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29/07/2020 | FRANCE | N°19BX03525

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 29 juillet 2020, 19BX03525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé de la remettre aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1901874 du 14 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2019, Mme A... D..., représentée p

ar la SCPA Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé de la remettre aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1901874 du 14 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2019, Mme A... D..., représentée par la SCPA Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers du 14 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet de la Gironde a décidé de la remettre aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé de demande d'asile dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, subsidiairement en cas de refus d'aide juridictionnelle, à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté litigieux est entaché d'un vice d'incompétence ;

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen approfondi de sa situation ;

- l'arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle a bénéficié, dans une langue qu'elle comprend, de l'information prévue par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'entretien prévu à l'article 5-4 du même règlement avec le concours d'un interprète ;

- en ne mettant pas en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet a commis une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2020, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., ressortissante guinéenne, est entrée en France, selon ses déclarations, le 5 décembre 2018 et a sollicité l'asile le 27 février 2019. Le relevé de ses empreintes décadactylaires a fait apparaître qu'elle avait déjà été identifiée en 2018 dans le cadre du franchissement d'une frontière européenne. Les autorités françaises ont obtenu, le 16 mai 2019, l'accord explicite des autorités espagnoles aux fins de reprise en charge de l'intéressée. Par un arrêté du 22 juillet 2019, le préfet de la Gironde a décidé son transfert aux autorités espagnoles. Mme D... relève appel du jugement du 14 août 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'appelante se borne à reprendre en appel les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux, de l'insuffisance de motivation de cet arrêté et du défaut d'examen particulier de sa situation, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013, doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... s'est vu remettre le 27 février 2019 le " Guide du demandeur d'asile en France ", la brochure d'information A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union Européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ", la brochure d'information B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " et la brochure " Les empreintes digitales et Eurodac ", sur lesquels l'intéressée a apposé sa signature. La remise de ces pièces, qui constituent ensemble la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 précité et dont le contenu a été porté à la connaissance de l'intéressée en langue française, qui est la langue officielle de la Guinée et que Mme D... a déclaré comprendre contrairement à ce qu'elle soutient dorénavant, a permis à la requérante de bénéficier de l'information complète prévue par ces dispositions. Mme D..., qui ne conteste pas ces éléments, ne saurait donc soutenir que l'information préalable ne lui a pas été remise.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a bénéficié le 27 février 2019 de l'entretien individuel prévu par les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 précitées mené en français, langue officielle de la Guinée et qu'elle a déclaré comprendre, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de recourir à un interprète. Il ressort du compte-rendu de cet entretien, signé par l'intéressée, qu'elle a pu faire valoir ses observations. Aucun élément du dossier ne permet d'établir que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et permettant ainsi d'en garantir la confidentialité. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à une autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable (...) ". La faculté laissée à chaque État membre, en application de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de l'arrêté litigieux, que le préfet a explicitement écarté l'application de la clause discrétionnaire après que l'intéressée, entrée récemment sur le territoire, a été invitée à présenter ses observations quant à un éventuel transfert vers l'Espagne sans qu'elle n'ait fait valoir aucune circonstance particulière. Si elle soutient bénéficier d'un suivi médical en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé empêcherait son transfert vers l'Espagne ou qu'elle ne pourrait être prise en charge en Espagne. Ainsi, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire, dans les circonstances de l'espèce, application des dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent par voie de conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. C... B..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 juillet 2020.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Stéphan Triquet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03525


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03525
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-29;19bx03525 ?
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