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10/12/2020 | FRANCE | N°20BX01818

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 20BX01818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 avril 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1904810 du 29 janvier 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te, enregistrée le 4 juin 2020, M. F..., représenté par Me A... demande à la cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 avril 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1904810 du 29 janvier 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2020, M. F..., représenté par Me A... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 avril 2019 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est entaché d'un vice d'incompétence ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- le refus de titre est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait et méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 313-20 du même code ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 de ce code ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... B...,

- et les observations de Me D..., représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant chilien né en 1972, est entré en France en février 2009 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'étudiant. Il a bénéficié, en cette qualité, d'un titre de séjour successivement renouvelé jusqu'au 18 décembre 2017. Il a demandé le 15 janvier 2018 un titre de séjour sur le fondement du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en présentant un projet de création d'une entreprise de production et de commercialisation d'objets issus du travail du verre. Par un arrêté du 25 avril 2019, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai. M. F... relève appel du jugement du 29 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 avril 2019 pris dans son ensemble :

2. M. Thierry Suquet, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, signataire de l'arrêté litigieux, bénéficiait d'une délégation du préfet du 17 avril 2019, publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions concernant les attributions de l'État dans le département de la Gironde, à l'exception de trois catégories d'actes limitativement énumérées au nombre desquelles ne figurent pas les décisions prises en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette délégation n'est pas conditionnée par l'absence ou l'empêchement du préfet, contrairement à ce que soutient le requérant. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, l'appelant se borne à reprendre en appel le moyen tiré du défaut de motivation, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté du 25 avril 2019, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. F..., notamment en faisant état d'une déclaration trimestrielle URSAFF de recettes pour le 4ème trimestre 2017 au regard des documents produits par l'intéressé à l'appui de sa demande et du début de son activité déclarée au 1er décembre 2017.

5. En troisième lieu, si M. F... soutient que le préfet aurait dû saisir pour avis la commission mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu des dispositions de l'article L. 313-14 du même code, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de ces dernières dispositions. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté comme inopérant.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : (...) 3° Pour l'exercice d'une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention " entrepreneur/ profession libérale ". (...) ". Aux termes de l'article R. 313-16-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente un projet tendant à la création d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, l'autorité diplomatique ou consulaire ou le préfet compétent saisit pour avis le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent dans le département dans lequel l'étranger souhaite réaliser son projet ".

7. Il ressort des pièces du dossier que pour rendre leur avis défavorable du 20 juillet 2018, les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine ont relevé que les éléments comptables prévisionnels fournis par M. F... pour les trois premières années d'exercice faisaient apparaitre une marge brute notoirement insuffisante pour assurer la rentabilité économique de l'entreprise et, notamment, la possibilité pour son dirigeant et unique membre d'en tirer des moyens d'existence suffisants. Le requérant fait certes valoir que son activité n'a pas pu démarrer dès le 1er décembre 2017, comme cela était prévu, à la suite notamment d'un accident de la circulation dont il a été victime, qu'il a réalisé sur la période allant des mois de juillet à septembre 2018 un chiffre d'affaires mensuel de 1 383 euros et qu'il a effectué des devis pour des commandes importantes. Toutefois, il ne conteste pas l'analyse effectuée par la direction régionale à partir des éléments comptables qu'il a lui-même fournis pour l'instruction de sa demande. En outre, même s'il dispose d'un atelier mis à sa disposition gratuitement, il ne démontre pas que le chiffre d'affaire réalisé depuis le démarrage effectif de son activité en juin 2018 lui aurait permis de dégager un bénéfice susceptible de lui assurer des moyens d'existence suffisants au sens des dispositions précitées. Par suite, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur de fait et n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 3° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant sa demande de titre de séjour.

8. En cinquième lieu, si M. F... se prévaut des dispositions du 5° de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquelles la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " est délivrée à l'étranger ayant obtenu un diplôme équivalent au grade de master et qui, justifiant d'un projet économique réel et sérieux, crée une entreprise en France, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, que l'entreprise qu'il a créée serait économiquement viable. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

9. En sixième lieu, M. F... se borne à reprendre en appel le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal en ces points 6 et 7 de son jugement, d'écarter ce moyen.

10. En septième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. F... est entré en France à l'âge de 37 ans pour y poursuivre des études. Les titres de séjour qui lui ont été délivrés en qualité d'étudiant ne lui donnaient pas vocation à rester durablement en France. S'il a pu développer sur le territoire français des relations amicales et sociales, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Chili où vit son fils né en 1998 ainsi que ses parents et quatre frères et soeurs. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde n'a pas entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. F....

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

12. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés au point 9 ci-dessus, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées en application de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. C... B..., président,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller,

Mme Charlotte Isoard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

Le président-rapporteur,

Didier B...

Le premier assesseur,

Nathalie Gay-SabourdyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01818
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-10;20bx01818 ?
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