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12/10/2020 | FRANCE | N°18BX02347

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 12 octobre 2020, 18BX02347


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision du 29 août 2016 par laquelle le directeur départemental de la police aux frontières de Mayotte lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1600861 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 juin 2018, 17 juillet 2018 et 2 septembre 2019, M. C..., représenté par la Scp Monod-Colin-Stoclet, dem

ande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 15 mars 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision du 29 août 2016 par laquelle le directeur départemental de la police aux frontières de Mayotte lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1600861 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 juin 2018, 17 juillet 2018 et 2 septembre 2019, M. C..., représenté par la Scp Monod-Colin-Stoclet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 15 mars 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 29 août 2016 par laquelle le directeur départemental de la police aux frontières de Mayotte lui a infligé un blâme ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de produire le procès-verbal d'audition de M. B... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car le tribunal n'a pas répondu de manière suffisante aux conclusions circonstanciées sur l'organisation défectueuse du poste au centre de rétention administrative ;

- les faits qui lui sont reprochés sont erronés et ne sont pas fautifs dès lors que, selon la note de service interne, deux agents devaient être postés au contrôle vidéo pour la surveillance de 52 caméras et au contrôle accès alarme ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conclusions tendant à ce qu'il lui soit enjoint de produire le procès-verbal d'audition de M. B... sont nouvelles en appel et donc irrecevables et qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... F...,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Dans la soirée du 19 mai 2016 au centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte, cinq retenus se sont évadés en perçant un trou dans le grillage de la cour de promenade. M. C..., gardien de la paix alors affecté au poste de contrôle vidéo, a été sanctionné d'un blâme par la décision attaquée du 29 août 2016 du directeur de la police aux frontières de Mayotte au motif qu'" en ne se trouvant pas physiquement à son poste derrière les écrans de contrôle vidéo et alarmes, le Gpx C... n'a pas exécuté loyalement et fidèlement les ordres reçus de son chef de poste (article R. 434-5 du code de déontologie) ; cela a eu pour conséquence une absence de réactivité et d'intervention efficace de sa brigade et au final la fuite de 5 retenus du CRA ". M. C... a saisi le tribunal administratif de Mayotte d'une demande d'annulation de cette décision du 29 août 2016 et relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Mayotte s'est prononcé dans son point 2 sur le moyen tiré de ce que l'organisation du service n'aurait pas permis à M. C... de remplir la mission qui lui était confiée. Il n'a ainsi commis ni d'omission à statuer ni d'insuffisance de motivation en estimant que cette circonstance ne pouvait exonérer M. C... de son attitude négligente fautive. Dès lors, le jugement n'est pas irrégulier.

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. Aux termes de l'article 28 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (...) ". Selon l'article R. 434-5 du code de la sécurité intérieure : " I. - Le policier ou le gendarme exécute loyalement et fidèlement les instructions et obéit de même aux ordres qu'il reçoit de l'autorité investie du pouvoir hiérarchique (...) ".

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, le 19 mai 2016, M. C..., gardien de la paix affecté au CRA de Mayotte, a pris son service à compter de 21h00 au poste de surveillance vidéo et au contrôle d'accès-alarme conformément aux instructions de son supérieur hiérarchique. A 21h52 ce même soir, il a été constaté que cinq retenus avaient pris la fuite. Il ressort notamment de l'audition de M. A..., adjoint de sécurité, et il n'est pas sérieusement contesté, que M. C..., qui s'est retrouvé seul dans les locaux, n'était pas au poste de surveillance des caméras mais s'était installé au bureau du chef de poste dont il visionnait l'ordinateur jusqu'à ce qu'une alarme retentisse à 21h50. Il ressort également des éléments de l'enquête, que trois caméras ont filmé le parcours des fuyards, lesquels avaient commencé leur évasion depuis plusieurs minutes lorsque l'alarme a retenti. Aussi, si M. C... s'était trouvé devant son poste de vidéosurveillance ainsi que le lui avait ordonné son chef de poste, il aurait nécessairement repéré les comportements suspects des retenus. A supposer que, comme le soutient le requérant, les retenus ne soient apparus sur les écrans de contrôle que 4 minutes et 30 secondes au lieu des 5 minutes et 20 secondes ainsi que mentionné dans la décision attaquée, les faits qui fondent la sanction et selon lesquels M. C... n'était pas à son poste de travail et n'a donc pas exécuté les ordres de son chef de poste sont établis, sans qu'il y ait lieu d'enjoindre au préfet de Mayotte de produire le procès-verbal d'audition de M. B..., adjoint de sécurité.

5. En second lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. D'une part, M. C... fait valoir que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas fautifs. Cependant, si une note de service interne conseillait pour l'organisation du service du CRA d'affecter deux fonctionnaires de police, l'un à la vidéosurveillance, l'autre au contrôle d'alarme, il ressort des pièces du dossier que M. C... n'était présent à aucun de ces deux postes. La supposition selon laquelle, même en poste devant les caméras de contrôle, il n'aurait pu détecter l'évasion en cours, n'est pas de nature à exonérer M. C... de la négligence dont il a fait preuve en ne restant pas à son poste de travail, en méconnaissance des instructions de son supérieur hiérarchique. Par suite, les faits en cause étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire.

7. D'autre part, ainsi que l'ont décidé les juges de première instance, en estimant que la faute commise par M. C... en s'impliquant insuffisamment, lors de la soirée du 19 mai 2016, dans la mission de surveillance du CRA qui lui était confiée, devait être sanctionnée par un blâme, quels qu'aient été les mérites jusqu'alors démontrés par ce gardien de la paix, l'autorité disciplinaire n'a pas prononcé une sanction disproportionnée.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors que le ministre de l'intérieur n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme D... F..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 octobre 2020.

La rapporteure,

Fabienne F... Le président,

Didier ARTUS Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02347


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02347
Date de la décision : 12/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP COLIN STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-12;18bx02347 ?
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