Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 3 avril 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant trois ans.
Par un jugement n° 2000952 du 16 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 au profit de Me D....
Il soutient que :
- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce qu'il peut bénéficier des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation en se contentant de ne faire état que du jugement correctionnel du 15 novembre 2019 et de la procédure d'asile ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'accorder un délai de départ volontaire et interdiction de retour sont insuffisamment motivées ;
- la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur de droit dès lors que la preuve de la notification régulière de la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'est pas rapportée ;
- il peut bénéficier des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa qualité de père d'une enfant française ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions attaquées portent atteinte à sa vie familiale et à l'intérêt supérieur de son enfant mineur.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant guinéen né le 28 févier 1997, est entré irrégulièrement en France, au mois de mars 2018 selon ses déclarations. Lors du dépôt de sa première demande d'asile, le 30 mars 2018, il a déclaré avoir déjà introduit des demandes de protection internationale en Allemagne et en Suisse, qui ont été rejetées. Le traitement de sa demande dans le cadre de la procédure " Dublin " n'a toutefois pas été mené à son terme. Le 14 juin 2019, il a déposé une deuxième demande d'asile en France, qui après avoir été examinée dans le cadre de la procédure accélérée, a été rejetée par une décision du 26 août 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Le 20 octobre 2019, il a été placé en détention provisoire à la suite de violences exercées sur sa compagne et a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Niort du 15 novembre 2019, à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois, dont neuf mois avec sursis, pour violences suivies d'une incapacité supérieure à huit jours et usage illicite de stupéfiants. Par un arrêté du 3 avril 2020, le préfet des Deux-Sèvres l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire pendant trois ans. M. C... relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. A l'appui de sa demande, M. C... soutenait notamment qu'il pouvait bénéficier des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa qualité de père d'une enfant française. Le premier juge ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement est irrégulier et doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Poitiers.
Sur la légalité de l'arrêté du 3 avril 2020 :
4. Par un arrêté du 3 février 2020, publié au recueil des actes administratifs du département, le préfet des Deux-Sèvres a donné délégation à Mme Anne Baretaud, secrétaire générale de la préfecture, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions contestées. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.
5. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application, mentionne les faits relatifs à la situation personnelle et administrative de M. C... et indique avec précision les raisons pour lesquelles le préfet des Deux-Sèvres l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire et a interdit son retour pendant trois ans. En particulier cet arrêté mentionne la durée de la présence de M. C... en France, la naissance de sa fille à Niort, les faits retenus par le tribunal correctionnel alors que l'enfant n'était âgé que de onze jours ainsi que la présence de sa mère et de ses frères et soeurs en Guinée et précise, contrairement à ce que soutient M. C..., que " sa situation ne permet pas d'établir l'existence de considérations humanitaires justifiant l'absence d'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français " et que le point de départ de la mesure d'interdiction de retour est fixé à la date de notification de l'arrêté. Ces indications, qui ont permis à M. C... de comprendre et de contester les mesures prises à son encontre, étaient suffisantes alors même que l'arrêté ne précise pas les " moyens permettant d'établir son exécution " comme le soulève l'appelant. La circonstance que le préfet se serait fondé sur des motifs qui ne correspondrait pas à sa situation juridique relève du bien-fondé de l'arrêté contesté et est sans incidence sur sa légalité externe. Par suite, le moyen tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté attaqué doit être écarté.
6. Contrairement à ce que soutient M. C..., ni la motivation des décisions contestées ni aucune autre pièce du dossier ne permettent de considérer que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation avant d'édicter l'arrêté attaqué. Le moyen ainsi soulevé doit donc être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. C... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 août 2019. Le préfet des Deux-Sèvres a produit devant le tribunal le relevé des informations de la base de donnée " TelemOfpra ", tenue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, relative à l'état des procédures de demandes d'asile, attestant que la décision précitée a été notifiée à l'intéressé le 19 septembre 2019 et que le pli la contenant est revenu à l'office. M. C... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude des mentions portées sur ce document qui font foi jusqu'à la preuve contraire. Par suite, M. C... ne bénéficiant plus du droit de se maintenir sur le territoire français depuis cette date, c'est sans commettre d'erreur de droit que le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 précité.
9. Ce fondement justifiant à lui seul la mesure d'éloignement prise par le préfet à l'encontre de M. C..., les circonstances que l'arrêté contesté mentionne d'autres fondements juridiques qui ne correspondraient pas à sa situation est sans incidence sur la légalité de cette mesure.
10. Si M. C... se prévaut de sa qualité de père d'une enfant française née le 5 octobre 2019, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... n'a vécu que quelques jours avec son enfant, les violences exercées contre la mère de sa fille ayant eu lieu alors que l'enfant n'était âgée que de onze jours, que la petite fille a été confiée au service d'aide social à l'enfance par un jugement en assistance éducative du 7 novembre 2019 et que M. C... ne contribue pas à son entretien ni à son éducation. Si M. C... se prévaut d'une ordonnance en assistance éducative du 22 mai 2020 lui accordant un droit de rendre visite à sa fille tous les mois et en lieu neutre ainsi que d'une attestation de la maison départementale de l'enfance du 25 août 2020 indiquant que, jusqu'à présent, il se montre assidu à ces visites, ces documents se rapportent à des éléments postérieurs à la mesure d'éloignement contestée. Par suite, à la date de l'arrêté contesté, M. C... ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui font obstacle, dans certains cas, à l'éloignement d'un étranger qui est père ou mère d'un enfant français.
11. En vertu des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'autorité administrative peut décider qu'un étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français si, notamment, son comportement constitue une menace pour l'ordre public.
12. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. C... a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Niort du 15 novembre 2019, à une peine d'emprisonnement de dix-huit mois, dont neuf mois avec sursis, pour violences suivies d'une incapacité supérieure à huit jours et usage illicite de stupéfiants. Par suite, le préfet a pu, à bon droit, considérer que son comportement constituait une menace pour l'ordre public au sens des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ainsi refuser de lui accorder un délai de départ volontaire alors même qu'il n'a fait l'objet que d'une seule condamnation pénale et qu'il n'avait jamais fait l'objet auparavant d'une mesure d'éloignement.
13. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. C... est arrivé récemment en France, qu'il ne doit pas entrer en contact avec la mère de son enfant et qu'il ne disposait, à la date de l'arrêté attaqué, que d'un droit de correspondance avec le service d'aide social à l'enfance auquel sa fille a été confiée. Il ne dispose d'aucun autre lien en France alors que sa mère et ses soeurs résident en Guinée, pays dans lequel il a lui-même vécu la plus grande partie de sa vie. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement sans délai et l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ne peuvent être regardées comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts poursuivis par ces mesures ni comme ayant été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur de sa fille. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés.
14. Pour les mêmes motifs, le préfet ne peut être regardé, à la date de l'arrêté attaqué, comme ayant fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. C..., alors même que les mesures de réduction de peine dont il a bénéficié seraient dues à son bon comportement en détention.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 3 avril 2020 doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au profit de l'avocat de M. C....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2000952 du 16 juillet 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Poitiers et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... A..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
Le président-rapporteur,
Marianne A... Le président-assesseur,
Didier Salvi
Le greffier,
Stéphan Triquet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 20BX02501