Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé, à titre principal, au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils demeurent assujettis au titre de l'année 2009 et, à titre subsidiaire, de porter la réduction d'impôt pratiquée par l'administration au titre des années 2010 et 2011 de 10 428 euros pour chacune de ces années à la somme globale de 39 500 euros, répartie en fonction des dates de réalisation des investissements concernés.
Par un jugement n° 1501441 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a entièrement fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juin 2018, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 février 2018.
Il soutient que :
- l'administration n'a pas procédé à une substitution de base légale concernant le supplément d'impôt sur le revenu de l'année 2009 ;
- les sociétés dans lesquelles M. et Mme B... ont investi n'ont pas fait l'objet d'une vérification de comptabilité et qu'une telle vérification n'était pas nécessaire pour remettre en cause la réduction d'impôt dont ils ont bénéficié ;
- les documents utilisés pour remettre en cause cette réduction ont été transmis par EDF dans le strict des dispositions des articles L. 81 et L. 83 du livre des procédures fiscales, n'ont nécessité ni retraitement de données ni investigations particulières et ont été communiqués aux contribuables ;
- M. et Mme B... n'établissent pas qu'EDF a fourni des documents de complaisance alors qu'il est constant que les centrales photovoltaïques au titre desquelles ils ont bénéficié de la réduction d'impôt litigieuse n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité à la date du 31 décembre 2009 ;
- la proposition de rectification n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, ni celles des L. 57 et L. 76 B du même livre ;
- s'agissant de centrales photovoltaïques données en location à des SNC en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique l'investissement ne peut être regardé comme réalisé au sens des dispositions des articles 199 undecies B et 95 Q du code général des impôts qu'à compter du raccordement des installations au réseau public d'électricité, cette condition étant réputée satisfaite à compter du dépôt d'un dossier de demande de raccordement complet.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Au cours de l'année 2009, M. et Mme B... ont souscrit au capital des sociétés en nom collectif Sunenergy 001, 002 et 003. À la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'impôt d'un montant de 39 500 euros dont ils ont bénéficié en 2009 au titre de ces investissements. En réponse à la réclamation formée par M. et Mme B..., l'administration a maintenu sa position concernant l'année 2009 mais leur a accordé une réduction d'impôt d'un montant total de 20 856 euros, également répartie sur les années 2010 et 2011. Par un jugement du 20 février 2018, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge, au titre de l'année 2009, du supplément d'imposition auquel ont été assujettis M. et Mme B.... Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler ce jugement du 20 février 2018.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. (...) Les projets d'investissement comportant l'acquisition, l'installation ou l'exploitation d'équipements de production d'énergie renouvelable sont pris en compte dans la limite d'un montant par watt installé fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget, de l'outre-mer et de l'énergie pour chaque type d'équipement. Ce montant prend en compte les coûts d'acquisition et d'installation directement liés à ces équipements. (...) La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. (...) ". En outre, l'article 95 Q de l'annexe II au même code précise que : " la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...) ".
3. Il résulte de l'instruction qu'aux termes de la proposition de rectification adressée à M. et Mme B... le 5 novembre 2012, l'administration a remis en cause la réduction d'impôt pratiquée par ces derniers en application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts après avoir considéré que l'investissement au titre duquel ils ont bénéficié de cette réduction d'impôt n'avait pas été réalisé à la date du 31 décembre 2009. L'administration a ensuite constamment maintenu cette position en dépit des réclamations présentées par les contribuables même si, par une décision du 26 juin 2014, elle a partiellement admis le report de cette réduction d'impôt sur les années 2010 et 2011 aux motifs que ces investissements avaient été réalisés, par moitié, au cours de chacune de ces deux années mais qu'ils avaient fait l'objet d'une surfacturation. Dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que, s'agissant de l'année 2009, c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que l'administration n'entendait plus se fonder sur l'absence de réalisation de l'investissement mais sur le caractère excessif de la réduction d'impôt pratiquée et en ont déduit que la substitution de base légale ainsi pratiquée avait été réalisée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
4. Il y a lieu, pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. et Mme B... devant le tribunal administratif.
Sur la procédure d'imposition :
5. D'une part et aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation s'impose à l'administration pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisée. ". En outre, l'article L. 83 du même livre précise que " Les administrations de l'État, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'État, les départements et les communes, ainsi que les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel ... ".
7. Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales que " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l'article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A ".
8. En premier lieu, le supplément d'impôt mis à la charge de M. et Mme B... résulte exclusivement de la remise en cause, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts dont ils ont entendu bénéficier à titre personnel à raison d'investissements productifs réalisés à la Réunion et ne procède nullement du rehaussement du résultat de sociétés, qui aurait été imposable entre les mains de leurs associés en proportion de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes. Par suite, M. et Mme B... ne peuvent utilement soutenir que l'administration ne pouvait pas remettre en cause cette réduction d'impôt sans procéder à une vérification de comptabilité des sociétés dans lesquelles ils ont investis.
9. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur aurait fondé le supplément d'imposition litigieux sur d'autres sources que celles indiquées aux contribuables, en particulier sur des informations issues des contrôles fiscaux opérés auprès des sociétés dans lesquelles ils ont investi ni, a fortiori, que ces informations auraient été obtenues en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales ainsi que de celles des articles L. 85 et L. 86 du même livre. En outre, et pour les mêmes motifs, les requérants, qui, au demeurant, n'établissent ni même ne soutiennent que des éléments utiles nécessaires à leur défense n'auraient pas été portés à leur connaissance, ne sont pas davantage fondés à soutenir que le supplément d'impôt litigieux aurait été mis à leur charge en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ou que la proposition de rectification qui leur a été adressée aurait été insuffisamment motivée en méconnaissance de celles de l'article L. 57 du même livre. Enfin, la seule circonstance que d'autres contribuables aient fait l'objet de proposition de rectification dont la rédaction est similaire demeure sans incidence sur la régularité de la proposition de rectification adressée à M. et Mme B....
10. En troisième lieu, et contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., l'administration n'a pas exercé son droit de communication auprès de la société Électricité de France (EDF) sur le fondement des dispositions des article L. 85 et L 86 du livre des procédures fiscales mais sur celui des dispositions précitées de l'article L. 83 du même livre. En outre, M. et Mme B... n'établissent pas que les attestations établies par EDF ne constitueraient pas des documents de service aux sens de ce dernier article mais s'analyseraient en des attestations de complaisance et des preuves que l'administration se constituerait à elle-même de sorte qu'elles auraient été établies en méconnaissance des principes de loyauté des débats, de contradiction et d'impartialité en se bornant à faire valoir que la société EDF est contrôlée par l'État, que l'administration ne justifie pas que ces attestations auraient été établies par une autorité habilitée et à soutenir que l'administration ne justifie pas davantage qu'elles concernent les sociétés exploitantes dans lesquelles les sociétés d'investissement dont ils ont acquis des parts sociales auraient investi alors qu'ils ne contestent pas que les installations solaires concernées n'étaient pas raccordées au réseau électrique ainsi qu'il ressort desdites attestations.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
11. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles 199 undecies B et 95 Q du code général des impôts que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue par ces dispositions est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. S'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et, par suite, productives de revenus qu'à compter de cette date. Il appartient en outre au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de cet avantage fiscal.
12. Il résulte de 1'instruction, et notamment des renseignements obtenus auprès d'EDF, qu'aucune des centrales photovoltaïques au titre de laquelle a été pratiquée la réduction d'impôt litigieuse n'avait fait l'objet au cours de l'année 2009 d'une demande complète de raccordement au réseau électrique permettant un raccordement effectif avant le 31 décembre, condition pourtant nécessaire à l'exploitation des installations selon 1'usage prévu par les investisseurs en vue de bénéficier de 1' avantage fiscal correspondant. Aucun certificat de conformité n'avait par ailleurs été délivré à la même date par l'organisme agréé que constitue le Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité. Enfin, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. et Mme B... ne peuvent pas utilement soutenir que les installations photovoltaïques sont susceptibles de fonctionner de manière autonome sans être nécessairement raccordées aux installations au réseau public d'électricité. Par suite, l'administration a pu, à bon droit remettre en cause la réduction d'impôt pratiquée par M. et Mme B... au titre de l'année 2009.
S'agissant du bénéfice de la doctrine administrative :
13. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales: " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été à 1'époque, formellement admise par 1'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
14. Les termes de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, qui se bornent à expliciter la notion de livraison de l'immobilisation, ne donnent pas du dispositif légal une interprétation différente de celle mentionnée au point 12 du présent arrêt en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt, subordonné, ainsi qu'il a été dit, à la condition tenant à l'exploitation effective de l'immobilisation.
15. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme B... demeurent assujettis au titre de l'année 2009. Il est également fondé, par voie de conséquence, à demander l'annulation de ce jugement.
Sur la demande présentée à titre subsidiaire par les demandeurs :
16. Après avoir admis le principe du report de la réduction d'impôt en litige au titre des années 2010 et 2011, l'administration en a limité le montant à la somme de 10 428 euros au titre de chacune des deux années concernées au motif que le prix d'acquisition des panneaux photovoltaïques dont s'agit auprès de la société SFER aurait été substantiellement surévalué ainsi qu'il résulterait de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet cette société et de l'exercice du droit de communication auprès de ses principaux concurrents. Toutefois, l'administration ne produit aucune pièce à l'appui de cette allégation en dépit de la demande formulée à cette fin par la cour. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner sur ce point les autres moyens du recours, il y a lieu de faire droit à la demande présentée à titre subsidiaire par M. Mme B... et tendant à ce que la réduction d'impôt dont ils ont bénéficié au titre des années 2010 et 2011 soit portée à la somme de 19 750 euros pour chacune de ces années.
Sur les frais exposés pour l'instance :
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les sommes que demandent M. et Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 février 2018 est annulé.
Article 2 : La réduction d'impôt dont M. et Mme B... ont bénéficié au titre des années 2010 et 2011 est fixée à la somme de 19 750 euros pour chacune de ces années.
Article 3 : Le surplus des demandes présentées devant le tribunal administratif par M. et Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme D..., présidente-assesseure,
M. Manuel C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
Le rapporteur,
Manuel C...
Le président,
Éric Rey-BèthbéderLa greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°18BX02263