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29/07/2020 | FRANCE | N°19BX04862

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 29 juillet 2020, 19BX04862


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 novembre 2019 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, de la décision du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 1905852 du 2 décembre 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal a

dministratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 novembre 2019 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, de la décision du même jour portant assignation à résidence.

Par un jugement n° 1905852 du 2 décembre 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 2019 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2019 de la préfète de Lot-et-Garonne ;

3°) d'ordonner la restitution de son passeport et la suppression de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) d'enjoindre à la préfète de Lot-et-Garonne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ou tout autre titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler dans un délai de quinze jours ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier au motif qu'il n'a pas été statué sur le moyen tiré de l'erreur de fait dont la préfète a entaché son arrêté ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation en droit et en fait ;

- elle révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est illégale au motif qu'il remplit les conditions pour l'obtention d'une carte de séjour " salarié " sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète n'a pas examiné sa situation sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au vu de ses liens personnels et familiaux en France et au vu de la continuité de son séjour sur le territoire, le renouvellement de ses contrats de travail saisonniers révélant en réalité sa situation de salarié permanent depuis 2002.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation en droit et en fait ;

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dans la mesure où il est titulaire d'un passeport en cours de validité contrairement à ce qu'elle indique ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au vu des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle porte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au vu de son intégration en France.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :

- la compétence du signataire de l'acte n'est pas établie ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, la préfète n'établissant pas avoir examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète a commis une erreur d'appréciation sur le principe et la durée de l'interdiction de retour et ainsi porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2020, la préfète de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête et fait valoir que ses moyens ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 avril 2020, l'instruction de la présente affaire a été rouverte.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- et les observations de Me A..., avocat, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, déclare être entré en France en 2003. Il s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " valable du 25 juillet au 18 septembre 2008 puis une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 3 avril 2009 au 2 avril 2012. Par un arrêté du 28 novembre 2019, la préfète de Lot-et-Garonne, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et, d'autre part, l'a assigné à résidence. M. B... relève appel du jugement du 2 décembre 2019 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. B... soutient que le premier juge n'aurait pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait de l'arrêté contesté, sans préciser au demeurant la nature de l'erreur alléguée, il ne ressort pas des termes de la requête de l'intéressé présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux qu'un tel moyen aurait été soulevé. Par suite le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté contesté en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. La préfète de Lot-et-Garonne a constaté que M. B... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et, en application du 4° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle a prononcé une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de ce dernier. Par ailleurs, il est constant qu'elle n'a été saisie d'aucune demande de titre de séjour. Ce faisant, elle n'a donc pas pris de décision susceptible de recours pour excès de pouvoir distincte de l'obligation de quitter le territoire français qui a procédé de ces constatations. Les conclusions dirigées contre un refus de titre de séjour sont par suite irrecevables. En tout état de cause, il ressort de la requête introductive d'instance de M. B..., enregistrée le 30 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif de Bordeaux, que ses conclusions aux fins d'annulation étaient exclusivement dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et la mesure portant assignation à résidence. Dès lors, les conclusions dirigées contre un refus de titre de séjour étant nouvelles, elles sont également irrecevables à ce titre.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la compétence du signataire de la décision portant interdiction de retour :

4. Par un arrêté du 23 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, la préfète de Lot-et-Garonne a donné délégation à M. Morgan Tanguy, secrétaire général de la préfecture de ce département, à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires relevant des attributions de l'État dans le département du Lot-et-Garonne " à l'exception de trois matières étrangères au litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant interdiction de retour doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation commun aux décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi :

5. Aux termes de l'article 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;(...) - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. L'arrêté contesté vise notamment les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. B..., en particulier les articles L. 511-1, L. 511-4 et L. 513-2. Par ailleurs, l'arrêté indique notamment que l'intéressé n'a pas renouvelé son titre de séjour " travailleur saisonnier " qui expirait le 2 avril 2012, qu'il s'est maintenu sur le territoire en situation irrégulière, qu'il est veuf et sans enfants à charge, que quatre de ses frères travaillent également en tant que saisonniers tandis que sa mère et sa soeur résident au Maroc, qu'il a travaillé en 2018 et 2019 sans autorisation et qu'il ne justifie pas disposer de ressources propres et licites. Enfin, l'arrêté précise que l'intéressé n'allègue pas risquer d'être exposé à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine et que, dès lors, la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Par conséquent et contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté critiqué énonce les considérations de droit et de fait propres à sa situation personnelle et sur lesquelles la préfète a entendu fonder son arrêté de manière suffisamment développée pour le mettre utilement en mesure de contester la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et la décision fixant le pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait.

8. Par ailleurs, il ne ressort ni des termes de l'arrêté litigieux, qui est suffisamment motivé, ni des autres pièces du dossier que la préfète de Lot-et-Garonne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

10. En deuxième lieu, l'arrêté contesté comporte la mention selon laquelle l'intéressé est titulaire d'un passeport à son nom délivré le 15 février 2018 par les autorités consulaires marocaines à Bordeaux. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté indiquerait qu'il n'est pas titulaire d'un passeport en cours de validité doit être écarté comme manquant en fait.

11. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. Pour justifier l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France, M. B... fait valoir son mariage contracté le 13 septembre 2014 avec une ressortissante polonaise, décédée depuis dans un accident de voiture, le 4 juillet 2015, ses relations de travail nouées depuis 17 ans en qualité de travailleur saisonnier ainsi que la présence sur le territoire de tous ses frères. Il soutient également avoir été présent en France de manière continue depuis 2002. Toutefois il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressé aurait noué des liens privés sur le territoire français. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les frères de l'intéressé résideraient en France alors que la présence de ses parents et de sa soeur dans son pays d'origine n'est pas démentie. En outre, l'intéressé ne fait valoir aucune nouvelle communauté de vie ni aucune charge de famille sur le territoire français. Par ailleurs, si M. B... fait valoir son insertion professionnelle depuis 2002 dont découlerait l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels, il ressort des pièces du dossier qu'il ne peut justifier que d'emplois en qualité de salarié saisonnier, au demeurant sans autorisation de travail à l'exception des années 2008 à 2012, qui, bien qu'ils aient été occupés pendant plusieurs années, ne peuvent, d'une part, être assimilables à un emploi permanent et, d'autre part, justifier à eux seuls une insertion particulière en France. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés. Par suite, la préfète de Lot-et-Garonne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. M. B... fait valoir que la préfète de Lot-et-Garonne a commis une erreur manifeste d'appréciation en désignant le Maroc comme pays de renvoi alors qu'il est intégré dans la société française et que, de ce fait, sa réintégration dans son pays d'origine est rendue impossible. Ce moyen doit être entendu comme excipant de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Par conséquent, il résulte de ce qui précède que ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :

14. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

15. Il résulte, d'une part, de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1. D'autre part, il en résulte que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour assortissant l'obligation de quitter le territoire français tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

16. Il incombe ainsi à l'autorité compétente de faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et le cas échéant aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit selon elle être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

17. La décision critiquée vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment, les dispositions du III de l'article L. 511-1. Elle fait également mention de faits précis relatifs à la situation de M. B... qui justifient cette décision, notamment qu'il a été interpellé en état d'alcoolémie, sans assurance et sans titre de séjour, qu'il n'a pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour qui expirait le 2 avril 2012, qu'il s'est maintenu sur le territoire français depuis cette date de manière délibérée et qu'il a occupé des emplois saisonniers en situation irrégulière, qu'il est veuf et sans enfant à charge, que sa mère et sa soeur résident au Maroc alors que ses frères résidant en France ont tous la qualité de travailleurs saisonniers. Ainsi, la préfète a indiqué les considérations de droit et de fait qui constituaient le fondement de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

18. En deuxième lieu, la préfète de Lot-et-Garonne n'était pas tenue de faire référence au critère prévu au huitième alinéa précité du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tiré de ce que l'intéressé aurait déjà fait l'objet d'une décision portant obligation du territoire français à laquelle il s'était soustrait dès lors que cette circonstance ne ressortait pas de sa situation. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, comme indiqué au point précédent, qu'il ne justifie pas de liens privés et familiaux d'une particulière intensité et que le comportement de l'intéressé est de nature à constituer une menace à l'ordre public eu égard à l'objet de son interpellation, à son activité illicite depuis de nombreuses années et à son maintien délibéré en situation irrégulière. Ainsi, nonobstant la circonstance que le requérant n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il se serait soustrait, la préfète de Lot-et-Garonne n'a ni méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 décembre 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de la Gironde a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme Florence Madelaigue, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juillet 2020.

La présidente-assesseure,

D...Le président-rapporteur,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX04862 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX04862
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-29;19bx04862 ?
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