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21/07/2020 | FRANCE | N°20BX01248

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 21 juillet 2020, 20BX01248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1903604 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête,

enregistrée le 3 avril 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1903604 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", ou tout autre titre de séjour correspondant à sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, à titre subsidiaire, de lui délivrer, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État les entiers dépens ainsi que le versement au profit de son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéas 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les décisions contenues dans l'arrêté du 27 mai 2019 de la préfète de la Gironde sont insuffisamment motivées au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le dépôt d'une demande de carte de séjour sur ce fondement vaut implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement de l'article L. 211-2-1 du même code ; le préfet ne peut légalement se fonder sur l'absence de visa pour refuser au requérant la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français ; dès lors que le conjoint remplit la condition de six mois de résidence en France avec son conjoint, le préfet ne peut rejeter la demande de carte de séjour temporaire pour défaut de visa de long séjour ; contrairement à ce qu'affirme la préfète, elle est bien entrée en France de façon régulière conformément aux exigences de l'article L 211-2-6° et y séjourne avec son conjoint depuis plus de six mois ; la déclaration d'entrée en France ne peut être requise dans le cadre d'une demande de titre de séjour en tant que conjoint de français ;

- le refus de délivrance d'un titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences du refus de séjour ;

- la préfète de la Gironde n'a pas procédé à un examen particulier de la situation ;

- elle méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est dépourvue de base légale.

Par une décision n° 2020/001945 en date du 26 mars 2020 prise sur la demande présentée le 3 janvier 2020 par Mme C..., le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis cette dernière au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".

2. Mme D... épouse C..., ressortissante tunisienne, relève appel du jugement du 27 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 mai 2019 de la préfète de la Gironde lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

3. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail : " (...) les ressortissants tunisiens bénéficient dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ".

4. En premier lieu, Mme C... reprend le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 211-2-1, L. 313-2 et L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées par les premiers juges que la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à un étranger marié avec un ressortissant français est subordonnée non seulement aux conditions énoncées par les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais également à la justification d'une entrée régulière sur le territoire français. Ainsi, la production d'un visa de long séjour délivré, le cas échéant, selon les modalités fixées au sixième alinéa de l'article L.211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du même code. Si ces dispositions impliquent que l'autorité préfectorale, saisie d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 dudit code, procède à l'instruction de la demande implicite de délivrance d'un visa de long séjour en application des dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code, il résulte de ces mêmes dispositions que le préfet n'est compétent pour délivrer un visa de long séjour que lorsque toutes les conditions qu'elles prévoient sont remplies, notamment celle d'une entrée régulière en France du demandeur.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... épouse C... a sollicité l'admission au séjour en qualité de conjoint de français sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une telle demande de titre de séjour valait implicitement dépôt d'une demande de visa de long séjour sur le fondement de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, demande de visa sur laquelle la préfète de la Gironde s'est prononcée de manière expresse en précisant que " (...) elle ne peut donc se voir délivrer le visa de long séjour prévu par l'article L. 313-2 du CESEDA puisqu'elle ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français ". Il ressort également des pièces du dossier que Mme C... est entrée en Pologne le 23 novembre 2016 avec un visa polonais de tourisme valable du 23 novembre au 28 novembre 2016. Toutefois, elle ne justifie pas être entrée régulièrement en France sous le couvert du visa en cause ou postérieurement, par l'apposition d'un tampon français sur son passeport. Elle n'établit pas davantage avoir bénéficié d'un titre de séjour préalablement à la demande présentée le 27 août 2018. Il résulte du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 que seuls les étrangers entrés régulièrement en France sont admis à présenter une demande de visa de long séjour à l'autorité préfectorale dans les conditions que cet article prévoit. Par suite, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la préfète de la Gironde a pu lui opposer son entrée irrégulière et corrélativement ne pas lui faire bénéficier de la possibilité, prévue par l'article L. 211-2-1 6° alinéa du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de rester sur le territoire français durant l'instruction de sa demande de visa de long séjour. Ainsi, alors même qu'elle est mariée avec un ressortissant de nationalité française, qu'elle ne vit pas en état de polygamie et que la communauté de vie entre elle et son époux qui a conservé la nationalité française n'a pas cessé depuis le mariage, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En deuxième lieu, Mme C... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si elle fait valoir à cet égard qu'elle est enceinte de sept mois, cette circonstance, alors qu'au demeurant les conclusions du gynécologue obstétricien du centre hospitalier de Libourne précisent que la date de début de grossesse est estimée au 23 août 2019, soit postérieurement à la décision attaquée, ne constituent pas davantage des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels appelant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ne saurait être accueilli.

8. En troisième lieu, Mme C... reprend le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que Mme C... ne justifie nullement de sa présence en France entre novembre 2016 et mai 2017 et les pièces produites pour la période postérieure ne sont pas suffisamment probantes et nombreuses pour établir la réalité de sa résidence sur le territoire national. Son mariage, le 18 août 2018 avec un ressortissant français est récent, soit une durée de 10 jours à la date du dépôt de sa demande de titre de séjour et moins d'un an seulement à la date de l'arrêté contesté. L'intéressée ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance de l'ancienneté de sa relation avec son époux ni même de la communauté de vie depuis leur union. La circonstance qu'elle soit enceinte de plusieurs mois, postérieure à la date de la décision contestée, est sans incidence sur la légalité de celle-ci. Si la requérante se prévaut de liens personnels et amicaux sur le territoire français, elle ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations, n'atteste d'aucun lien privé et familial ancien, stable et pérenne sur le territoire français, en se prévalant de la seule présence d'une soeur, alors qu'elle n'est pas isolée dans son pays d'origine où résident son père et six de ses frères et soeurs et où elle a vécu jusqu'à ses 30 ans. En outre, alors même qu'elle justifie d'efforts pour apprendre la langue française, elle est faiblement insérée dans la société française. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle Mme C....

9. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ".

10. Les pièces que Mme C... produit à l'instance attestent qu'elle n'était pas enceinte à la date de la décision contestée mais que le début de la grossesse est estimé au 23 août 2019, soit trois mois plus tard et ne permettent pas d'établir, à la date de la décision en litige, ni que son état de santé nécessite des soins et un suivi particulier dont l'absence pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne pourrait pas bénéficier effectivement de ce suivi et de ces soins en Tunisie. Le moyen invoqué par l'appelante tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle Mme C....

11. En cinquième lieu, Mme C... reprend dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, les autres moyens visés ci-dessus. Contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau, ni aucune nouvelle pièce à l'appui de ces moyens auquel les premiers juges ont suffisamment et pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

12. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel est manifestement dépourvue de fondement et doit être rejetée selon la procédure prévue par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquences, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... D... épouse C.... Une copie sera transmise pour information à la préfète de la Gironde.

Fait à Bordeaux, le 21juillet 2020.

Fabienne ZUCCARELLO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

4

N° 20BX01248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 20BX01248
Date de la décision : 21/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : LOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-21;20bx01248 ?
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