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02/07/2020 | FRANCE | N°18BX00724

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 18BX00724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Le Jardin de Château-Gaillard a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 21 juillet 2016 par laquelle le préfet de la Martinique l'a déchue de ses droits à l'obtention de l'aide à la modernisation des exploitations agricoles entrainant le remboursement partiel à hauteur de 209 762,11 euros des sommes perçues, ensemble les décisions de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700018 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de la Martinique

a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Le Jardin de Château-Gaillard a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 21 juillet 2016 par laquelle le préfet de la Martinique l'a déchue de ses droits à l'obtention de l'aide à la modernisation des exploitations agricoles entrainant le remboursement partiel à hauteur de 209 762,11 euros des sommes perçues, ensemble les décisions de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700018 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 19 février 2018 et le 27 novembre 2019, la SARL Le jardin de Château-Gaillard, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1700018 du 23 novembre 2017 du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) d'annuler la décision du 21 juillet 2016 par laquelle le préfet de la Martinique l'a déchue de ses droits à l'obtention de l'aide à la modernisation des exploitations agricoles entrainant le remboursement partiel à hauteur de 209 762,11 euros des sommes perçues, ensemble les décisions de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre la somme de 6 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement ne vise pas son mémoire en réplique ; ce mémoire, enregistré le 23 octobre 2017, n'a pas été communiqué alors qu'elle y présentait de nouveaux moyens ;

- le jugement est insuffisamment motivé sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise sur la qualification de fausses déclarations ;

En ce qui concerne la légalité des décisions des 21 juillet et 9 décembre 2016 :

- le signataire de la décision du 21 juillet 2016 ne justifie pas d'une délégation régulière et publiée : la délégation produite est incomplète ; elle est trop générale ; l'agent signataire ne pouvait se voir déléguer de manière cumulative des compétences en matière de gestion, de contrôle et de sanction, sans méconnaitre les dispositions de l'article 74 du règlement n° 1698/2005 du 20 septembre 2005 ;

- la décision ne mentionne pas la délégation dont disposait le signataire ;

- ces décisions du 21 juillet et du 9 décembre 2016 sont insuffisamment motivées ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait ; elle avait interjeté appel du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 mai 2016 ;

- cette décision est entachée d'une inexactitude matérielle des faits quant à l'existence d'une fraude avérée ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité :

- la décision du 21 juillet 2016 est dépourvue de base légale compte tenu de l'irrégularité de la décision du 17 mars 2014 par laquelle le préfet de la Martinique a prononcé la déchéance de ses droits relatifs à l'attribution d'une aide du fonds européen agricole pour le développement rural

- le signataire de l'arrêté du 17 mars 2014 ne justifie pas d'une délégation régulière et publiée : la délégation produite est incomplète ; elle est trop générale ; l'agent signataire ne pouvait se voir déléguer de manière cumulative des compétences en matière de gestion, de contrôle et de sanction, sans méconnaitre les dispositions de l'article 74 du règlement n° 1698/2005 du 20 septembre 2005 ;

- cet arrêté ne mentionne pas la délégation dont disposait le signataire ;

- la régularité de la procédure de contrôle du 6 juin 2013, et notamment les compétence et qualité des agents, ayant entrainé la déchéance de ses droits n'est pas démontrée ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé en droit ;

- l'arrêté est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la régularité des factures produites dans le cadre de sa demande d'aide n'a pas été retenue : aucune fausse déclaration ne peut lui être reprochée ; s'agissant de la facture émanant de la société Somatrav, l'arrêté est entaché d'une erreur de fait en retenant qu'aucune preuve n'établit que les travaux commandés sur le devis n° 009/04/177 avaient été exécutés avant le 10 novembre 2009 ; s'agissant de la facture de la société CLAIE, l'arrêté est entaché d'erreur de fait en ce qu'il ne tient pas compte de l'erreur de facturation de cette société ; la société était de bonne foi ;

- la sanction dont elle fait l'objet est disproportionnée dès lors que l'administration a choisi la mesure la plus sévère prévue par les dispositions du règlement n° 65/2011.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 mai et 25 novembre 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil du 21 juin 2005 relatif au financement de la politique agricole commune ;

- le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ;

- le règlement (CE) n° 1975/2006 de la Commission du 7 décembre 2006 ;

- le règlement (UE) n° 65/2011 de la Commission du 27 janvier 2011 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil en ce qui concerne l'application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le décret n° 2009-1452 du 24 novembre 2009 ;

- le décret n° 2010-1582 du 17 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... F...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant de la SARL Le jardin de Château-Gaillard.

Considérant ce qui suit :

1. La société Le Jardin de Château-Gaillard a obtenue, par une convention conclue le 23 décembre 2009 avec le préfet de la région Martinique et modifiée par un avenant du 13 avril 2011, une subvention au titre de la mesure 121 du programme de développement rural de la Martinique (PDRM) financée par le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) afin de réaliser une unité de production agricole en cultures maraîchères. A la suite d'une visite de contrôle réalisée sur place le 6 juin 2013, et au terme de la procédure contradictoire prévue en cas de contestation, le préfet de la Martinique a, par une décision du 17 mars 2014 déclaré le projet de cette société inéligible pour cause de fausses déclarations, a informé la société que la totalité des crédits alloués à son opération d'investissement sera désengagée et que le remboursement des aides déjà versées, dont notamment celles perçues lors du premier et deuxième acompte au titre de l'opération d'investissement n° DAAF 397 " création d'une unité de production agricole en culture maraîchères ", pour un montant de 209 762,11 euros, sera engagé. Par un arrêt de la cour n° 16BX02353 en date du 8 février 2019, devenu irrévocable le 21 novembre suivant, les conclusions tendant à l'annulation de cette décision du 17 mars 2014 ont été rejetées. Le préfet de la Martinique a, par une décision du 21 juillet 2016, déchu la société Le jardin de Château-Gaillard de ses droits à une subvention accordée au titre de la " création d'une unité de production agricole en culture maraîchère " et demandé à l'agence de service et de paiement de procéder au recouvrement de la somme de 209 762,11 euros. Il a, par une décision du 9 décembre 2016, rejeté le recours gracieux formé contre cette décision. La société Le Jardin de Château-Gaillard relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux dernières décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : "La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. D'autre part, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " [La décision] contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ".

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la SARL Le jardin de Château-Gaillard a produit, avant la clôture automatique de l'instruction, un mémoire en réplique enregistré le 23 octobre 2017. Le tribunal administratif n'a pas communiqué ce mémoire au préfet de la Martinique et ne l'a pas visé alors toutefois que la société requérante y introduisait de nouveaux moyens auxquels il n'a pas répondu. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ce jugement, la SARL Le jardin de Château-Gaillard est fondée à soutenir que le jugement critiqué a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la SARL Le jardin de Château-Gaillard.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. Aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil du 21 juin 2005 alors en vigueur : " 1. Les organismes payeurs sont les services ou organismes des États membres qui, en ce qui concerne les paiements qu'ils effectuent ainsi que pour la communication et la conservation des informations, offrent suffisamment de garanties pour que : a) l'éligibilité des demandes et, dans le cadre du développement rural, la procédure d'attribution des aides, ainsi que leur conformité avec les règles communautaires, soient contrôlées avant l'ordonnancement du paiement ; b) les paiements effectués soient comptabilisés de manière exacte et exhaustive ; c) les contrôles prévus par la législation communautaire soient entrepris ; d) les documents requis soient présentés dans les délais et sous la forme prévus par les règles communautaires ; e) les documents soient accessibles et conservés de façon à garantir leur intégrité, leur validité et leur lisibilité dans le temps, y compris pour les documents électroniques au sens des règles communautaires... ". Aux termes de l'article 7 du même règlement : " L'organisme de certification est une entité de droit public ou privé désignée par l'État membre en vue de certifier les comptes de l'organisme payeur agréé quant à leur véracité, leur intégralité et leur exactitude, en prenant en compte le système de gestion et de contrôle mis en place. ". Aux termes de l'article 9 de ce règlement : " 1. Les États membres: a) prennent, dans le cadre de la politique agricole commune, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives, ainsi que toute autre mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de la Communauté, et en particulier pour: i) s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par ... le FEADER; ii) prévenir et poursuivre les irrégularités; iii) récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences (...) ".

6. Aux termes de l'article 74 du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 alors en vigueur : " (...) 2. Les États membres désignent, pour chaque programme de développement rural, les autorités suivantes : a) l'autorité de gestion, qui peut être un organisme public ou privé, national ou régional, ou l'État membre exerçant lui-même cette fonction, et qui est chargée de la gestion du programme concerné ; b) l'organisme payeur au sens de l'article 6 du règlement (CE) no 1290/2005 ; c) l'organisme de certification au sens de l'article 7 du règlement (CE) n° 1290/2005. 3. Les États membres veillent à ce que, pour chaque programme de développement rural, le système de gestion et de contrôle nécessaire ait été établi, en attribuant et en séparant clairement les fonctions respectives de l'autorité de gestion et des autres organismes. Les États membres sont responsables du fonctionnement efficace des systèmes tout au long de la période de mise en oeuvre du programme (...) ". Enfin, l'article 75 de ce règlement dispose que : " (...) 1. L'autorité de gestion est responsable de la gestion et de la mise en oeuvre efficaces, effectives et correctes du programme, et elle est chargée en particulier : a) de veiller à ce que les opérations soient sélectionnées pour le financement conformément aux critères applicables au programme de développement rural (...) ". Aux termes du point 2 de l'article 30 du règlement (UE) de la commission n° 65/2011 susvisé : " S'il est constaté qu'un bénéficiaire a délibérément effectué une fausse déclaration, l'opération en cause est exclue du soutien du Feader et tout montant déjà versé pour cette opération est recouvré. Le bénéficiaire est en outre exclu du bénéfice de l'aide au titre de la même mesure pendant l'année civile de la constatation et la suivante... ".

7. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 29 avril 2004 : " (...) Le préfet de région est responsable de l'exécution des politiques de l'Etat dans la région, sous réserve des compétences de l'agence régionale de santé, ainsi que de l'exécution des politiques communautaires qui relèvent de la compétence de l'Etat. ". Aux termes de l'article 2 du décret du 17 décembre 2010 : " Sous l'autorité du préfet, et sous réserve des compétences attribuées à d'autres services ou établissements publics de l'Etat, la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt exerce les missions à caractère régional et départemental suivantes : 1° La direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt met en oeuvre les politiques relatives à l'agriculture et au développement des territoires. A ce titre, elle concourt : (...) g) A la gestion et au contrôle des aides publiques à l'agriculture et à la forêt ; elle assure la coordination des contrôles relatifs à ces aides (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions, que le directeur de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, sous l'autorité du préfet de région, était donc compétent pour prendre les décisions relatives au contrôle des aides communautaires, y compris, en conséquence, la déchéance de droits et les décisions de remboursement des aides.

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 27 août 2014, le préfet de la Martinique a habilité M. D... A..., directeur de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, pour signer toutes décisions et correspondances entrant dans le champ de compétence des directions de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DAAF) et en particulier, selon le point E de l'article 1er de cet arrêté relatif à la politique de développement et d'aménagement rural, les actes relevant de " la gestion et du suivi du Programme de développement rural de la Martinique mettant en oeuvre le FEADER, par délégation du préfet de région, autorité de gestion de ce programme, [et] les actes administratifs (y compris attributifs) concernant les projets financés par le FEADER dans le cadre du PDRM ". L'article 2 de cet arrêté exclut enfin cinq catégories d'actes du champ de la délégation au nombre desquels ne figurent pas les décisions en litige. Le moyen selon lequel cette délégation de signature serait trop générale et imprécise ne peut qu'être écarté.

10. Contrairement à ce que soutient la société requérante, l'arrêté portant délégation a été publié dans son intégralité au recueil des actes administratifs de la préfecture le 28 août suivant et est librement disponible sur le site Internet de la préfecture.

11. Enfin, il résulte des dispositions communautaires précitées combinées que l'autorité de gestion, responsable de la mise en oeuvre du programme, doit, après avoir octroyé une subvention, récupérer les sommes versées à son bénéficiaire en cas de fausse déclaration de sa part. Contrairement à ce que soutient la SARL Le jardin de Château-Gaillard, les dispositions de l'article 74 du règlement n° 1698/2005 n'impliquent en aucun cas que les autorités de gestion et de sanction soient distinctes. Le moyen tiré de ce que le directeur de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, autorité de gestion du programme rural en cause, n'aurait pu légalement décider, à titre de sanction, le remboursement des aides indument perçues par la requérante doit donc être écarté.

12. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décision la décision du 17 mars 2014 doit donc être écarté en toutes ses branches.

13. En deuxième lieu, la circonstance que la décision du 9 décembre 2016 portant rejet du recours gracieux ne fasse pas mention de ce qu'elle a été signée sur délégation du préfet de la Martinique est sans incidence sur sa légalité.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

15. En l'espèce, la décision du 21 juillet 2016, cite l'ensemble des textes communautaires et nationaux applicables à l'aide en litige, et notamment le règlement (UE) n° 65/2011 de la commission du 27 janvier 2011 sur lesquels se fonde la déchéance des droits à l'attribution de la subvention, et mentionne que le remboursement des aides MAAF et FEADER dont elle a bénéficié lui est demandé au motif des manquements de la SARL Le jardin de Château-Gaillard à ses engagements déclaratifs et de l'existence d'une fraude. Cette décision est ainsi suffisamment motivée en droit et en fait.

16. Dès lors que la décision du 9 décembre 2016 a pour unique objet de rejeter la réclamation de la SARL Le jardin de Château-Gaillard dirigée contre la décision du 21 juillet 2016, laquelle était régulièrement motivée, elle n'avait pas à comporter de motivation. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 9 décembre 2016 est donc inopérant.

En ce qui concerne le légalité interne :

17. En premier lieu, aux termes de l'article 25 règlement (UE) n° 65/2011 du 27 janvier 2011 alors en vigueur, portant application du règlement (CE) n° 1698/2005 " Contrôles sur place 1. Les États membres organisent des contrôles sur place pour les opérations approuvées sur la base d'un échantillon approprié. Ceux-ci sont, dans la mesure du possible, effectués avant que soit réalisé le dernier paiement pour une opération (...) ". Aux termes de l'article 26 de ce même règlement : " Contenu des contrôles sur place 1. En effectuant les contrôles sur place, les États membres s'attachent à vérifier : a) que les demandes de paiement introduites par le bénéficiaire sont justifiées par des pièces comptables ou d'autres documents, y compris, le cas échéant, une vérification de l'exactitude des données de la demande de paiement sur la base de données ou de documents commerciaux détenus par des tiers ; b) pour un nombre adéquat de dépenses individuelles, que la nature et la date de réalisation de ces dépenses sont conformes aux dispositions de l'Union européenne, au cahier des charges approuvé de l'opération et aux travaux réellement exécutés ou aux services réellement fournis ; c) que la destination effective ou prévue de l'opération correspond aux objectifs décrits dans la demande d'aide; d) que les opérations faisant l'objet d'un financement public ont été mises en oeuvre conformément aux règles et aux politiques de l'Union, notamment aux règles relatives aux appels d'offres publics et aux normes obligatoires pertinentes fixées par la législation nationale ou dans le programme de développement rural. ".

18. Aux termes des dispositions du II de l'article 1er du décret du 24 novembre 2009 fixant les règles d'éligibilité des dépenses des programmes de développement rural : " Une dépense est éligible à une participation financière au titre d'un programme de développement rural (...) sous réserve du respect des conditions suivantes (...) : / b) L'opération a fait l'objet d'une demande d'aide, présentée préalablement à son commencement d'exécution (...) / Pour l'application du b, la date de commencement d'exécution d'une opération correspond à la date du premier acte juridique passé pour la réalisation du projet ou, à défaut, à la date de paiement de la première dépense. (...) " et, aux termes du I de l'article 5 de ce décret : " Sont regardées comme des dépenses réelles justifiées par les bénéficiaires les paiements justifiés soit par des factures acquittées, soit par des factures auxquelles sont jointes des pièces permettant de vérifier le paiement effectif aux créanciers, soit par des pièces comptables de valeur probante équivalente ".

19. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de contrôle effectué sur place, qu'une facture Somatrav n° 009/07/141 en date du 10 novembre 2009, d'un montant total de 8 272,04 euros, relative à des travaux de charpente métallique a été transmise à la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt pour le paiement du deuxième acompte, alors que l'original de la facture détenue par la société comporte la date du 30 juillet 2009, soit une date antérieure au dépôt, le 11 septembre 2009, de la demande de subvention par la société Le Jardin de Château-Gaillard.

20. Si la société requérante se prévaut d'une attestation de ce fournisseur Somatrav, au demeurant non datée, selon laquelle les travaux facturés auraient été exécutés le 10 novembre 2009, ladite attestation mentionne que cette facture a été acquittée par deux chèques n° 3892922 et n° 3892923, respectivement encaissés les 13 octobre 2009 et 10 novembre 2009. Toutefois, l'examen des relevés de compte fournis par la requérante révèle d'une part, que le chèque n° 3892922 est d'un montant de 7 000 euros et le chèque n° 3892923 d'un montant de 3 000 euros, ce qui ne correspond pas au montant de la facture litigieuse. D'autre part, ces deux chèques ont été encaissés les 6 octobre et 4 novembre 2009, antérieurement à la date alléguée d'exécution des travaux litigieux. La société Le jardin de Château-Gaillard ne fournit pas de bon de livraison ni aucune autre pièce permettant d'établir que les dépenses ont été engagées après la demande de subvention. Enfin, si la société soutient que la date du 30 juillet 2009 constitue une erreur, il est constant que cette erreur n'a pas été corrigée en comptabilité.

21. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la société requérante a présenté, pour le paiement du deuxième acompte, une facture Claie FC090137 du 26 novembre 2009, d'un montant total hors taxes de 62 417,38 euros, relative à une dépense de " fourniture pompe " pour un montant de 28 356,98 euros et une dépense " fourniture système cartographie des maladies " pour un montant de 34 060,40 euros. La visite sur place a cependant révélé qu'une facture Claie comportant le même numéro et la même date, et portant sur un montant identique de 62 417,38 euros était relative à des dépenses de formation et de main d'oeuvre, prestations non couvertes par la convention du 23 décembre 2009.

22. La société Le Jardin de Château-Gaillard soutient qu'il s'agit d'une erreur, que le fournisseur a omis de changer la dénomination exacte de la prestation réalisée demandée : un premier devis lui aurait été demandé pour réaliser une prestation de formation auprès des salariés, mais ce projet de formation aurait été abandonné faute de financement. Elle se prévaut, en outre, d'une attestation de la société Claie selon laquelle cette facture FC090137 correspond à la fourniture et l'installation d'une pompe et la prestation correspondant à l'intitulé " système de cartographie des maladies " correspond à la fourniture d'un logiciel et à son installation, et que ces matériels correspondent aux factures n° FC080512 et n° FC080499. Toutefois, d'autres pièces produites révèlent que, pour la phase de transit de matériels entre le continent et la Martinique, ces deux factures n° FC080512 et n° FC080499 portent sur des montants largement supérieurs à ceux portés sur la facture n° FC090137. Ainsi, aucune pièce produite n'est probante.

23. Dans ces conditions, l'administration n'a pu retenir à bon droit que la société Le Jardin de Château-Gaillard avait procédé à de fausses déclarations.

24. En deuxième lieu, la décision du 21 juillet 2016 retient que le tribunal administratif de la Martinique a, par un jugement du 12 mai 2016, rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 17 mars 2014 au motif que la SARL Le jardin de Château-Gaillard a délibérément manqué à ses engagements déclaratifs et que ce constat entraîne le remboursement des aides MAFF et FEADER d'un montant total de 209 762,11 euros. Si les requérants sont fondés à soutenir que le préfet a commis une erreur de fait en retenant également dans cette décision que la société n'avait pas relevé appel de ce jugement, il demeure que cette erreur, dont l'administration inférait uniquement qu'aucun recours administratifs ou contentieux ne pouvait plus être exercé contre la décision du 17 mars 2014, ne concerne qu'un motif surabondant de la décision du 21 juillet 2016 et est, par suite, sans incidence sur son bien-fondé. Le moyen tiré de l'erreur de fait est par conséquent inopérant.

25. En troisième lieu, par un arrêt n° 16BX02353 en date du 8 février 2019, devenu irrévocable le 21 novembre suivant, la cour a rejeté les conclusions de la société Le jardin de Château-Gaillard tendant à l'annulation de la décision du 17 mars 2014 par laquelle le préfet de la Martinique a prononcé la déchéance de ses droits relatifs à l'attribution d'une aide du fonds européen agricole pour le développement rural ont été rejetées. Cet arrêt était notamment motivé par le rejet des moyens tirés de l'incompétence du signataire de cet arrêté, de l'insuffisante motivation, de l'irrégularité de la procédure de contrôle du 6 juin 2013, des erreurs de fait et manifeste d'appréciation commises quant à l'existence de fausses déclarations et du caractère disproportionné de la sanction. Chacun de ces motifs étant le support nécessaire du dispositif de cet arrêt auquel s'attache l'autorité de la chose jugée, laquelle s'attache également à ses motifs. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision du 17 mars 2014, qui n'est au demeurant fondé sur aucun moyen autre que ceux déjà rejetés par l'arrêt du 8 février 2019 précité, doit donc être rejeté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la SARL Le Jardin de Château-Gaillard tendant à obtenir l'annulation de la décision du 21 juillet 2016 et de celle du 19 décembre 2016 portant rejet de son recours gracieux doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Le Jardin de Château-Gaillard devant le tribunal administratif de la Martinique et le surplus des conclusions présenté devant la cour est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Jardin de Château-Gaillard et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copies en seront adressées au ministre des outre-mer et au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... H..., présidente de la cour,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. G... F..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

La présidente,

Brigitte H...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 18BX00724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00724
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

15-08 Communautés européennes et Union européenne. Litiges relatifs au versement d`aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET LEXIA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-07-02;18bx00724 ?
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