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17/12/2020 | FRANCE | N°18BX04285

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 17 décembre 2020, 18BX04285


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Waterproof a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'enjoindre à la communauté de communes du pays chauvinois de reprendre les relations contractuelles à compter d'une date à fixer, afin de permettre la poursuite des prestations et la réception de l'ouvrage, en raison des vices entachant la décision du 22 mars 2016 de résiliation de son marché, et de condamner la communauté de communes du pays chauvinois à lui payer la somme de 39 583,25 euros en réparation de son préjudice, avec i

ntérêts au taux légal à compter de la demande préalable d'indemnisation du 13...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Waterproof a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'enjoindre à la communauté de communes du pays chauvinois de reprendre les relations contractuelles à compter d'une date à fixer, afin de permettre la poursuite des prestations et la réception de l'ouvrage, en raison des vices entachant la décision du 22 mars 2016 de résiliation de son marché, et de condamner la communauté de communes du pays chauvinois à lui payer la somme de 39 583,25 euros en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la demande préalable d'indemnisation du 13 mai 2016 et capitalisation.

Par un jugement n° 1601099 du 17 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la communauté de communes du pays chauvinois de reprendre les relations contractuelles et rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2018, la société Waterproof, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 octobre 2018 ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération du grand Poitiers, venant aux droits de la communauté de communes du pays chauvinois à lui payer la somme de 83 403,71 euros en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter de la demande préalable d'indemnisation du 13 mai 2016 et capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du grand Poitiers la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- en l'absence de toute faute de sa part, la résiliation du marché n'est pas justifiée ; elle s'est conformée à son obligation de conseil et de résultat pour permettre la réception de travaux conformes aux règles de l'art en se bornant à rappeler le nécessaire respect de la norme NF 54-804 de pose de membrane armée PVC, applicable en vertu des articles 01.0.3.1 et 01.0.3.1.1 du cahier des clauses techniques particulières, qui imposait le remplacement des pièces de refoulement et qu'elle était tenue de respecter ;

- les experts consultés ont confirmé qu'au regard des volumes des débits et des vitesses d'eau dans les canalisations, les refoulements devaient impérativement être à même d'assurer une étanchéité avec le liner au risque de voir de l'eau de piscine injectée sous ce dernier ; de plus, la méconnaissance des dispositions de la norme pouvait conduire, soit au refus de la réception, soit une réception avec réserves ;

- l'attitude fautive du maître d'ouvrage a entraîné une situation de blocage empêchant la poursuite des relations ; en effet, alors que le bassin présentait de fortes fuites et que la visite obligatoire préalable, avant de répondre au marché, avait été faite alors que le bassin était en eau, rendant impossible l'observation détaillée des pièces à sceller, elle a proposé de prendre à sa charge, dans le cadre du marché forfaitaire, les travaux de remplacement de ces refoulements défectueux, proposition exprimée dans le courrier de l'expert EXAICO du 2 mars 2016 ; toutefois, cette offre de remplacement, pourtant totalement neutre financièrement pour le maître d'ouvrage, a été refusée ;

- la situation relative au refoulement défectueux qu'elle a mise en évidence était nécessairement connue de la maîtrise d'oeuvre qui l'a occultée lors de l'établissement du CCTP établi par la société Ecobat, qui ne pouvait ignorer cette situation et est à l'origine du litige ;

- elle est fondée à demander l'indemnisation de son préjudice résultant de la résiliation irrégulière du marché ;

- son préjudice s'articule autour de frais de conseil et de frais d'immobilisation d'une équipe jusqu'au 18 février 2016 à hauteur de 19 170 euros TTC ;

- elle est également fondée à obtenir le paiement du solde de son marché, soit la somme de 64 233,71 euros TTC.

Par un mémoire, enregistré le 20 mars 2020, la communauté d'agglomération du grand Poitiers, venant aux droits de la communauté de communes du pays chauvinois, représentée par la SCP KLP avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Waterproof le paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande, nouvelle en appel, de paiement d'une somme de 64 233,71 euros au titre du solde du marché est irrecevable ; la communauté de communes du pays chauvinois a notifié à la société Waterproof le décompte de liquidation du marché par une lettre du 9 août 2016 ; ce décompte a fait l'objet d'un mémoire de réclamation en date du 14 septembre 2016 reçu le 19 septembre suivant qui a été implicitement rejeté le 19 octobre 2016, conformément à l'article 50.1.2 du CCAG-Travaux ; la société Waterproof n'a pas saisi le tribunal dans le délai de six mois imparti par l'article 50.3.2 du CCAG pour contester ce rejet ;

- la société n'a, en outre, à aucun moment entendu contester le décompte de liquidation du marché ;

- enfin, ayant saisi le tribunal dans le cadre d'un recours issu de la jurisprudence Béziers II elle était irrecevable à assortir son recours tendant à la reprise des relations contractuelles de demandes indemnitaires dont la cause juridique différente avait trait à une prétendue attitude fautive du maître d'ouvrage dans la conduite du chantier pour une période antérieure à la décision de résiliation ;

- la résiliation du marché est fondée sur le refus du titulaire du lot d'exécuter ses obligations contractuelles ;

- les moyens présentés à l'appui de sa demande indemnitaire sont infondés.

Par une ordonnance du 11 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 14 avril 2020 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de Mme Aurélie Chauvin, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune d'agglomération du Grand Poitiers.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 17 novembre 2015, la communauté de communes du pays chauvinois a confié le lot unique du marché de réfection du liner du grand bassin de la piscine intercommunale de Chauvigny (Vienne) à la société Waterproof, dans le cadre d'un marché à procédure adaptée, pour un prix global et forfaitaire de 92 324,40 euros. Le démarrage du chantier a été fixé au 19 novembre 2015 par notification du marché valant ordre de service. Par lettre du 24 février 2016, la communauté de communes du pays chauvinois a mis en demeure la société Waterproof de terminer les travaux restant à sa charge avant le 29 février suivant sous peine de confier ces travaux à une autre entreprise à ses frais et sous sa responsabilité. Par décision du 22 mars 2016, ce marché a été résilié pour faute de la société Waterproof aux frais et risques de l'entreprise. Le 13 mai 2016, la société Waterproof a demandé à la communauté de communes du pays chauvinois la reprise des relations contractuelles ainsi que l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de la résiliation du marché, à hauteur de 39 583,25 euros hors taxes. Elle relève appel du jugement du 17 octobre 2018, en tant que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la constatation de l'invalidité de la décision de résiliation du 22 mars 2016, et, d'autre part, à la condamnation de la communauté d'agglomération du grand Poitiers, venant aux droits de la communauté de communes du pays chauvinois, à l'indemniser, à raison de cette résiliation qu'elle estime infondée, de ses préjudices. La société Waterproof, qui ne demande plus, en appel, la reprise des relations contractuelles, demande à la cour de condamner la communauté d'agglomération du grand Poitiers, à lui payer la somme de 83 403,71 euros TTC correspondant au paiement du solde du marché à hauteur de 64 233,71 euros et à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la résiliation à hauteur de 19 170 euros.

Sur le bien-fondé de la résiliation :

2. Il appartient au juge de rechercher si la résiliation litigieuse est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité pour la société Waterproof. Seule une faute d'une gravité suffisante est de nature à justifier, en l'absence de clause prévue à cet effet, la résiliation d'un marché public aux torts exclusifs de son titulaire.

3. Aux termes de l'article 46.3.1. du CCAG travaux applicable à l'espèce, auquel renvoie l'article 9.8 " résiliation " du CCAP du marché litigieux : " Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'oeuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48.4 à 48.7 s'appliquent (...) ".

4. Aux termes de l'article 48 du même cahier des clauses administratives générales: " 1 (...) Lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit (...) 2. Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, (...) la résiliation du marché peut être décidée ".

5. Pour décider la résiliation du marché aux torts exclusifs de la société Waterproof, le maître d'ouvrage s'est fondé sur le fait que l'exécution des travaux avait accumulé un retard imputable à la société Waterproof, notamment s'agissant des travaux mentionnés dans le procès-verbal de réunion de chantier n° 7 en date du 11 février 2016, ainsi que les reprises indiquées dans le procès-verbal de réunion de chantier n° 8 en date du 18 février 2016. La mise en demeure du 24 février 2016 indiquait que de nombreux manquements et retards d'exécution avaient été relevés par le maître d'oeuvre, auxquels ce dernier a demandé à la société appelante de remédier, en réalisant les travaux demandés et notamment la pose des brides qu'elle avait déposées en début de chantier. La société appelante soutient que les différents manquements qui lui sont reprochés ne sont pas justifiés dès lors que les prestations demandées par le maître d'oeuvre concernant la pose des brides n'étaient pas conformes à la norme NF 54-804 de pose de membrane armée PVC, applicable en vertu des articles 01.0.3.1 et 01.0.3.1.1 du cahier des clauses techniques particulières, et qui, selon elle, imposait le remplacement des pièces de refoulement en vue d'y fixer les brides inox à remplacer. Toutefois, il résulte de l'instruction, ainsi que le relève d'ailleurs l'expert missionné par l'appelante, que le marché en cause, à prix ferme et forfaitaire, prévoit de conserver les pièces de scellement et de venir y raccorder la membrane PVC armée, à l'aide de brides. Ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, en refusant d'assurer la pose des brides déposées en début de chantier, la société appelante a manqué à ses obligations contractuelles. Et si elle fait valoir que, compte tenu de l'état des buses de refoulement, la norme NF 54-804 faisait obstacle à la poursuite de ces travaux, elle ne l'établit pas alors que la solution technique de conservation des bouches de refoulement existantes a été validée par le bureau de contrôle Qualiconsult, mandaté sur ce point par le maître d'ouvrage.

6. De surcroît, en l'espèce, conformément à l'article 4.1 " Délais d'exécution des travaux " du CCAP du marché et à l'article 5 de l'acte d'engagement, le délai global d'exécution des travaux était fixé à deux mois à compter de la date fixée par l'ordre de service. Or, il résulte de l'instruction, et notamment des compte-rendu de chantier n° 9 du 25 février 2016, n° 10 du 3 mars 2016 et n° 11 du 22 mars 2016 que la société appelante a cessé de participer aux réunions de chantier dès le 18 février 2016. De plus, à la date de la décision de résiliation le retard dans l'exécution de ses prestations par la société Waterproof était de près de deux mois.

7. Compte-tenu de leur nature et en l'absence de toute faute du maître d'oeuvre lors de l'établissement du CCTP ou du maître d'ouvrage, qui n'était pas tenu d'accepter les travaux de remplacement des refoulements qu'elle proposait le 2 mars 2016, le refus d'exécuter les prestations objet du marché et l'accumulation d'un retard de près de deux mois, présentent une gravité suffisante pour justifier la résiliation à ses torts exclusifs du contrat conclu le 17 novembre 2015.

8. Les conclusions tendant au versement d'une indemnité au titre des préjudices subis par une résiliation non fondée doivent, par suite, être rejetées et les sommes éventuellement dues par la communauté d'agglomération du grand Poitiers à la société appelante ne pourront être ultérieurement déterminées que dans le cadre du règlement général du marché qui sera établi lorsque les décomptes généraux des marchés de substitution seront eux-mêmes définitifs.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que la société Waterproof n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, sur ce fondement, de mettre à sa charge, au profit de la communauté d'agglomération du grand Poitiers, la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Waterproof est rejetée.

Article 2 : La société Waterproof versera la somme de 1 500 euros à la communauté d'agglomération du grand Poitiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Waterproof et à la communauté d'agglomération du grand Poitiers.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme E..., présidente-assesseure,

Mme C... D..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.

Le président de chambre,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 18BX04285


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX04285
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SALLIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-17;18bx04285 ?
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