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15/10/2020 | FRANCE | N°20BX00723

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 15 octobre 2020, 20BX00723


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination.

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Par un jugement n° 1906906 du 24 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2020, et deux mémoires enregistrés les 13 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination.

.

Par un jugement n° 1906906 du 24 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2020, et deux mémoires enregistrés les 13 mars et 13 août 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation administrative, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

* le signataire de l'arrêté litigieux n'était pas compétent pour le signer et que cet arrêté est insuffisamment motivé ;

* l'avis du collège de médecins de l'OFII ne lui a été transmis qu'en cours d'instance, le privant ainsi d'une garantie et que le préfet s'est estimé, à tort, lié par cet avis ;

* le préfet a commis une erreur de droit en examinant sa situation au regard des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien alors qu'il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° du même article ;

* sa fille ne peut pas bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en Algérie :

* sa présence est indispensable aux côtés de sa fille et qu'il a fixé en France l'ensemble de ses intérêts ;

* l'arrêté litigieux a méconnu les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2020,

Par lettre en date du 18 mai 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le jugement attaqué a été rendu dans une formation irrégulière dès lors que les dispositions de l'article L. 512-1 ne permettent pas au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il désigne à cette fin de statuer seul sur les décisions portant refus de séjour qui ne sont pas concomitantes à un refus d'asile.

Par un mémoire en réponse au moyen soulevé d'office par la cour et enregistré le 18 mai 2020, M. C... soutient que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse n'était pas compétent pour statuer sur sa demande dès lors que celle-ci était dirigée contre une décision lui refusant le séjour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990,

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. E....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 19 septembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de délivrer à M. C..., ressortissant algérien, entré en France le 27 octobre 2017, un titre de séjour en qualité d'accompagnant de malade, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination. M. C... demande à la cour d'annuler le jugement du 24 janvier 2020 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté le recours juridictionnel qu'il a formé contre cet arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant, au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1 du même code, en particulier lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : " 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6°. (...) ".

3. D'autre part, les dispositions du I et du I bis de l'article L. 512-1 du même code définissent deux régimes contentieux distincts applicables à la contestation par un étranger de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français. Aux termes du I : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...). ". Aux termes du I bis : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / La même procédure s'applique lorsque l'étranger conteste une obligation de quitter le territoire fondée sur le 6° du I dudit article L. 511-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment. Dans cette hypothèse, le président du tribunal administratif ou le juge qu'il désigne à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que la contestation d'une décision relative au séjour intervenue concomitamment à une obligation de quitter le territoire français elle-même consécutive à une décision portant refus d'asile et régulièrement prise sur le fondement des dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 suit le régime contentieux applicable à cette obligation de quitter le territoire, alors même qu'elle a pu être prise également sur le fondement du 3° du I de cet article. Dès lors, en application des dispositions également précitées du I bis de l'article L. 512-1, le président du tribunal administratif ou le juge qu'il désigne à cette fin est compétent pour statuer par une seule décision sur la légalité de ces deux décisions.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnant de malade le 19 juin 2018 avant que la Cour nationale du droit d'asile ne lui refuse définitivement le bénéfice de l'asile par une décision du 6 décembre suivant et que l'arrêté litigieux est directement consécutif au rejet de cette demande d'asile. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse n'était pas compétent pour statuer sur sa demande tendant à l'annulation de l'ensemble des décisions contenues dans cet arrêté.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, par un arrêté du 27 mars 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme F... D..., directrice des migrations et de l'intégration pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. L'arrêté en cause ne subordonne pas la délégation à une indisponibilité du préfet, est suffisamment précis et n'avait pas à comporter une date de fin de délégation. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence dont seraient entachées les décisions contestées manque en fait et doit être écarté.

7. En second lieu, l'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En outre, cette motivation n'avait pas à mentionner la pathologie dont est atteinte la fille de M. C..., information couverte par le secret médical. Il ressort par ailleurs des termes de cet arrêté que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux du requérant et ne s'est pas estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 30 novembre 2018.

8. En troisième lieu, aucun texte législatif ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'impose au préfet de communiquer à l'intéressé l'avis du collège des médecins de l'OFII, ni de lui donner accès à la bibliothèque d'information sur le système de soins des pays d'origine développée par l'OFII pour ses propres services. De plus, il ressort de l'avis du 27 août 2018 que le médecin ayant rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège et que celui-ci était régulièrement composé de trois médecins. Par suite, les moyens tirés des vices de procédure dont serait entaché l'arrêté attaqué doivent être écartés.

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la demande de titre de séjour présentée par M. C... le 19 juin 2018, que celui-ci n'a pas sollicité la délivrance d'un certificat de résidence au regard de son état de santé sur le fondement de l'article 6 (7°) de l'accord franco-algérien mais en qualité d'accompagnant de malade sur le fondement du 5° du même article. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

10. En cinquième lieu, il ressort de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 27 août 2018 que l'état de santé de la fille de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Si M. C... soutient qu'un tel traitement ne serait en réalité pas disponible en Algérie, les différentes attestations médicales et les autres documents dont il se prévaut, relatifs à la pathologie dont est atteinte sa fille, ne font aucunement mention de l'absence d'un traitement approprié en Algérie tandis que les articles de presse qu'il produit ne présentent qu'un caractère général et ne permettent pas de considérer que sa fille ne pourra pas bénéficier d'un traitement adapté en cas de retour en Algérie, alors qu'il ressort au contraire des pièces du dossier que cette pathologie a été diagnostiquée en Algérie, que ce pays dispose, depuis janvier 2018, d'une première promotion de pédopsychiatres ainsi que de seize services de pédopsychiatrie et de cent six centres psychopédagogiques, dont deux centres spécialisés dans l'autisme. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur d'appréciation en considérant que sa fille pouvait bénéficier de soins appropriés en Algérie et n'est pas davantage fondé à soutenir, pour les mêmes motifs, que l'arrêté attaqué aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant sans pouvoir utilement se prévaloir des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles ne peuvent être invoqués qu'en lien avec une autre disposition de la même convention.

11. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France le 27 octobre 2017 à l'âge de 36 ans et qu'il n'y a été admis que le temps de l'instruction de sa demande d'asile. En outre, il est célibataire et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays où résident son père, son épouse et ses deux autres enfants. Par ailleurs, il ne démontre ni être particulièrement intégré dans la société française ni avoir tissé des liens d'une particulière intensité sur le territoire national en se bornant à faire valoir que trois de ses frères résident dans la région Occitanie. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 10 qu'il ne peut pas utilement soutenir qu'il est indispensable qu'il demeure auprès de sa fille, en France. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée au sens des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6 (5°) de l'accord franco-algérien.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux du 19 septembre 2019. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme G..., présidente-assesseure,

M. Manuel E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

Le rapporteur,

Manuel E...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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20BX00723


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX00723
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-15;20bx00723 ?
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