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06/02/2020 | FRANCE | N°17BX03907

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 06 février 2020, 17BX03907


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Entreprise Routière du Grand Sud (ERGS), la société par actions simplifiée Enrobés Midi-Pyrénées (EMP), la société DDR et la société LD New Co et Me E..., en qualité de mandataire liquidateur, ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Verfeil à verser la somme de 3 479 066 euros à la société EMP, la somme de 785 131 euros à la société ERGS, la somme de 125 079 euros à la société DDR et la somme de 348 861 euros à la soci

été LD New Co ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Entreprise Routière du Grand Sud (ERGS), la société par actions simplifiée Enrobés Midi-Pyrénées (EMP), la société DDR et la société LD New Co et Me E..., en qualité de mandataire liquidateur, ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Verfeil à verser la somme de 3 479 066 euros à la société EMP, la somme de 785 131 euros à la société ERGS, la somme de 125 079 euros à la société DDR et la somme de 348 861 euros à la société LD New Co ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts à compter du 13 décembre 2013 au titre des préjudices qu'ils estimaient avoir subis à la suite de la modification du plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1401356 du 13 octobre 2017 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 décembre 2017, la société par actions simplifiée Entreprise Routière du Grand Sud (ERGS), la société par actions simplifiée Enrobés Midi-Pyrénées (EMP), la société DDR, la société LD New Co et Me E..., en qualité de mandataire liquidateur, représentées par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2017 ;

2°) de condamner la commune de Verfeil à verser la somme de 3 479 066 euros à la société EMP, la somme de 785 131 euros à la société ERGS, la somme de 125 079 euros à la société DDR et la somme de 348 861 euros à la société LD New Co ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts à compter du 13 décembre 2013.

3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de la commune de Verfeil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Ils soutiennent que :

- le jugement a omis de statuer sur le bien-fondé de leurs prétentions fondées sur les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la délibération du 25 mars 2009 approuvant la modification du PLU tendant à interdire l'activité d'enrobage à chaud au sein de la zone d'activité de la commune de Verfeil engage la responsabilité de la commune de Verfeil sur le fondement de la responsabilité sans faute, à raison de la rupture d'égalité devant les charges publiques ;

- cette même délibération, qui visait uniquement à leur interdire d'exploiter leur centrale d'enrobage à chaud est constitutive d'une faute de la commune ;

- l'intervention de cette délibération est de nature à engager la commune au titre des dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les préjudices dont elles demandent l'indemnisation sont anormaux et spéciaux ;

- ces préjudices sont imputables à la commune et non à la décision du Conseil d'Etat en date du 22 février 2016 ainsi que l'ont relevé les premiers juges ; l'annulation de l'autorisation d'exploitation par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 juillet 2016 résulte de cette même faute dès lors que la perte de capacités financières est la conséquence de la cessation d'activité elle-même consécutive à l'annulation de l'autorisation d'exploiter.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mars 2019, la commune de Verfeil, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- sa responsabilité pour faute ou sans faute ne saurait être engagée ;

- les préjudices invoqués ne sont ni réparables, ni anormaux ni spéciaux ;

- le quantum du préjudice n'est pas établi ;

- les sociétés se sont exposées à des risques dès lors qu'elles ont présenté un dossier erroné pour bénéficier d'une autorisation d'exploitation ; la société ERGS a commencé à exploiter l'installation alors que son autorisation a fait l'objet d'un recours contentieux immédiat ; la commune a proposé plusieurs fois à la société ERGS de lui fournir des terrains pour déménager son exploitation.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1er protocole additionnel à la convention ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... C...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la SAS ERGS et autres et les observations de Me B..., représentant la commune de Verfeil.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Haute-Garonne a délivré le 3 août 2007 à la société Entreprise routière du grand sud (ERGS) l'autorisation d'exploiter une centrale d'enrobage à chaud dans la zone d'activités de Piossane III à Verfeil où, en vertu du plan local d'urbanisme alors en vigueur, l'implantation d'installations classées pour la protection de l'environnement était autorisée. Le 25 mars 2009, le conseil municipal de cette commune a approuvé une modification du document d'urbanisme interdisant désormais dans ce secteur les installations classées comportant une activité de fabrication et de transformation et toute installation connexe. Un arrêt de la cour du 19 février 2013 a confirmé le jugement du 28 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse avait annulé l'autorisation d'exploiter du 3 aout 2007. Par une décision du 22 février 2016, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt en tant qu'il se prononçait sur la légalité de l'autorisation d'exploiter et a renvoyé l'affaire devant la cour dans cette mesure. Par un arrêt n° 16BX00829 du 12 juillet 2016 devenu irrévocable, la cour a rejeté la requête des société ERGS et Piossane III et a confirmé à nouveau le jugement annulant l'autorisation d'exploiter du 3 août 2007.

2. Les appelants ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Verfeil à verser la somme de 3 479 066 euros à la société EMP, la somme de 785 131 euros à la société ERGS, la somme de 125 079 euros à la société DDR et la somme de 348 861 euros à la société LD New Co au titre des préjudices qu'elles estimaient avoir subis à la suite de la modification du plan local d'urbanisme de cette commune approuvée par délibération du 25 mars 2009. Ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces conclusions.

Sur la régularité du jugement :

3. Les requérants ont demandé la condamnation de la commune de Verfeil à les indemniser au titre de la responsabilité sans faute de la commune, de la responsabilité pour faute de cette dernière et au titre de la violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Au point 3 du jugement critiqué, les premiers juges ont exclu tout lien de causalité entre la modification du plan local d'urbanisme de la commune de Verfeil approuvée par la délibération du 25 mars 2009 et les préjudices invoqués par les requérants. Dans ces conditions, ils n'avaient pas à se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'absence de toute atteinte aux biens des requérants imputable à la commune.

Sur la responsabilité de la commune de Verfeil :

5. En vertu du premier alinéa de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le règlement et les documents graphiques du plan local d'urbanisme sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions (...), pour la création de lotissements et l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan ". Le juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement, eu égard à son office, fait en principe application du plan local d'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle il statue. Il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme que le plan local d'urbanisme est opposable aux seules autorisations d'ouverture d'installations classées accordées postérieurement à l'adoption du plan. Il résulte de l'intention du législateur que lorsque, postérieurement à la délivrance d'une autorisation d'ouverture, les prescriptions du plan évoluent dans un sens défavorable au projet, elles ne sont pas opposables à l'arrêté autorisant l'exploitation de l'installation classée.

6. Il résulte de ce qui précède que l'approbation du nouveau plan local d'urbanisme de la commune le 25 mars 2009 n'a eu par elle-même aucune incidence sur la légalité de l'autorisation accordée à la société ERGS d'exploiter son installation classée. En l'absence de lien direct et certain entre l'acte sur le fondement duquel ces sociétés demandent l'engagement de la responsabilité pour faute et sans faute de la commune et les préjudices invoqués, il y a lieu de rejeter les conclusions des sociétés requérantes, y inclus celles tendant à engager la responsabilité de la commune pour méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

8. La commune de Verfeil n'étant pas la partie perdante, les conclusions susvisées de la société ERGS et autres doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme globale de 1 500 euros à la charge des requérants au titre des frais exposés par la commune de Verfeil et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société ERGS et autres est rejetée.

Article 2 : La société ERGS et autres verseront la somme globale de 1 500 euros à la commune de Verfeil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me E..., mandataire liquidateur de la SAS ERGS, de la SAS EMP, de la société DDR et de la société LD New Co, et à la commune de Verfeil.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. F... C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 février 2020.

Le rapporteur,

Stéphane C... Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03907


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX03907
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-06;17bx03907 ?
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