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10/12/2020 | FRANCE | N°20BX01374,20BX01375

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 20BX01374,20BX01375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... J... et Mme F... J... ont chacun demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2019 le concernant par lequel le préfet de la Gironde a respectivement refusé de délivrer à chacun d'eux un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seraient reconduits à l'issue de ce délai.

Par un jugement nos 1905548, 1905549 du 20 décembre 2019, le magistrat désigné par le

président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... J... et Mme F... J... ont chacun demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2019 le concernant par lequel le préfet de la Gironde a respectivement refusé de délivrer à chacun d'eux un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seraient reconduits à l'issue de ce délai.

Par un jugement nos 1905548, 1905549 du 20 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 17 avril 2020 sous le n° 20BX01374, M. J..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2019 du préfet de la Gironde qui le concerne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait pris une décision et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en cours de validité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le premier juge n'a pas répondu aux moyens tirés de l'atteinte à son droit au recours effectif garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la décision portant refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français ont été édictées par une autorité incompétente ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier ;

- cette décision méconnaît son droit à un recours effectif, dès lors qu'il a introduit un recours devant la Cour nationale du droit d'asile, en méconnaissance des articles 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- cette décision porte gravement atteinte à l'intérêt de ses enfants qui sont scolarisés en France depuis leur arrivée en février 2019 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il existe au sens des dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile ; en particulier, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'a jamais pris en compte l'enregistrement du reportage réalisé par la chaîne Iberia démontrant les persécutions qu'il encoure ;

- sa présence personnelle à l'audience de la Cour nationale du droit d'asile est indispensable pour y présenter ses craintes de persécutions dès lors qu'il lui est reproché par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de ne pas avoir été suffisamment précis et circonstancié et que les juges rejettent systématiquement les recours en l'absence des demandeurs à l'audience.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. J... ne sont pas fondés.

M. J... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 avril 2020.

II - Par une requête, enregistrée le 17 avril 2020 sous le n° 20BX01375, Mme J..., représentée par Me B..., conclut, pour ce qui la concerne, aux mêmes fins que la requête n° 20BX01374 en reprenant les mêmes moyens.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme J... ne sont pas fondés.

Mme J... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 avril 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme J..., ressortissants géorgiens nés respectivement en 1984 et 1987, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 10 février 2019 en compagnie de leurs enfants mineurs. Leur demande respective du bénéfice du statut de réfugié a été rejetée par décision du 11 septembre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) après avoir été examinée selon la procédure accélérée. Par les requêtes enregistrées sous les nos 20BX01374 et 20BX01375, M. et Mme J... relèvent respectivement appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande respective tendant à l'annulation de chacun des arrêtés du 24 octobre 2019 par lesquels le préfet de la Gironde a refusé de délivrer à chacun d'eux un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils seraient reconduits à l'issue de ce délai. Ces requêtes qui concernent les membres d'une même famille, amènent à juger des mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, par suite, de joindre ces deux requêtes afin qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux s'est limité, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux, à estimer qu'il était " manifestement infondé ". Dès lors, il a insuffisamment motivé son jugement sur ce point. Par suite, les appelants sont fondés à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé pour ce motif.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. et Mme J... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur la légalité des arrêtés litigieux, pris dans leur ensemble :

4. En premier lieu, Mme I... E..., adjointe à la directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Gironde, qui a signé les arrêtés litigieux, a reçu délégation, par arrêté du 12 septembre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, à l'effet de signer, en matière de droit d'asile, toutes décisions et correspondances prises en application du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Suquet, secrétaire général, Mme H..., sous-préfète d'Arcachon, Mme K..., directrice de cabinet et de Mme G..., directrice des migrations et de l'intégration. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers n'auraient pas été absents ou empêchés. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés doit être écarté.

5. En deuxième lieu, les arrêtés en litige visent la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. et Mme J..., en particulier l'article L. 511-1. L'arrêté précise que M. et Mme J... sont entrés récemment en France, que leurs demandes d'asile ont été rejetées, qu'ils font tous les deux l'objet d'une mesure d'éloignement et que rien ne fait obstacle à ce qu'ils poursuivent leur vie familiale avec leurs enfants dans leurs pays d'origine. Ils comportent ainsi l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit être écarté.

6. En troisième et dernier lieu, il ressort des termes mêmes de la motivation des décisions contestées, telle qu'elle vient d'être exposée au point précédent que le préfet de la Gironde a procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. et Mme J....

Sur la légalité des refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. ". L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne stipule que : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice. ".

8. M. et Mme J... soutiennent que les décisions refusant de les admettre au séjour méconnaissent leur droit à un recours effectif devant la Cour nationale du droit d'asile, contre les décisions du 11 septembre 2019 par lesquelles l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes d'asile. Toutefois, d'une part, les dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui font dérogation au principe fixé à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel le demandeur d'asile bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile en cas de rejet en procédure accélérée par l'office d'une demande émanant d'une personne provenant d'un pays sûr ne privent pas les intéressés de la possibilité d'exercer un recours contre les décisions de rejet de l'office. De plus, il résulte des dispositions combinées du 7° de l'article L. 743-2 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 6° de l'article L. 511-1, du I bis de l'article L. 512-1 et de l'article L. 512-3 du même code, qu'un ressortissant étranger issu d'un pays d'origine sûr dont la demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée, s'il ne bénéficie pas du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours, peut contester l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Ce recours présente un caractère suspensif et le juge saisi a la possibilité, le cas échéant, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement et de permettre, ainsi, au ressortissant étranger de demeurer sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours. Ainsi, eu égard à ces garanties qui permettent à l'étranger de faire valoir devant le juge, en temps utile, les risques qu'il estime encourir dans son pays d'origine, les appelants qui ont contesté la légalité des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire et ont demandé la suspension de ces mesures jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur leurs recours, ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées méconnaissent le droit à un recours effectif garanti notamment par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

9. En deuxième lieu, si M. et Mme J... font valoir les risques qu'ils encourraient en cas de retour en Géorgie en raison de l'impunité d'un policier qui aurait agressé leur fils dans l'enceinte scolaire et de la médiatisation de cette affaire, ils n'apportent pas à l'instance d'éléments de nature à caractériser des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires justifiant leur admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet a ainsi pu, sans entacher ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation, refuser de lui délivrer un titre de séjour sur un tel fondement. Le préfet n'a pas davantage entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de M. et Mme J....

10. En troisième et dernier lieu, à supposer que M. et Mme J... aient entendu invoquer la méconnaissance de l'intérêt supérieur de leurs enfants tel que garanti par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, les décisions en litige, qui n'ont en elles-mêmes ni pour objet ni pour effet de séparer M. et Mme J... de leurs enfants, ne peuvent être regardées comme ayant méconnu ces stipulations alors que la cellule familiale pourra se reconstituer en Géorgie où les enfants pourront poursuivre leur scolarité.

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme J... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour qui les fondent.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme J... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de renvoi seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire qui les fondent.

13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

14. Si M. et Mme J... soutiennent qu'ils ont reçu des menaces après la diffusion d'un reportage télévisé à la suite de l'impunité du policier qui aurait agressé leur fils, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils encourraient des risques personnels et actuels en cas de retour en Géorgie. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit ainsi être écarté.

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français :

15. Aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre (...). / Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".

16. Dans les cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger, faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui forme, en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un recours contre celle-ci peut, en application de l'article L. 743-3 précité, saisir le tribunal administratif de conclusions à fin de suspension de cette mesure d'éloignement. Il est fait droit à la demande de suspension de la mesure d'éloignement si le juge a un doute sérieux sur le bien-fondé de la décision de rejet ou d'irrecevabilité opposée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la demande de protection, au regard des risques de persécutions allégués ou des autres motifs retenus par l'Office. Les moyens tirés des vices propres entachant la décision de l'Office ne peuvent utilement être invoqués à l'appui des conclusions aux fins de suspension de la mesure d'éloignement, à l'exception de ceux ayant trait à l'absence, par l'Office, d'examen individuel de la demande ou d'entretien personnel en dehors des cas prévus par la loi ou de défaut d'interprétariat imputable à l'Office.

17. Si M. et Mme J... soutiennent qu'ils encourent des risques en cas de retour en Géorgie et que leur présence personnelle à l'audience de la Cour nationale du droit d'asile est indispensable pour y présenter leurs craintes de persécutions, ils persistent à produire en appel une demande d'aide juridictionnelle devant la Cour nationale du droit d'asile et n'établissent pas avoir saisi cette Cour. En outre, M. et Mme J... peuvent faire valoir utilement, dans le cadre de la procédure écrite s'attachant à l'exercice d'un tel recours, l'ensemble de leurs arguments et se faire représenter à l'audience par un conseil ou par toute autre personne. Au demeurant, la seule production d'extraits d'un reportage effectué après l'altercation mentionnée, d'ailleurs non suffisamment précis et probants, ne suffit pas à démontrer que les intéressés seraient exposés à des menaces actuelles en cas de retour en Géorgie. Aussi, M. et Mme J... ne peuvent être regardés comme justifiant d'éléments de nature à faire naître un doute sérieux sur le bien-fondé des décisions de rejet opposées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à leurs demandes de protection. Par suite, leur demande tendant à la suspension de l'exécution des arrêtés les obligeant à quitter le territoire français pendant le temps de l'examen par la Cour nationale du droit d'asile de leurs recours exercés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides doit être rejetée.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme J... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés pris à leur encontre le 24 octobre 2019 par le préfet de la Gironde, ni même la suspension de l'exécution des mesures d'éloignement qu'ils comportent. Leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 décembre 2019 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme J... devant le tribunal administratif de Bordeaux ainsi que le surplus des conclusions des requêtes nos 20BX01374 et 20BX01375 sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... J..., à Mme F... J... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. D... C..., président,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller,

Mme Charlotte Isoard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

Le président-rapporteur,

Didier C...

Le premier assesseur,

Nathalie Gay-SabourdyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

Nos 20BX01374, 20BX01375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01374,20BX01375
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-10;20bx01374.20bx01375 ?
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