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17/12/2020 | FRANCE | N°18BX04308

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 17 décembre 2020, 18BX04308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1700220 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Pau a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles Mme C... a été assujettie au titre de l'année 2014 à hauteur du montant de l'avantage fiscal résultant du bénéfice d'un

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1700220 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Pau a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles Mme C... a été assujettie au titre de l'année 2014 à hauteur du montant de l'avantage fiscal résultant du bénéfice d'une demi-part du quotient familial et du montant du crédit d'impôt pour les dépenses engagées pour l'isolation thermique des parois vitrées de son habitation et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires, enregistrés le 13 décembre 2018 et les 23 septembre et 25 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour de réformer ce jugement du tribunal administratif de Pau du 20 septembre 2018 en tant qu'il porte sur le dégrèvement d'impôt sur le revenu prononcé à raison de l'octroi du bénéfice de la demi-part supplémentaire pour le calcul du quotient familial applicable aux revenus de l'année 2014 et de rétablir Mme C... à l'impôt sur le revenu à hauteur du dégrèvement prononcé à l'issue du jugement.

Il soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que Mme C... était fondée à opposer à l'administration, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales la doctrine administrative référencée BOI-IR-LIQ-10-20-20-10 20140326 ; ainsi cette doctrine, prise dans l'ensemble de ses dispositions, prévoit que la majoration du quotient familial ne peut être accordée qu'autant que l'enfant a été fiscalement à charge du contribuable pendant au moins cinq ans au cours desquels ce dernier vivait seul ;

- le fils de Mme C... n'a été à charge au sens des dispositions combinées des articles 195-1 et 196 du code général des impôts qu'une seule année alors que cinq années sont requises, sous réserve que les autres conditions soient remplies, pour bénéficier de la demi-part supplémentaire au titre du quotient familial ; ainsi, dès 2005 son fils, devenu majeur, a souscrit sa propre déclaration de revenu.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 mars, 7 octobre et 13 novembre 2019, Mme C..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête du ministre et à ce que soit mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête du ministre est tardive dès lors que le délai d'appel du jugement notifié le 20 septembre 2018 expirait le 22 novembre 2018 ; le mémoire d'appel n'est pas signé par le ministre mais par la DGFIP qui a reçu notification du jugement ; le délai allongé dérogatoire de l'article R. 200-18 du code des procédures fiscales ne s'applique qu'à la condition que l'appel soit interjeté par le ministre ;

- elle a eu la charge exclusive d'entretien de son fils pendant cinq années, sans aide, conformément aux exigences des articles 193 ter, 195 et 196, de l'année 2004 à l'année 2009 ; il ne résulte d'aucun de ces textes qu'elle aurait dû assumer la charge fiscale de son fils ;

- elle remplit les conditions des § 240 et 250 de la doctrine administrative exprimée sous la référence BOI-IR-LIQ-10-20-20-10 pour bénéficier de la majoration, qui exige uniquement que le parent ait eu la responsabilité matérielle et morale de l'enfant et ait assumé une partie au moins de ses besoins matériels ; en imposant des conditions tenant à la minorité de l'enfant et à la circonstance que ce dernier n'ait pas disposé de revenus distincts, 1' administration contrevient à sa propre doctrine.

Par ordonnance du 7 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... F...,

- et les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2013 et 2014 à l'issue duquel le bénéfice de la demi-part supplémentaire de quotient familial qu'elle avait sollicité, sur le fondement du a du 1 de l'article 195 du code général des impôts, dans ses déclarations de revenu au titre des années 2013 et 2014, en tant que contribuable veuve ayant assuré à titre exclusif, alors qu'elle vivait seule, la charge de l'entretien de son fils de l'année 2004 à l'année 2009, a été remis en cause par l'administration par proposition de rectification du 18 mars 2016 au motif que la condition tenant à la charge effective de l'enfant pendant au moins cinq ans au cours desquels elle vivait seule n'était pas satisfaite. L'administration a également procédé à la reprise du crédit d'impôt pour dépenses en faveur des économies d'énergie obtenu au titre de l'année 2014. Par un jugement du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Pau a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles Mme C... a été assujettie au titre de l'année 2014 à hauteur du montant de l'avantage fiscal résultant du bénéfice d'une demi-part du quotient familial et du montant du crédit d'impôt pour les dépenses engagées pour l'isolation thermique des parois vitrées de son habitation et a rejeté le surplus de sa demande. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il porte sur le dégrèvement d'impôt sur le revenu prononcé à raison de l'octroi du bénéfice de la demi-part supplémentaire pour le calcul du quotient familial applicable aux revenus de l'année 2014.

Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme C... :

2. Aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : " À compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif de Pau a été notifié au directeur de la direction départementale des finances publiques le 20 septembre 2018. Il n'est pas allégué que ce jugement aurait été signifié directement au ministre. Le recours du ministre de l'action et des comptes publics, seul compétent pour faire appel a été présenté pour le ministre par M. A... G..., administrateur des finances publiques, agissant par délégation du directeur général des finances publiques, et a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 13 décembre 2018, dans le délai d'appel de deux mois dont il dispose, à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales. Dès lors, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que ledit recours, déposé dans le délai de quatre mois serait tardif.

Sur les conclusions du ministre :

4. Aux termes de l'article 195 du code général des impôts dans sa version en vigueur à la date de l'imposition en litige : " 1. Par dérogation aux dispositions qui précèdent, le revenu imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n'ayant pas d'enfant à leur charge, exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables : / a. Vivent seuls et ont un ou plusieurs enfants majeurs ou faisant l'objet d'une imposition distincte dont ces contribuables ont supporté à titre exclusif ou principal la charge pendant au moins cinq années au cours desquelles ils vivaient seuls ; (...) ". Selon l'article 196 du même code : " Sont considérés comme étant à la charge du contribuable, que celle-ci soit exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, à la condition de n'avoir pas de revenus distincts de ceux qui servent de base à l'imposition de ce dernier : / 1° Ses enfants âgés de moins de 18 ans ou infirmes ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice d'une demi-part supplémentaire de quotient familial est ouvert à un contribuable célibataire, divorcé ou veuf n'ayant plus aucun enfant à sa charge l'année d'imposition au titre de laquelle il le demande, à la condition qu'il ait antérieurement supporté la charge, à titre exclusif ou principal, pendant au moins cinq années au cours desquelles il vivait seul, de l'entretien d'au moins un enfant mineur ou infirme, sous réserve que cet enfant n'ait pas eu de revenus distincts au cours de cette même période.

5. Il résulte également de ces dispositions que l'enfant pris en charge doit être mineur et rattaché au foyer fiscal pendant la totalité de la période de cinq ans nécessaire pour ouvrir droit au bénéfice des dispositions du a du 1 de l'article 195 du code général des impôts.

6. Il est constant qu'au cours de la période de cinq années, de 2004 à 2009, pendant laquelle Mme C... soutient avoir pris en charge financièrement l'entretien de son fils, ce dernier, devenu majeur en 2005, avait des revenus distincts et souscrivait sa propre déclaration de revenus. La circonstance que Mme C... ait apporté un soutien financier à son fils majeur lorsqu'il poursuivait ses études est sans incidence sur l'application des dispositions de l'article 195 du code général des impôts. Dès lors, Mme C... n'était pas éligible au titre de l'année 2014 au bénéfice de la demi-part supplémentaire prévue par les dispositions précitées de l'article 195 du code général des impôts pour le calcul du montant de ses cotisations d'impôt sur les revenus.

7. Pour prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles Mme C... a été assujettie au titre de l'année 2014 le tribunal administratif a accueilli un moyen tiré de ce que les termes des paragraphes 240 et 250 de l'instruction référencée BOI-IR-LIQ-10-20-20-10 du 26 mars 2014, qui ne reprennent ni la condition liée à l'absence de revenus distincts de l'enfant à charge ni celle de la minorité de ce dernier, étaient opposables à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

8. Toutefois, au B. " Majoration pour les célibataires, divorcés ou veufs sans enfant à charge. " -Point 3- " Avoir assumé la charge effective du ou des enfants pendant cinq ans alors qu'il vivait seul " - a) " Principe ", le paragraphe n° 180 prévoit : " Cette condition suppose que le contribuable a supporté à titre exclusif ou principal la charge de l'enfant pendant au moins cinq années, de manière continue ou discontinue, au cours desquelles il vivait seul. Les années prises en compte sont celles au cours desquelles le contribuable a eu fiscalement à charge l'enfant pour l'application du quotient familial en vivant seul ". En outre au 4° du a) du point 3, le paragraphe 260 " Conditions tenant à l'âge de l'enfant " précise : " (...) Conformément aux dispositions de l'article 196 du CGI, sont considérés comme étant à la charge du contribuable, ses enfants âgés de moins de 18 ans ou infirmes quel que soit leur âge. Il en résulte que seule la période ayant ouvert droit à une majoration de quotient familial car l'enfant était âgé de moins de 18 ans ou infirme doit être prise en compte. Il est également admis que la période au titre de laquelle l'enfant majeur rattaché au foyer fiscal de son parent vivant seul et ayant ouvert droit à une majoration de quotient familial, en application des dispositions du premier alinéa de l'article 196 B du CGI, soit prise en compte (...) ". Les paragraphes 240 et 250 de cette instruction précisent seulement le cas du contribuable qui aurait perçu une pension alimentaire ou une aide financière de ses parents pour l'entretien de l'enfant afin de lui permettre de conserver le bénéfice de la majoration de quotient familial à condition qu'il ait assumé outre la responsabilité de l'éducation de l'enfant, une partie au moins de ses besoins matériels. Il ressort ainsi de la doctrine administrative, prise dans l'ensemble de ses dispositions, qui ne comporte sur ce point aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application, que la majoration du quotient familial ne peut être accordée qu'autant que l'enfant a été fiscalement à charge du contribuable pendant au moins cinq ans au cours desquels ce dernier vivait seul. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen invoqué par Mme C....

9. Il résulte de ce qui précède, et dès lors que la cour ne se trouve saisie d'aucun autre moyen par l'effet dévolutif de l'appel, que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a accordé à Mme C... la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 à hauteur du montant de l'avantage fiscal résultant du bénéfice d'une demi-part du quotient familial. Il est, par voie de conséquence, fondé à demander que soit remis à la charge de Mme C... le montant de cette imposition au titre de l'année 2014. Les conclusions présentées par Mme C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par voie de conséquence être accueillies.

DÉCIDE :

Article 1er : Mme C... est rétablie à l'impôt sur le revenu à hauteur de la reprise de l'avantage fiscal correspondant au bénéfice d'une demi-part du quotient familial au titre de l'année 2014.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 20 septembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La demande de Mme C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme H..., présidente-assesseure,

Mme E... F..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 18BX04308


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX04308
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : BEDOURET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-17;18bx04308 ?
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