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17/11/2020 | FRANCE | N°18BX03146

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 17 novembre 2020, 18BX03146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Nature Environnement 17 a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 avril 2015 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches à créer cinq réserves de substitution à remplir par prélèvements sur le bassin du Mignon.

Par un jugement n° 1600785 du 7 juin 2018, le tribunal a annulé l'arrêté préfectoral du 24 avril 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des m

émoires, présentés le 8 août 2018, le 1er octobre 2019 et le 5 novembre 2019, l'association syndica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Nature Environnement 17 a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 avril 2015 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a autorisé l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches à créer cinq réserves de substitution à remplir par prélèvements sur le bassin du Mignon.

Par un jugement n° 1600785 du 7 juin 2018, le tribunal a annulé l'arrêté préfectoral du 24 avril 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, présentés le 8 août 2018, le 1er octobre 2019 et le 5 novembre 2019, l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches, représentée par la SCP Pielberg/Kolenc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1600785 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter la demande de première instance de l'association Nature Environnement 17 ;

3°) de mettre à la charge de l'association la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement contrairement aux exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Elle soutient, au fond, que :

- c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a jugé que l'étude d'impact accompagnant la demande d'autorisation était insuffisante s'agissant de l'évaluation des impacts du projet sur la ressource en eau et les milieux aquatiques et sur l'évaluation de l'état initial de la faune ; dès lors qu'il n'est pas établi que les forages réalisés pour le remplissage de réserves entraînent des assecs des cours d'eau, l'étude d'impact n'avait pas à étudier les effets des rabattements de la nappe sur le milieu environnant ; en tout état de cause, l'étude d'impact comportait une simulation des incidences des prélèvements sur le débit des cours d'eau ; par ailleurs, l'étude d'impact ne comportait aucune erreur volontaire quant aux volumes antérieurement prélevés en période d'étiage ; la méthode de calcul et la période de référence utilisées pour déterminer les volumes ainsi prélevés antérieurement, telles qu'exposées dans l'étude d'impact, sont pertinentes ; l'étude d'impact a relevé sans erreur que le peuplement piscicole existant était pauvre et sans intérêt spécifique ; le tribunal ne pouvait donc juger que l'étude d'impact décrivait insuffisamment la faune piscicole existante ;

- c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'arrêté en litige au motif que le commissaire enquêteur n'avait pas suffisamment explicité les raisons de son avis sur le projet ; le commissaire enquêteur a au contraire procédé à une appréciation comparée des avantages et des inconvénients du projet et a indiqué que celui-ci était compatible avec les objectifs du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Loire Bretagne et avec ceux du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Sèvre Niortaise-Marais Poitevin ; il a procédé également à un examen minutieux des observations présentées au cours de l'enquête publique ;

- le tribunal ne pouvait juger que l'autorisation en litige n'était pas compatible avec les articles 7 D-3 et 7 D-4 du SDAGE, lesquelles prévoit que l'autorité compétente peut délivrer l'autorisation pour autant que le volume de la réserve projetée respecte le seuil de 80 % du prélèvement maximal constaté parmi les années antérieures ; il convenait de tenir compte de la consommation maximale enregistrée et non de la consommation moyenne ou médiane pour déterminer le volume annuel maximum de référence ; en l'absence de précision apportée par le SDAGE sur la période de référence, il était possible de retenir une période de 15 ans pour déterminer les besoins de stockage de substitution ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en jugeant que le projet en litige ne peut être regardé comme conduisant à une amélioration indiscutable du milieu aquatique ;

- le tribunal ne pouvait non plus juger que l'autorisation contestée était incompatible avec l'article 8A-1 du SAGE selon lequel la création de retenues ne doit pas être un prétexte à l'augmentation des volumes prélevés ; compte tenu de la méthode de calcul des prélèvements et de la période de référence retenues, l'autorisation en litige n'aura pas un tel effet.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 octobre 2019 et le 3 octobre 2019, l'association Nature Environnement 17, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 3 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 5 novembre 2019 à 12h00.

En application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, les parties ont été invitées par courriers du 6 et du 7 octobre 2020 à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser les vices dont serait entachée l'autorisation en litige.

L'association Nature Environnement 17 a présenté des observations le 9 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... A...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches, et de Mme E..., mandatée par l'association Nature Environnement 17.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 avril 2015, le préfet de la Charente-Maritime a autorisé l'association syndicale autorisée d'irrigation (ASAI) des Roches à réaliser, sur les territoires des communes de Cramchaban, La Grève-sur-le-Mignon et Le Laigne, des travaux de construction et d'aménagement de cinq réserves de substitution destinées à l'irrigation agricole. Par ce même arrêté, le préfet a autorisé l'ASAI des Roches à remplir ces réserves de substitution par prélèvements sur le bassin du Mignon. A la demande de l'association Nature Environnement 17, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté d'autorisation du 24 avril 2015 par un jugement rendu le 7 juin 2018 dont l'ASAI des Roches relève appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, les premiers juges ont rappelé le contenu de l'article 7 D-3 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire-Bretagne en vertu duquel les créations de retenues de substitution ne sont autorisées que pour des volumes égaux ou inférieurs à 80 % du volume annuel maximal prélevé directement dans le milieu naturel les années précédentes. Ils ont ensuite constaté que, pour déterminer ce volume annuel, le préfet a retenu, pour chacun des quarante forages utilisés jusqu'alors par les membres de l'ASAI des Roches, le volume maximal prélevé sur une période allant de 2001 à 2006 et en ont déduit que les prélèvements de référence étaient le résultat d'un " total maximisé supérieur à la somme des prélèvements effectués l'année au cours de laquelle les prélèvements ont été les plus importants ". Les premiers juges ont estimé, au terme de leur raisonnement, que de telles modalités de calcul ont conduit à un dépassement d'ampleur du seuil de 80 %, ce qui rendait l'autorisation en litige incompatible avec l'article 7D-3 du SDAGE. Ce faisant, le tribunal a suffisamment motivé son jugement.

3. En second lieu, les premiers juges ont, d'une part, rappelé l'objectif énoncé à l'article 8 A-1 du plan d'aménagement et de gestion durable du schéma aménagement et de gestion des eaux (SAGE) de la Sèvre-Niortaise et du Marais Poitevin selon lequel la création de retenues de substitution ne doit pas être un prétexte à l'augmentation des volumes prélevés et, d'autre part, jugé que " le projet en litige conduit à une augmentation des prélèvements d'eau dans le milieu naturel. Au regard de l'importance de cette augmentation, l'autorisation attaquée est incompatible avec le SAGE. ". Ce faisant, les premiers juges, qui se sont référés aux motifs précisément exposés aux points 11 à 14 de leur décision, ont satisfait à l'obligation de motivation.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités invoquées par l'ASAI des Roches.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 avril 2015 :

En ce qui concerne le contenu de l'étude d'impact :

5. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II. - L'étude d'impact présente : (...) ; 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages (...) les continuités écologiques (...), les équilibres biologiques (...) l'eau (..) ; 3° Une analyse des effets négatifs et positifs (...) du projet sur l'environnement (...) ; 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. (...) V. - Pour les travaux, ouvrages ou aménagements soumis à autorisation en application du titre Ier du livre II, l'étude d'impact vaut document d'incidences si elle contient les éléments exigés pour ce document par l'article R. 214-6. VI. - Pour les travaux, ouvrages ou aménagements devant faire l'objet d'une étude d'incidences en application des dispositions du chapitre IV du titre Ier du livre IV, l'étude d'impact vaut étude d'incidences si elle contient les éléments exigés par l'article R. 414-23. (...) ". Aux termes de l'article R. 214-6 du même code : " I. - Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet (...). II. - Cette demande (...) comprend : (...) 4° Un document : a) Indiquant les incidences directes et indirectes, temporaires et permanentes, du projet sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, en fonction des procédés mis en oeuvre, des modalités d'exécution des travaux ou de l'activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l'origine et du volume des eaux utilisées ou affectées et compte tenu des variations saisonnières et climatiques ; b) Comportant l'évaluation des incidences du projet sur un ou plusieurs sites Natura 2000, au regard des objectifs de conservation de ces sites. Le contenu de l'évaluation d'incidence Natura 2000 est défini à l'article R. 414-23 et peut se limiter à la présentation et à l'exposé définis au I de l'article R. 414-23, dès lors que cette première analyse conclut à l'absence d'incidence significative sur tout site Natura 2000 ; (...) Lorsqu'une étude d'impact est exigée en application des articles R. 122-2 et R. 122-3, elle est jointe à ce document, qu'elle remplace si elle contient les informations demandées (...) ".

6. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'étude d'impact a porté sur un périmètre défini par le bureau d'études Biotope, lequel y a intégré les bassins hydrographiques concernés par les cinq réserves projetées et leurs forages (Crêté, Courance, Mignon). Aucun élément de l'instruction ne permet d'estimer que cette aire d'étude, dépourvue de zones humides, ne serait pas pertinente pour apprécier les incidences sur l'environnement des prélèvements autorisés par l'arrêté en litige. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le piézomètre de Saint-Hilaire, retenu comme piézomètre de référence, a servi à plusieurs études hydrogéologiques existantes, possède un historique de données suffisantes et offre une représentation satisfaisante de la masse d'eau souterraine existante ainsi que des dynamiques hydrauliques observables dans l'aire d'étude. La seule circonstance que le SDAGE Loire-Bretagne ait prévu son remplacement fin 2017 ne suffit pas à révéler que le choix de ce piézomètre aurait perdu sa pertinence.

8. En deuxième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au pétitionnaire de faire réaliser une étude d'impact spécifique à chacune des réserves prévues. Par suite, l'étude d'impact n'est pas irrégulière en raison du choix de ses auteurs d'étudier globalement les effets sur l'environnement des cinq réserves projetées, lesquelles se situent dans le même bassin hydrologique et hydrogéologique.

9. En troisième lieu, après avoir identifié les autres réserves de substitution présentes dans le périmètre d'étude, l'étude d'impact analyse, dans son paragraphe 4.13, les effets du projet autorisé cumulés avec ceux des ouvrages de même nature situés dans le secteur. Il ne résulte pas de l'instruction que cette présentation serait insuffisante ou erronée.

10. En quatrième lieu, les auteurs de l'étude d'impact, qui ont analysé les incidences sur l'environnement des prélèvements effectués par les adhérents de l'ASAI des Roches, n'étaient pas tenus d'étendre cette analyse aux prélèvements des non adhérents à cette association qui n'étaient pas concernés par l'autorisation sollicitée.

11. En cinquième lieu, les dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, n'imposaient pas aux auteurs de l'étude d'impact d'y intégrer un protocole de suivi hydrologique des incidences du remplissage des réserves.

12. En sixième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les réserves de substitution projetées seraient implantées dans un secteur soumis à un risque d'inondation dont la survenance aurait des conséquences particulières sur ces dernières et leur environnement. Par suite, l'étude d'impact n'est pas entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne comporte pas une cartographie des zones inondables.

13. En septième lieu, l'étude d'impact comporte une analyse des incidences du projet sur la zone spéciale de conservation " Marais Poitevin " dont la synthèse prend la forme d'un tableau récapitulant les effets du projet sur ces milieux sensibles. Le moyen par lequel l'association Nature Environnement 17 remet en cause les conclusions de fond de l'étude, selon lesquelles le projet n'aura pas d'impact sur la faune et la flore, est sans incidence sur le contenu proprement dit de cette étude au regard des rubriques que l'article R. 122-5 du code de l'environnement impose de faire figurer dans une étude d'impact.

14. En huitième lieu, l'association Nature Environnement 17 n'apporte aucun élément permettant d'estimer que les développements de l'étude d'impact consacrés à l'inventaire des habitats et des espèces pouvant être impactés par le projet seraient insuffisants. Il en va de même pour les analyses des incidences du projet sur la flore, l'avifaune, l'entomofaune, les amphibiens et les reptiles alors que l'étude d'incidences a montré que les espèces à fort enjeu ne se situent pas à proximité des futures réserves.

15. En neuvième lieu, l'étude d'impact précise que les forages captent la nappe de l'Oxfordien supérieur, laquelle est drainée superficiellement par les cours d'eau Le Crêté et La Courance en période estivale et par le bassin hydrologique du Mignon (marais poitevin) en période hivernale. L'étude d'impact reconnait que les trop pleins de la nappe s'écoulent dans les cours d'eau superficiels et dans le marais poitevin, de sorte qu'il existe une source unique alimentant les eaux superficielles et souterraines du secteur. Les impacts prévisibles du projet sur les eaux souterraines sont analysés à la rubrique 4.3 de l'étude d'impact sur la base d'une modélisation du comportement de la nappe et des incidences sur celle-ci des prélèvements. Les auteurs de l'étude d'impact se sont référés à une modélisation hydrodynamique réalisée par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), dont les conclusions sont citées dans l'étude d'impact, afin d'évaluer les conséquences des prélèvements pour l'irrigation agricole sur le débit de la nappe. Les simulations effectuées ont montré que les prélèvements hivernaux destinés au remplissage des réserves ont un " impact faible " sur le niveau de la nappe comme sur le débit des rivières. Prenant appui sur ces conclusions, lesquelles n'écartent pourtant pas totalement l'hypothèse d'une incidence des prélèvements sur la nappe, les auteurs de l'étude d'impact se sont abstenus d'étudier les effets du rabattement de la nappe sur les milieux naturels terrestres et aquatiques alors même qu'il existe, comme il a été dit, une relation directe entre la nappe et les cours d'eau. Il résulte au demeurant de l'instruction qu'un contrôle effectué le 7 mars 2017 a permis de constater que le ruisseau du Crêpé a subi une rupture d'écoulement sur une partie de son linéaire à proximité d'un forage d'alimentation de la réserve n° 5 alors en fonctionnement, ce qui a conduit l'autorité préfectorale à solliciter de l'ASAI des Roches une modification des conditions de remplissage de la réserve pour assurer le maintien du ruisseau. Par suite, les auteurs de l'étude d'impact ne pouvaient écarter l'hypothèse d'une incidence des prélèvements sur la nappe d'eau, laquelle n'était pas totalement exclue par le rapport du BRGM, et s'abstenir ainsi d'analyser les effets du projet sur les milieux aquatiques et terrestres. Eu égard aux effets qu'est susceptible d'avoir le rabattement de la nappe sur le régime hydrologique des cours d'eau concernés et, par suite, sur la faune et la flore qu'ils abritent, l'étude d'impact est affectée d'une insuffisance sur ce point.

16. En dixième lieu, l'étude d'impact a fixé à 1 432 300 m3 le volume maximum d'eau pouvant être prélevé par les réserves de substitution, cette valeur correspondant au maximum consommé pour chaque point de prélèvements, soit 40 forages, entre 2001 et 2006 et non à l'année au cours de laquelle a été constatée la consommation maximale tous points confondus. Cette méthode de calcul, qui conduit à additionner les volumes maximums prélevés pour chacun des forages, aboutit à un chiffre supérieur au volume correspondant à l'année où les prélèvements ont été globalement les plus importants. De plus, les données de référence utilisées sont celles des années 2001 à 2006 soit, au mieux, huit années avant le dépôt de la demande d'autorisation laquelle ne tient dès lors pas compte du fait qu'entre 2006 et 2014, les volumes d'eau consommés par les adhérents de l'ASAI des Roches ont sensiblement baissé en raison des restrictions sur les prélèvements d'eau à usage agricole édictées durant cette période par le préfet. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'étude d'impact se fondait sur des données trop anciennes, non représentatives des volumes d'eau consommés au cours d'une période plus contemporaine de la date de la décision attaquée et il importe peu, à cet égard, que l'article 7D-3 du SDAGE ne précise pas quelles années précédentes doivent être prises en compte à titre de référence ni que la diminution des prélèvements constatés entre 2006 et 2014 soit le résultat des contraintes émanant de l'autorité préfectorale.

17. Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'étude d'impact a abouti, tant en raison du mode de calcul retenu concernant les prélèvements d'eau effectués antérieurement que de la période de référence sélectionnée, à surévaluer l'importance des prélèvements réalisés antérieurement. A cet égard, les auteurs de l'étude d'impact se sont abstenus de présenter des données alternatives qui auraient permis d'apprécier la consommation maximale tous points de prélèvements confondus observée au cours d'une période plus récente que la période 2001-2006 retenue. C'est pourquoi, le public ne peut être regardé comme ayant eu à sa disposition des données retraçant la consommation représentative de la ressource en eau par les adhérents de l'ASAI des Roches au cours d'une période contemporaine de celle à la date de laquelle l'autorisation a été délivrée.

18. En onzième lieu, l'étude d'impact, se référant à un rapport réalisé en juin 2002 par le bureau ALTAM, non actualisé et qui ne lui était pas joint, indique que le milieu aquatique susceptible d'être impacté par le projet n'abrite pas d'écosystème riche et diversifié en raison des assèchements affectant régulièrement les cours d'eau. La qualité des eaux a été considérée comme mauvaise dans une étude effectuée en mai 2008 par l'Office national des eaux et des milieux aquatiques. L'étude d'incidences réalisée par le cabinet Biotope, intégrée à l'étude d'impact, a présenté le résultat des inventaires réalisés pour la flore, l'avifaune, l'entomofaune, les amphibiens et les reptiles mais ne comporte aucun inventaire équivalent pour l'ichtyofaune. Les considérations tenant à la faible qualité du milieu aquatique ne pouvaient, par elles-mêmes, dispenser les auteurs de l'étude d'impact de tout inventaire des peuplements piscicoles dont l'absence ne saurait être déduite du seul fait que les eaux n'abritent pas d'écosystème diversifié. S'il est vrai que l'étude d'impact a indiqué que les prélèvements destinés au remplissage des réserves auront un impact faible sur le niveau de la nappe, il n'en demeure pas moins que cette étude a affirmé qu'une source unique alimentait les eaux superficielles et les eaux souterraines sans écarter totalement l'existence d'un impact des prélèvements sur la ressource en eau, ce qui impliquait qu'il soit procédé à tout le moins à un recensement de la faune piscicole. L'absence d'un tel recensement révèle, dans ces circonstances, une méconnaissance des exigences des dispositions du 2° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement selon lesquelles l'étude d'impact comporte une analyse de l'état initial des milieux susceptibles d'être affectés par le projet.

19. Il résulte des points 15 à 18 que l'étude d'impact est entachée d'insuffisances qui, en raison de leur nature, ont porté atteinte au droit à l'information du public, lequel a été privé d'une garantie. Dès lors, ainsi que l'a retenu le tribunal, l'arrêté en litige a été délivré à l'issue d'une procédure irrégulière.

En ce qui concerne la présentation des capacités techniques et financières dans le dossier de demande :

20. En vertu du 4° du V de l'article R. 214-6 du code de l'environnement, dans sa version issue du décret n° 2014-750 du 1er juillet 2014, la demande d'autorisation comporte une note présentant les capacités techniques et financières du demandeur. Toutefois, selon l'article 20 du décret du 1er juillet 2014, les demandes d'autorisation qui ont fait l'objet d'un avis de réception à la date de publication de ce décret continuent d'être soumises aux dispositions précédemment applicables. En l'espèce, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'il n'aurait pas été accusé réception du dossier de demande antérieurement au 1er juillet 2014, alors que le rapport de présentation de la demande d'autorisation adressé au conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) indique que le dossier avait été jugé complet et régulier le 22 mai 2014, date de son dépôt en préfecture. Dans ces circonstances, l'association Nature Environnement 17 ne peut utilement soutenir que la demande d'autorisation était irrégulièrement composée faute de présenter les capacités techniques et financières de l'ASAI des Roches.

En ce qui concerne l'information du Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) :

21. Il ne résulte pas de l'instruction que le CODERST, que le préfet a saisi pour avis en application de l'article R. 214-11 du code de l'environnement, aurait été insuffisamment informé des conditions de fonctionnement des réserves au point de ne pas être en mesure de se prononcer en connaissance de cause. En particulier, aucun élément du dossier ne permet d'estimer que le CODERST aurait été ignorant du fait que les cours d'eau existants seraient sujets à des périodes d'assecs comme l'allègue l'association Nature Environnement 17.

En ce qui concerne l'information du public durant l'enquête publique :

22. Contrairement à ce que soutient l'association Nature environnement 17, l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête publique comportait des plans présentant de façon lisible les réserves de substitution. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'information du public aurait été insuffisante du seul fait que l'étude d'impact ne précisait pas que les réserves fonctionnaient déjà et qu'elle comportait, selon l'association, des informations incohérentes sur le nombre d'agriculteurs utilisant la réserve n° 5. Les éléments du dossier, et notamment les observations formulées par le commissaire enquêteur et le public au cours de l'enquête, ne permettent pas d'estimer que la population aurait reçu une information insuffisante pour apprécier en connaissance de cause la portée du projet. Dans ces circonstances, le moyen soulevé doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence d'instruction et d'autorisation de la réserve n° 4 au titre de la rubrique 3.2.2.0-2° de la nomenclature des installations et ouvrages soumis à la loi sur l'eau :

23. En vertu de la rubrique 3.2.2.0.-2° mentionnée ci-dessus, les installations, ouvrages, remblais dans le lit majeur d'un cours d'eau sont soumis à autorisation au titre de la législation sur l'eau lorsque leur réalisation implique de soustraire du lit majeur d'un cours d'eau une superficie supérieure à 10 000 m2. L'association Nature Environnement 17 a fait valoir, en se référant aux éléments contenus dans la demande d'autorisation, que l'aménagement de la réserve de substitution n°4 implique la soustraction du lit majeur d'un cours d'eau d'une superficie supérieure à 10 000 m2. Ni le ministre ni l'ASAI des Roches n'ont contesté ce moyen que ce soit dans leurs mémoires devant la cour ou à l'occasion des observations qu'ils ont été invités à produire en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la demande déposée par l'ASAI des Roches n'a pas été instruite également au regard de la rubrique 3.2.2.0.-2° doit être accueilli.

En ce qui concerne la motivation de l'avis du commissaire enquêteur :

24. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l 'enquête et examine les observations recueillies. (. . .) Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (. . .) ". La règle de motivation prévue par les dispositions précitées oblige le commissaire enquêteur à apprécier les avantages et les inconvénients du projet et à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

25. Dans ses conclusions, le commissaire-enquêteur, après avoir rappelé que les enjeux environnementaux en cause sont principalement liés à la gestion de la ressource en eau et à la préservation des milieux humides, a relevé que les incidences du projet sur la qualité des eaux sont mineures. Il a rappelé que la création des réserves de substitution a pour objectif de supprimer les prélèvements d'eau en période d'étiage de la nappe par des pompages en période hivernale où la ressource en eau est excédentaire, ce qui répond au " souci majeur " de la gestion des niveaux des nappes. Le commissaire-enquêteur a aussi affirmé que des prélèvements précoces réalisés en automne et au printemps comportent des " effets néfastes " impliquant un suivi de la ressource en eau en concertation avec les collectivités et les organismes compétents. Ce faisant, le commissaire enquêteur, qui a émis un avis favorable au projet, essentiellement motivé par la suppression des prélèvements d'eau en période d'étiage, n'a pas omis de prendre en compte les inconvénients du projet qui, en outre, sont relatés dans certains passages de son rapport évoquant un risque d'assèchement des cours d'eau dû aux prélèvements, et ont donné lieu, dans ce même rapport, à une prise de position précise de sa part sur les observations exprimées durant l'enquête. Ainsi, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le commissaire enquêteur, qui a apprécié les avantages et les inconvénients du projet, a rendu un avis personnel et suffisamment motivé. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré du défaut de motivation de l'avis du commissaire enquêteur.

En ce qui concerne la compatibilité de l'autorisation litigieuse avec le SDAGE et sa conformité avec le SAGE :

26. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion (...) vise à assurer : 1° (...) la préservation des écosystèmes aquatiques (...) ; 2° La protection des eaux (...) 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; 4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau (...) 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau (...) II. - La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux (...) ; 3° De l'agriculture, (...) ". Aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement relatif aux SDAGE : " (...) III. - Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (...) / IV. - Les objectifs de qualité et de quantité des eaux que fixent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux correspondent : 1° Pour les eaux de surface (...) à un bon état écologique et chimique ; (...) 3° Pour les masses d'eau souterraines, à un bon état chimique et à un équilibre entre les prélèvements et la capacité de renouvellement de chacune d'entre elles ; (...) / IX. - Le schéma directeur détermine les aménagements et les dispositions nécessaires, comprenant la mise en place de la trame bleue figurant dans les schémas régionaux de cohérence écologique (...) les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (...) pour prévenir la détérioration et assurer la protection et l'amélioration de l'état des eaux et milieux aquatiques, pour atteindre et respecter les objectifs de qualité et de quantité des eaux (...) / X. - Le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux détermine les eaux maritimes intérieures et territoriales et les sous-bassins ou groupements de sous-bassins pour lesquels un schéma d'aménagement et de gestion des eaux défini à l'article L. 212-3 est nécessaire pour respecter les orientations fondamentales et les objectifs fixés en application du présent article (...) / XI. - Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. (...) ".

27. Aux termes de l'article L. 212-3 du code de l'environnement, relatif aux SAGE : " Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux institué pour un sous-bassin, pour un groupement de sous-bassins correspondant à une unité hydrographique cohérente ou pour un système aquifère fixe les objectifs généraux et les dispositions permettant de satisfaire aux principes énoncés aux articles L. 211-1 et L. 430-1. Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux doit être compatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux prévu à l'article L. 212-1 ou rendu compatible avec lui (...) ". Aux termes de l'article L. 212-5-2 du même code : " Lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l'article L. 214-2. / Les décisions applicables dans le périmètre défini par le schéma prises dans le domaine de l'eau par les autorités administratives doivent être compatibles ou rendues compatibles avec le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau dans les conditions et les délais qu'il précise. "

28. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 212-1 du code de l'environnement que le SDAGE, d'une part, fixe, pour chaque bassin ou groupement de bassins, les objectifs de qualité et de quantité des eaux ainsi que les orientations permettant d'assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, et d'autre part, détermine à cette fin les aménagements et les dispositions nécessaires. En outre, lorsque cela apparaît nécessaire pour respecter ses orientations et ses objectifs, le SDAGE peut être complété, pour un périmètre géographique donné, par un SAGE qui doit lui être compatible et qui comporte, en vertu de l'article L. 212-5-1, d'une part, un plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques, et d'autre part, un règlement pouvant édicter les obligations définies au II de cet article.

29. En vertu du XI de l'article L. 212-1 et de l'article L. 212-5-2 du code de l'environnement, les décisions administratives prises dans le domaine de l'eau, dont celles prises au titre de la police de l'eau en application des articles L. 214-1 et suivants du même code, sont soumises à une simple obligation de compatibilité avec le SDAGE et avec le plan d'aménagement et de gestion durable du SAGE. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l'autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation de l'autorisation au regard chaque orientation ou objectif particulier. En revanche, les décisions administratives prises au titre de la police de l'eau en application des articles L. 214-1 et suivants sont soumises à une obligation de conformité au règlement du SAGE et à ses documents cartographiques, dès lors que les installations, ouvrages, travaux et activités en cause sont situés sur un territoire couvert par un tel document.

30. En premier lieu, aux termes de l'article 7D-3 du SDAGE Loire-Bretagne 2016-2021 approuvé le 18 novembre 2015, auquel il y a lieu de se référer s'agissant d'une règle de fond et eu égard à la nature de pleine juridiction du présent litige résultant des dispositions combinées des articles L. 214-10, L. 514-6 et R. 514-3-1 du code de l'environnement : " Dans les ZRE [zones de répartition des eaux], les créations de retenues de substitution pour l'irrigation (...) ne sont autorisées que pour des volumes égaux ou inférieurs à 80 % du volume annuel maximal prélevé directement dans le milieu naturel les années précédentes. (...) ". Aux termes de l'article 7D-4 du même SDAGE : " (...) Pour les réserves de substitution, l'instruction du dossier d'autorisation tient compte de l'avantage de remplacer des prélèvements en période d'étiage par des prélèvements hivernaux ; l'amélioration du milieu aquatique doit être indiscutable. (...) ".

31. Apprécier la comptabilité avec le SDAGE du projet de création des réserves de substitution implique de ne pas confronter celui-ci aux seules dispositions précitées du SDAGE, lesquelles limitent le volume des réserves nouvellement créées, mais de procéder à une analyse globale consistant à confronter ce projet à l'ensemble des orientations et objectifs fixés dans ce document, dont l'objet est de favoriser le recours à l'irrigation à partir de stockages hivernaux en lieu et place des prélèvements estivaux effectués auparavant.

32. Il s'ensuit que la seule circonstance que le projet en litige conduirait à un dépassement, même significatif, du seuil des 80 % fixé à l'article 7D-3 du SDAGE Loire-Bretagne à raison de l'ancienneté de la période de référence retenue et des modalités de calcul des prélèvements antérieurs, ne saurait suffire à rendre l'autorisation du 24 avril 2015 contestée incompatible avec le SDAGE dès lors que cette autorisation contribue par ailleurs à la mise en oeuvre d'orientations et objectifs fixés par ce document. Pour le même motif, l'autorisation en litige n'est pas incompatible avec le SDAGE du seul fait qu'elle n'aboutirait pas à une amélioration indiscutable de la ressource en eau comme le prévoit l'article 7D-4 précité. A cet égard, il résulte de l'instruction que les cinq réserves de substitution autorisées, qui doivent être remplies à partir de prélèvements réalisés dans la nappe en période de hautes eaux (automne/hiver), contribuent à la mise en oeuvre des objectifs du SDAGE tels que la gestion équilibrée de la ressource en eau et le recours à des stockages hivernaux en substitution des prélèvements estivaux, mettant ainsi fin aux prélèvements en période de basses eaux. Par ailleurs, l'association Nature Environnement 17 ne fait état d'aucune autre considération de nature à révéler que le projet en litige porterait atteinte à d'autres dispositions, orientations ou objectifs du SDAGE au point de rendre ce projet incompatible avec ce document. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a accueilli le moyen tiré de ce que l'autorisation en litige n'était pas compatible avec les articles 7D-3 et 7D-4 du SDAGE Loire-Bretagne.

33. En second lieu, aux termes de l'article 8 A-1 du plan d'aménagement et de gestion durable (PAGD) du SAGE de la Sèvre Niortaise et du Marais Poitevin adopté le 17 février 2011 : " (...) La création de retenues ne doit pas être un prétexte à l'augmentation des volumes prélevés (...) C'est pourquoi toute opération s'accompagne obligatoirement de la mise en place systématique de dispositifs d'économie d'eau et d'optimisation de l'irrigation ". Comme il a été rappelé ci-dessus, les décisions administratives individuelles prises au titre de la police de l'eau sont soumises à une obligation de conformité avec le règlement du SAGE mais non vis-à-vis du plan d'aménagement et de gestion durable. Il s'ensuit que l'autorisation en litige doit seulement être compatible avec l'article 8A-1 invoqué par l'association.

34. Ainsi qu'il a déjà été dit, l'instruction de la demande d'autorisation a notamment été faite sur la base de la consommation maximale constatée sur chacun des 40 points de prélèvement en fonctionnement entre 2001 et 2006, ce qui a abouti à additionner les volumes maximums effectués pour chaque forage et donc à un chiffre supérieur au volume correspondant à l'année au cours de laquelle les prélèvements ont été les plus importants tous points confondus. Il a déjà été dit également qu'en retenant, comme période de référence pour la détermination du prélèvement maximal, les années 2001-2006 nettement antérieures à la date de l'arrêté en litige, le pétitionnaire et le préfet n'ont pas tenu compte du fait qu'entre 2006 et 2014, les volumes d'eau consommés par les adhérents de l'ASAI des Roches ont sensiblement diminué. Si, de ce fait, l'article 3 de l'arrêté en litige, en autorisant un volume de stockage de 1 565 283 m3 et un volume utile de 1 403 316 m3, conduit à une augmentation des prélèvements de la ressource en eau, il résulte de ce qui a été dit que les réserves de substitution contribuent à la mise en oeuvre des objectifs du SDAGE, précisés notamment dans le PAGD, tels que la gestion équilibrée de la ressource en eau et le recours à des stockages hivernaux dont l'intérêt est de mettre un terme aux prélèvements en période de basses eaux. Dans ces conditions, cet arrêté, qui n'a ni pour objet ni pour effet d'autoriser une pratique agricole particulière davantage consommatrice de la ressource en eau, n'est pas incompatible avec le PAGD alors même que l'article 8A-1 de ce document prévoit que la création de retenues ne doit pas être un prétexte à l'augmentation des volumes prélevés et que toute opération s'accompagne de la mise en place de dispositifs d'économie d'eau et d'optimisation de l'irrigation.

En ce qui concerne les modalités de remplissage des réserves :

35. Ainsi qu'il a été dit au point 7, le choix du piézomètre de Saint-Hilaire pour la surveillance de la ressource en eau disponible, de même que l'échelle linnimétrique de suivi des cours d'eau apparaissent pertinents sans que l'association Nature Environnement 17 ne produise des éléments probants en sens contraire. Enfin, les cotes exprimées en mètres NGF retenues par l'article 6 de l'arrêté contesté, permettant le démarrage des prélèvements, et qui résultent des dispositifs de mesure et de surveillance rappelés ci-dessus, ne peuvent être regardées comme ayant été évaluées dans le but de faciliter le remplissage des réserves.

36. Il résulte de tout ce qui précède que sont seulement fondés, d'une part, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact quant à l'analyse des effets des prélèvements de la ressource en eau sur l'environnement et à la description de l'état initial de la faune aquatique, d'autre part le moyen tiré de l'absence d'instruction de la demande d'autorisation au regard de la rubrique la rubrique 3.2.2.0-2° de la nomenclature des installations et ouvrages soumis à la loi sur l'eau.

Sur l'application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

37. Aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : 1° Installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au I de l'article L. 214-3 (...) ". Aux termes de l'article L. 181-18 du même code : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. II.- En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées. "

38. Ces dispositions précisent les pouvoirs dont dispose le juge de l'autorisation environnementale. Elles permettent notamment au juge, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, de surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative.

39. Au regard de leur nature, les vices tirés des insuffisances de l'étude d'impact et de l'absence d'instruction de la demande d'autorisation au regard de la rubrique 3.2.2.0-2° de la nomenclature des installations et ouvrages soumis à la loi sur l'eau, qui entachent la décision contestée, laquelle est considérée comme une autorisation environnementale en application de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017, sont susceptibles d'être régularisés dans le cadre des dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

40. Ces mesures de régularisation consisteront dans l'établissement d'un complément à l'étude d'impact réparant les omissions relevées aux points 15 à 18 du présent arrêt et dans l'instruction de la demande d'autorisation au regard de la rubrique 3.2.2.0.-2° mentionnée ci-dessus. Ces nouveaux éléments qui devront être soumis pour avis aux organismes dont la consultation est obligatoire, feront l'objet d'une nouvelle enquête publique dont les modalités d'organisation seront précisées par le préfet.

41. Par suite, il y a lieu de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête et d'impartir au pétitionnaire un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins d'obtenir, le cas échéant, la régularisation des vices relevés au présent arrêt.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de l'ASAI des Roches jusqu'à l'expiration d'un délai de de six mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre, le cas échéant, la notification à la cour des mesures de régularisation des irrégularités mentionnées aux points 15 à 18 et 23.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale autorisée des Roches, au ministre de la transition écologique et à l'association Nature Environnement 17. Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. C... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

Le rapporteur,

Frédéric A...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX03146
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Réfugiés (voir : Asile) et apatrides (voir : Étrangers).

27 Eaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-17;18bx03146 ?
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