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12/05/2020 | FRANCE | N°18BX00486

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 12 mai 2020, 18BX00486


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser une indemnité de 21 865 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2009 et capitalisation des intérêts, au titre du remboursement de l'indemnité versée aux consorts E..., de condamner le CHU de Toulouse à lui verser une somme de 3 281, 25 euros corre

spondant à l'application d'une pénalité de 15 % au titre de l'article L. 114...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser une indemnité de 21 865 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2009 et capitalisation des intérêts, au titre du remboursement de l'indemnité versée aux consorts E..., de condamner le CHU de Toulouse à lui verser une somme de 3 281, 25 euros correspondant à l'application d'une pénalité de 15 % au titre de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, et de mettre à la charge du CHU de Toulouse la somme de 1200 euros au titre du remboursement des frais d'expertise ainsi que la somme de 2 000 euros en application des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Lot, agissant pour le compte de la CPAM de l'Ariège, a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner

le CHU de Toulouse à lui verser la somme de 39 356,91 euros au titre des débours exposés en faveur de M. E... ainsi que la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire

de gestion, et de mettre à la charge du CHU de Toulouse la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503031 du 8 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse

a condamné le CHU de Toulouse à verser à l'ONIAM la somme de 21 800 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2009 et capitalisation des intérêts à compter

du 1er juillet 2015, ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre des frais d'expertise, a mis

à la charge du CHU de Toulouse une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés

par l'ONIAM et non compris dans les dépens, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 février 2018, 21 août 2018

et 28 janvier 2019, la CPAM du Lot, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 décembre 2017 du tribunal administratif de Toulouse

en tant qu'il a rejeté ses demandes ;

2°) de condamner le CHU de Toulouse à lui verser la somme de 22 442, 18 euros au titre de ses débours, avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2015, ainsi qu'une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme de 800 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Elle justifie, par les pièces versées en appel, du lien entre les débours dont elle sollicite le remboursement et l'infection nosocomiale dont M. E... a été victime ;

il résulte de l'attestation d'imputabilité établie en dernier lieu par son médecin-conseil que sa créance s'établit à 22 442, 18 euros en ne tenant compte que de 50 % des frais hospitaliers à partir du 15 juin 2015 ;

- Elle a sollicité le règlement de sa créance le 20 août 2015 ; les intérêts au taux légal courent donc à compter de cette date ;

- Elle a droit au versement d'une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un mémoire enregistré le 2 mai 2018, l'ONIAM, représenté par Me C..., conclut à la confirmation du jugement du 8 décembre 2017 du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il le concerne et à la mise à charge de " tout succombant " d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- M. E... a contracté une infection nosocomiale lors de l'intervention chirurgicale du 30 mai 2015 ; son décès est imputable à l'évolution de sa maladie et non à cette infection ; la réparation des préjudices liés à cette infection, tenant aux souffrances endurées et aux troubles dans les conditions d'existence de M. E..., incombe ainsi au CHU de Toulouse ;

- L'ONIAM ayant indemnisé les ayant-droits de la victime, les premiers juges ont ainsi accueilli à juste titre son action subrogatoire.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 mai 2018 et 21 septembre 2018,

le CHU de Toulouse, représentés par Me A..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de l'ONIAM et à la mise à la charge de la CPAM du Lot d'une somme de 1 500 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Les conclusions de l'ONIAM sont irrecevables dès lors que l'appel principal porte uniquement sur les droits de la CPAM ;

- Durant la période de prise en charge de son infection, M. E... était toujours traité pour son cancer ; le lien entre l'infection et le préjudice invoqué par la CPAM n'est dès lors pas démontré, l'état antérieur de M. E... ayant nécessité des soins ;

- La créance de la CPAM ne saurait excéder la somme totale de 22 442, 12 euros.

Par une ordonnance du 21 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 mars 2019 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... D...,

- les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant le CHU de Toulouse, et de Me H..., représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., atteint d'un cancer du poumon, a subi le 30 mai 2005 une intervention chirurgicale consistant en l'ablation de son poumon droit au centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, intervention au décours de laquelle il a contracté une infection nosocomiale. Le 9 avril 2008, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) a émis un avis favorable à l'indemnisation des préjudices subis par M. E... résultant de cette infection, et a invité l'assureur du centre hospitalier universitaire de Toulouse à présenter une offre d'indemnisation aux ayant-droits de M. E..., ce dernier étant décédé des suites de son cancer le 7 avril 2007. L'assureur du CHU de Toulouse n'ayant pas présenté d'offre d'indemnisation, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) s'est substitué à ce dernier sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Il a conclu le 28 mai 2009, avec les ayant-droits de M. E..., un protocole d'indemnisation des préjudices subis par ce dernier du fait de l'infection nosocomiale contractée au décours de l'intervention chirurgicale

du 30 mai 2005, et leur a versé les sommes mentionnées au protocole. Par un jugement

du 8 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse, estimant que le CHU de Toulouse était responsable, en application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, des préjudices subis par Richard E... du fait de l'infection nosocomiale contractée le 30 mai 2005, a condamné cet établissement de santé à verser à l'ONIAM, subrogé dans les droits de la victime en vertu de l'article L. 1142-15 du même code, la somme de 21 800 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre des frais d'expertise, et a mis à la charge du CHU de Toulouse une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'ONIAM et non compris dans les dépens. Par le même jugement, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions de la CPAM du Lot tendant au remboursement de ses débours et au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion. La CPAM du Lot relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Toulouse :

2. Devant la cour, l'ONIAM se borne à conclure à la confirmation du jugement attaqué, dont il ne relève ainsi pas appel. La fin de non-recevoir opposée par le CHU de Toulouse, tirée de ce que les conclusions de l'ONIAM soulèvent un litige distinct de l'appel principal formé par la CPAM du Lot, ne peut ainsi qu'être écartée.

Sur les droits de la CPAM du Lot :

En ce qui concerne les débours :

3. La CPAM du Lot produit, devant la cour, un état détaillé de ses débours

du 29 juin 2018 et une attestation d'imputabilité établie par un médecin-conseil

le 29 janvier 2018, rectifiée le 21 juin 2018, qui impute à l'infection nosocomiale en cause, d'une part, la totalité des frais hospitaliers exposés du 9 juin 2005 au 15 juin 2005, d'autre part, la moitié des frais hospitaliers exposés du 15 juin 2005 au 9 octobre 2006. Ce mode de détermination des dépenses liées à l'infection est conforme aux conclusions de l'expertise amiable du 5 mars 2008, et le CHU en admet d'ailleurs expressément la pertinence.

Dans ces conditions, la CPAM du Lot établit, devant la cour, avoir exposé, pour le compte

de M. E..., des frais hospitaliers en lien avec l'infection nosocomiale contractée le 30 mai 2005 pour un montant total de 22 442, 18 euros.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

4. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée ". L'arrêté du 27 décembre 2019 a fixé

à 1 091 euros le montant maximum de l'indemnité régie par ces dispositions.

5. La CPAM du Lot obtenant le remboursement, par le CHU de Toulouse, d'une somme de 22 442, 18 euros au titre des débours exposés au profit de M. E..., elle a droit,

en application des dispositions citées ci-dessus, à l'indemnité forfaitaire de gestion pour le montant de 1 091 euros.

En ce qui concerne les intérêts :

6. Ainsi qu'elle le demande, la CPAM du Lot a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 22 442, 18 euros à compter du 20 août 2015,

date d'enregistrement de sa demande tendant au remboursement de ses débours au greffe du tribunal administratif de Toulouse.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la CPAM du Lot est fondée à demander la condamnation du CHU de Toulouse à lui verser une somme de 22 442, 18 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 août 2015, au titre de ses débours, et une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et à solliciter, dans cette seule mesure, la réformation du jugement attaqué.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le CHU de Toulouse est condamné à verser à la CPAM du Lot une somme

de 22 442, 18 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 août 2015, au titre de ses débours, et une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 2 : Le jugement n° 1503031 du tribunal administratif de Toulouse du 8 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot, et à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 11 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme Anne Meyer, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mai 2020.

Le président de la 2ème chambre,

Catherine Girault

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00486
Date de la décision : 12/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Absence de faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : SELARL MONTAZEAU et CARA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-12;18bx00486 ?
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