La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2020 | FRANCE | N°18BX02603

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 18BX02603


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Technocer a demandé au tribunal administratif de Pau la restitution d'une créance sur le Trésor d'un montant de 75 989 euros, née du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2010 sur les bénéfices de l'exercice clos en 2007.

Par un jugement n° 1601371 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 5 juillet 2018 et le 27 mars 2019, la société Techn

ocer, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Technocer a demandé au tribunal administratif de Pau la restitution d'une créance sur le Trésor d'un montant de 75 989 euros, née du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2010 sur les bénéfices de l'exercice clos en 2007.

Par un jugement n° 1601371 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 5 juillet 2018 et le 27 mars 2019, la société Technocer, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 9 mai 2018 ;

2°) de prononcer la restitution de la somme de 75 989 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en excluant du bénéfice d'imputation du déficit reporté en arrière le montant des bénéfices réalisés au cours de l'année 2007 qui ont donné lieu à un paiement de l'impôt au moyen d'un excédent de crédit d'impôt recherche acquis au cours de l'année 2006, l'administration a méconnu les dispositions de l'article 220 quinquies I du code général des impôts ;

- un crédit d'impôt recherche ne conserve cette nature qu'au titre de l'année où les dépenses de recherche correspondantes ont été engagées ; il devient une simple créance sur l'Etat les années suivantes ;

- le service lui a confirmé dans ses courriers des 23 mai et 15 septembre 2011 que le montant du report en arrière de déficit de 2010 s'élevait à 566 840 euros ; cette validation du montant de la créance constitue une prise de position formelle opposable à l'administration ; celle-ci ne pouvait par ailleurs remettre en cause ce montant sans méconnaître le principe de confiance légitime ; elle peut se prévaloir d'une espérance légitime d'obtenir le remboursement de la totalité de la somme validée par l'administration dans ses courriers des 23 mai et 15 septembre 2011.

Par deux mémoires en défense enregistrés respectivement les 11 décembre 2018 et 30 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclu au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la société requérante n'est fondé.

Par ordonnance du 9 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Technocer a opté, le 18 mars 2011, en sa qualité de société mère d'un groupe fiscalement intégré, pour le report en arrière, sur l'exercice clos en 2007, d'une partie du déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2010, faisant naître ainsi une créance sur le Trésor. N'ayant pas utilisé cette créance pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos au cours des cinq années suivant celle de la clôture de cet exercice, elle en a sollicité le remboursement le 26 janvier 2016, pour un montant de 566 480 euros. L'administration fiscale a fait partiellement droit à cette demande à hauteur de 490 492 euros. La société Technocer relève appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la restitution de la somme de 75 989 euros correspondant selon elle au solde de sa créance sur le Trésor née du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2010 sur les bénéfices de l'exercice clos en 2007.

2. En premier lieu, aux termes de l'article aux termes de l'article 220 quinquies du code général des impôts, dans sa version applicable à l'année 2010 : " I. Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent, dans la limite de la fraction non distribuée de ces bénéfices et à l'exclusion des bénéfices (...) qui ont donné lieu à un impôt payé au moyen de crédits d'impôts. (...). ".

3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que les entreprises peuvent imputer le déficit d'un exercice sur les bénéfices réalisés lors de l'un des trois exercices précédents, sous réserve que le montant ainsi imputé n'excède pas la fraction non distribuée de ces bénéfices, déduction faite, dans les conditions prévues par le premier alinéa précité de l'article 220 quinquies du code général des impôts, des bénéfices exonérés ou ayant donné lieu à un impôt acquitté par voie de crédit d'impôt.

4. Par ailleurs, aux termes de l'article 199 ter B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. (...). ".

5. La société Technocer a bénéficié d'un crédit d'impôt sur le fondement de l'article 199 ter B du code général des impôts, au titre des dépenses de recherche qu'elle avait exposées au cours de l'exercice 2006. Ce crédit d'impôt a été imputé sur l'impôt sur les sociétés dû à l'issue de cet exercice, l'excédent, d'un montant de 75 989 euros, ayant été utilisé pour le paiement de l'impôt dû à l'issue de l'exercice 2007. L'impôt acquitté au moyen de cet excédent de crédit d'impôt, lequel constitue effectivement une créance sur l'Etat, au même titre que le crédit d'impôt initial, doit être regardé comme ayant été payé au moyen d'un crédit d'impôt au sens des dispositions précitées de l'article 220 quinquies, alors même que l'impôt ainsi acquitté n'était pas dû au titre de l'exercice au cours duquel les dépenses de recherche ayant généré ce crédit d'impôt ont été engagées. Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B du code général des impôts, qu'il soit utilisé pour acquitter l'impôt dû au titre de l'exercice au cours duquel il a été accordé, ou l'impôt dû au titre d'un exercice ultérieur, s'analyse en effet comme un remboursement d'impôt, dont les dispositions précitées de l'article 220 quinquies ont pour objet d'exclure qu'il se cumule avec le remboursement d'impôt résultant du report en arrière d'un déficit. Par suite, la société Technocer n'est pas fondée à soutenir qu'en excluant du bénéfice d'imputation du déficit de l'année 2010 reporté en arrière, le montant des bénéfices réalisés au cours de l'année 2007 qui ont donné lieu à un paiement de l'impôt au moyen de l'excédent du crédit d'impôt recherche acquis au cours de l'année 2006, l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article 220 quinquies I du code général des impôts.

6. En deuxième lieu, la société Technocer soutient que l'interprétation faite par l'administration des dispositions de l'article 220 quinquies I du code général des impôts méconnait le principe constitutionnel d'égalité entre les sociétés, selon que celles-ci choisissent de percevoir le remboursement de leur créance en la mobilisant auprès d'un établissement de crédit, en en demandant le remboursement à son terme ou en l'imputant sur leur cotisation d'IS des exercices. Néanmoins, et dès lors que, comme il vient d'être dit, les impositions litigieuses ont été établies conformément à ces dispositions, le moyen consistant à exciper de l'inconstitutionnalité desdites dispositions est irrecevable à défaut d'avoir été présenté par un mémoire distinct.

7. En troisième lieu, l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales étend la garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A selon laquelle il ne peut être procédé à un rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration : " (...) / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ".

8. La SAS Technocer se prévaut de deux courriers, l'un daté du 23 mai 2011 par lequel l'administration a répondu à sa demande de remboursement anticipé d'un report en arrière du déficit de l'année 2010, l'autre, daté du 15 septembre 2011, par lequel l'administration a répondu à sa demande de remboursement anticipé de la créance née du crédit d'impôt recherche constaté, à la clôture de l'exercice 2010, par sa filiale, la SAS SCT.

9. Si les dispositions de l'article 220 quinquies citées ci-dessus permettent, sur option, de traiter le déficit constaté par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés comme une charge déductible du bénéfice de l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de l'exercice précédent, l'exercice de l'option du report en arrière n'a pas pour effet de modifier la base imposable au titre des années d'étalement. Par suite, la SAS Technocer ne peut utilement se prévaloir d'une position qui aurait été prise par l'administration fiscale dans les courriers des 23 mai et 15 septembre 2011, dès lors que la remise en cause du montant de la créance découlant de cette option ne constituait pas un rehaussement d'impositions antérieures au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales.

10. Par ailleurs, en écartant comme inopérant, au motif que le litige ne portait pas sur une situation juridique régie par le droit communautaire, le moyen tiré de ce que le changement de position du service entre les courriers des 23 mai et 15 septembre 2011 et celui du 25 mai 2016 aurait constitué une méconnaissance du principe de confiance légitime, le tribunal a répondu de manière suffisamment circonstanciée à ce moyen, ce qu'il n'était au demeurant pas tenu de faire.

11. Enfin, les deux courriers susmentionnés, qui ne constituent pas, compte tenu de leur objet, une prise de position formelle de l'administration quant au montant de la créance née du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2010 sur les bénéfices de l'exercice clos en 2007, n'ont pu faire naître une espérance légitime d'obtenir le remboursement de la somme de 566 480 euros. Aussi, la SAS Technocer n'est-elle pas fondée à soutenir qu'en ramenant à 490 492 euros la restitution accordée au titre de ce report, l'administration aurait méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Technocer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la restitution de la somme de 75 989 euros au titre du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2010 sur les bénéfices de l'exercice clos en 2007. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er: La requête de la société Technocer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Technocer et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest et au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

Mme A... B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

Le président,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02603


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02603
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-10 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Report déficitaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : FIDAL MERIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-02;18bx02603 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award