-Ciboure, représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 31 octobre 2018 ;

2°) de condamner in solidum la société Vinci Construction Maritime et Fluvial, venant aux droits de la société EMCC, et la société Idra Environnement à lui payer la somme de 340 173,18 euros correspondant à l'indemnité mise à sa charge par le tribunal administratif de Pau et confirmée par la cour administrative d'appel de Bordeaux, en réparation des préjudices subis par le département des Pyrénées-Atlantiques et la chambre de commerce et d'industrie de Bayonne et du Pays Basque, et résultant des dommages causés aux installations portuaires ;

3°) de condamner in solidum la société Vinci Construction Maritime et Fluvial, venant aux droits de la société EMCC, et la société Idra Environnement au paiement des frais d'expertise intégralement répartis entre elles ;

4°) de condamner in solidum la société Vinci Construction Maritime et Fluvial et la société Idra Environnement au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le moyen sur lequel s'est fondé le tribunal pour rejeter sa demande, soit la réception sans réserve des travaux, n'a été invoqué que le jour de la clôture de l'instruction et que son mémoire en réplique sur ce point n'a pas été pris en compte ;

- le maître d'oeuvre et l'entreprise ont commis des fautes dans l'exécution des travaux ainsi que cela ressort du rapport de l'expert ; le maître d'oeuvre aurait dû faire arrêter les travaux lors du premier incident et cela relève de sa responsabilité y compris après réception des travaux, de même il a failli à sa mission dans l'établissement du décompte général et définitif ;

- il n'a commis aucune faute dans l'exécution des travaux et il n'était pas le maître d'ouvrage du rideau de palplanches qui appartient au département et qui relève de la concession de service public conclue avec la chambre de commerce et d'industrie de Bayonne et du Pays Basque ;

- l'article 9.1 du cahier des clauses administratives particulières et 40 du cahier des clauses techniques particulières permettent de rechercher la responsabilité de l'entrepreneur même après réception des travaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2020, la société Vinci Construction Maritime et Fluvial, représentée par Me E..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la société Idra Environnement la garantisse des condamnations prononcées à son encontre, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz-Ciboure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande est dépourvue de fondement juridique permettant d'engager la responsabilité des constructeurs dès lors que le contrat a pris fin à réception des travaux ;

- à titre subsidiaire la responsabilité du syndicat est prépondérante dans les désordres puisque leur origine réside dans le sous dimensionnement du rideau de palplanches.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... D...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz-Ciboure, et de Me C..., représentant la société Vinci Construction Maritime et Fluvial.

Considérant ce qui suit :

1. Le département des Pyrénées-Atlantiques, le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure et la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Bayonne et du Pays Basque ont constitué à la fin de l'année 2011 un groupement de commandes aux fins de procéder à des travaux de désenvasement du port de Saint-Jean-de-Luz. A la suite d'un appel d'offres, la réalisation du lot A relatif au dragage des sédiments du plan d'eau de la zone de plaisance du port a été confiée par acte d'engagement du 30 novembre 2011 à la société EMCC. Le maître d'ouvrage pour cette tranche de travaux était le syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, le contrôle et la direction du chantier étant confiés à la société Idra Environnement. Les travaux de dragage, objet du lot A, ont débuté le 17 janvier 2012. Le 13 février 2012, alors que la société EMCC intervenait le long de la cale de hissage de Larraldenia, en bordure du plan d'eau du port de plaisance, le rideau de palplanches protégeant cette cale a été accroché par un engin de cette société et s'est dégrafé sur une longueur de 15 mètres, avec un début de déversement en tête. Le sinistre s'est ensuite aggravé le 22 février suivant en raison des remous occasionnés par la barge de dragage, qui ont achevé de décoller le rideau de palplanches, provoquant ensuite l'effondrement partiel de la cale de hissage et rendant celle-ci inutilisable. Les travaux de réparation issus de cet incident, qui ont eu lieu en juin et juillet 2012, ont été pris en charge intégralement par le département des Pyrénées-Atlantiques, lequel a saisi le tribunal administratif de Pau, et obtenu l'indemnisation de son préjudice financier par le syndicat intercommunal de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, pour un montant de 332 236,18 euros. Le syndicat et les constructeurs ont été condamnés solidairement à réparer le préjudice subi par la chambre de commerce et d'industrie pour un montant de 7 937 euros ainsi que les frais d'expertise pour un montant de 10 846,82 euros. La cour a confirmé le jugement du 30 septembre 2014 du tribunal administratif de Pau sur ces points, dans un arrêt 14BX03405 du 6 décembre 2016. Les travaux, objet du marché, ont ensuite été réceptionnés sans réserve le 9 février 2015. Puis le syndicat a saisi le tribunal administratif de Pau dans le cadre d'une action récursoire, afin de voir condamner la société EMCC et la société Idra Environnement à lui verser la somme de 340 173,18 euros. Le syndicat relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 31 octobre 2018 rejetant sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que, alors que la clôture de l'instruction avait été fixée par une ordonnance du président de la formation de jugement au 25 septembre 2018, un mémoire en défense a été produit par la société Vinci Construction Maritime et Fluvial et a été communiqué au syndicat requérant par un courrier daté du même jour. La mention, contenue dans ce courrier, invitant le syndicat à produire, le cas échéant, un mémoire en réplique " dans les meilleurs délais ", n'a pas eu pour effet de reporter la date de clôture de l'instruction. Le syndicat requérant est, dès lors, fondé à soutenir que le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu, alors que par ailleurs son mémoire en réplique du 14 octobre 2018 au moyen de défense retenu par le tribunal n'a pas été analysé. Il y a donc lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau qui est entaché d'irrégularité.

3. Il y a lieu d'évoquer et statuer immédiatement sur la demande du syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure devant le tribunal administratif.

Sur l'action récursoire :

4. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, la responsabilité des constructeurs soit ultérieurement recherchée par le maître d'ouvrage pour couvrir des dommages dont un tiers a demandé réparation à celui-ci. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part, ou dans le cas où le dommage subi trouverait directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché.

En ce qui concerne la faute dans l'exécution du marché :

5. En premier lieu, par un acte d'engagement du 30 novembre 2011, le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, maître d'ouvrage, a confié à la société EMCC la réalisation du lot A relatif au dragage des sédiments du plan d'eau de la zone de plaisance du port. Le contrôle et la direction des travaux étaient confiés à la société Idra Environnement. Un sinistre s'est produit les 13 et 22 février 2012, et les travaux de réparation ont eu lieu en juin et juillet 2012. Le syndicat intercommunal a été condamné par le tribunal administratif de Pau à réparer les dommages causés par l'exécution défectueuse du contrat de concession conclut avec le département et qui était la cause principale à l'origine des désordres. Les travaux, objet du marché, ont ensuite été réceptionnés sans réserve le 9 février 2015. Le recours introduit par le syndicat devant le tribunal administratif tendait à mettre en cause la responsabilité que pouvait encourir envers lui ces constructeurs en raison de la mauvaise exécution du marché. Ainsi, ce recours avait pour fondement juridique la faute qu'auraient commise la société EMCC et la société Idra Environnement à son égard dans l'accomplissement de ses obligations contractuelles issues du marché de travaux. Par suite, les constructeurs pouvaient se prévaloir de la réception définitive prononcée sans réserve, qui a eu pour effet de mettre fin aux rapports contractuels qui étaient nés du marché.

6. En second lieu, si le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure fait valoir que des clauses contractuelles permettaient la prolongation de la responsabilité contractuelle des constructeurs au-delà de la réception des travaux sans réserve, cela ne résulte d'aucune des stipulations invoquées. En effet, l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières invoqué par le syndicat figure sous le titre " assurances " et ne peut être interprété comme permettant une extension de responsabilité contractuelle dans le temps, de même qu'aucune clause particulière, sous le titre " réception des travaux " ne permet l'extension de cette responsabilité contractuelle au-delà de la date de réception. Il en est de même du cahier des clauses techniques particulières qu'il invoque dès lors que le chapitre " réception des travaux " ne prévoit aucune extension de responsabilité contractuelle au-delà du terme du contrat.

7. Dès lors, il résulte de ce qui précède, et en l'absence de clause contractuelle contraire, que l'action récursoire du syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, qui a pour fondement juridique les fautes commises par ces constructeurs dans l'accomplissement de leurs obligations contractuelles respectives, ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne la faute du maître d'oeuvre dans l'établissement du décompte général et définitif :

8. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Toutefois, la circonstance que le décompte général d'un marché public soit devenu définitif ne fait pas, par elle-même, obstacle à la recevabilité de conclusions du maître d'ouvrage contre le maître d'oeuvre, sauf s'il est établi que le maître d'ouvrage avait eu connaissance de l'existence du litige avant qu'il n'établisse le décompte général du marché et qu'il n'a pas assorti le décompte d'une réserve, même non chiffrée, concernant ce litige. Lorsqu'un maître d'ouvrage, condamné par le juge administratif à réparer des dommages causés à un tiers et, ainsi nécessairement informé de l'existence d'un litige, signe néanmoins avec le maître d'oeuvre, sans l'assortir de réserve, le décompte général du marché qui les lie, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation correspondant à ces sommes.

9. Il n'est pas contesté que le décompte général du marché en cause a été signé par le maître de l'ouvrage sans aucune réserve et est, par suite, devenu définitif. Il résulte de l'instruction que lors de la signature de ce décompte général, le maître d'ouvrage avait nécessairement connaissance du litige qui l'opposait aux constructeurs. Dès lors, le syndicat intercommunal requérant n'est pas recevable à demander réparation au maître d'oeuvre en raison d'une faute dans l'établissement du décompte général et définitif.

10. Il résulte de tout ce qui précède, que le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure n'est pas fondé à demander la condamnation des sociétés Vinci Construction Maritime et Fluvial et Idra Environnement à lui verser les sommes qu'il réclame, y compris le remboursement des frais d'expertise.

Sur les autres conclusions :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sociétés Vinci Construction Maritime et Fluvial et Idra environnement, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent une somme au titre des frais exposés par le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure une somme à verser à la société Vinci Construction Maritime et Fluvial sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 31 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Pau par le syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal de la baie de Saint-Jean-de-Luz - Ciboure, à la société Vinci Construction Maritime et Fluvial et à la société Idra Environnement.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme B... D..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.

Le président,

Didier ARTUS

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04537


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04537
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Concessions - droits et obligations des concessionnaires.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL CABINET CAMBOT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-18;18bx04537 ?
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