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04/11/2019 | FRANCE | N°19BX01319

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 novembre 2019, 19BX01319


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour du 30 mars 2015 et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et de travail, et à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision, avec délivrance, dans l'intervalle, sous astreinte, d'une autorisation provisoire de séjour et de travail.

Par

un jugement n° 1601172 du 9 août 2018, le tribunal administratif de Limoges a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour du 30 mars 2015 et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et de travail, et à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision, avec délivrance, dans l'intervalle, sous astreinte, d'une autorisation provisoire de séjour et de travail.

Par un jugement n° 1601172 du 9 août 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 août 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour du 30 mars 2015 ;

3°) subsidiairement, d'annuler la décision du 18 décembre 2015 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et de travail, et à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision, avec délivrance, dans l'intervalle, sous astreinte de 100 euros par jour passé le délai d'un mois, d'une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les somme de 1 920 et de 2 400 euros au titre des frais irrépétibles.

Il soutient que :

- les premiers juges ont, à tort, substitué une décision qui serait contenue dans le courrier du 18 décembre 2015 à la décision implicite contestée, en violation du contradictoire, puisque cette substitution d'office de décision par les juges n'a jamais été communiquée au requérant, qui n'a d'ailleurs découvert ce courrier du 18 décembre que par communication tardive, postérieure à la clôture ; ils ont ainsi motivé a posteriori une décision qui ne l'était pas ; ce faisant, ils ont procédé non seulement à une substitution de base légale, mais également à une substitution de motifs, qui n'ont jamais été sollicitées par l'administration ; le motif ainsi substitué d'office par le tribunal, à savoir une prétendue incomplétude de son dossier, l'a privé d'une garantie, à savoir l'examen de son dossier complet, puisque l'administration ne pouvait rendre une décision explicite qu'après avoir invité le demandeur du titre de séjour à compléter son dossier ;

- sa présence en France d'une durée de 10 ans a été contestée d'office par le juge, sans qu'il motive cette appréciation ;

- la décision implicite est entachée d'un défaut de motivation ;

- la commission du titre de séjour n'a pas rendu d'avis, puisqu'elle n'a pas été saisie, ni au titre de l'article L. 312-2, ni L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui entache le refus de séjour d'un vice de forme ;

- le préfet a violé l'article 3 de l'accord franco-tunisien et l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en n'instruisant pas sa demande et en lui opposant un refus alors que l'administration ne peut légalement se fonder sur l'absence d'éléments qui n'ont jamais été sollicités ; le préfet a commis une erreur d'appréciation de sa demande en tant que salarié ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- à titre subsidiaire, la décision contenue dans le courrier du 18 décembre 2015 est illégale, pour les mêmes motifs que ceux déjà invoqués à l'encontre de la décision implicite contestée ; en outre, le préfet a commis une erreur de droit et de fait sur sa compétence territoriale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut à l'irrecevabilité de la requête.

Il fait valoir qu'il a répondu à la demande de communication de motifs de l'intéressé par courrier du 18 décembre 2015 ; ce courrier est informatif et ne saurait être regardé comme un acte faisant grief à l'intéressé ; en effet, il ne s'agit pas d'un rejet de sa demande, mais d'un refus de se reconnaître territorialement compétent ; la transmission matérielle du dossier de M. E... à l'autorité compétente n'a pu être effectuée, celui-ci n'ayant pas communiqué son adresse ; selon la jurisprudence, le refus d'enregistrer une demande de titre de séjour à l'appui de laquelle est présentée un dossier incomplet ne constitue pas une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; en l'espèce, il a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer que les documents fournis ne pouvaient être regardés comme justifiant de manière probante du domicile de l'intéressé à la date de sa demande ; au total, il n'existe pas de décision de refus sur le fond, mais une simple déclaration d'incompétence.

Par une ordonnance du 14 juin 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 29 juillet 2019 à 12h.

Un mémoire pour M. E... a été enregistré le 29 juillet 2019 à 12h15.

L'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. E... par décision du 31 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail, fait à Paris le 17 mars 1988, modifié par l'avenant signé à Paris le 19 décembre 1991, et l'avenant fait à Tunis le 8 septembre 2000, approuvé par la loi n° 2002-1304 du 29 octobre 2002 et publié par le décret n° 2003-976 du 8 octobre 2003 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E..., ressortissant tunisien né en avril 1975, est entré en France, selon ses déclarations en avril 2003. Par courrier du 30 mars 2015, il a demandé au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour et de travail, en invoquant l'existence d'une promesse d'embauche et en fondant sa demande sur les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et les dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 août 2018, qui a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision de refus qui aurait été opposée à sa demande de titre de séjour par le préfet de la Haute-Vienne.

Sur la recevabilité de la demande de M. E... :

2. M. E... a contesté, devant les premiers juges, une décision implicite de refus qui aurait été opposée à sa demande de titre de séjour. Ceux-ci, par le jugement attaqué, ont considéré que le courrier du 18 décembre 2015 du préfet de la Haute-Vienne à M. E... constituait une décision explicite de refus et que par suite, celle-ci se substituant à la décision implicite attaquée, M. E... devait être regardé comme dirigeant ses conclusions d'annulation contre la décision du 18 décembre 2015.

3. Cependant, par ce courrier, le préfet relève que, alors que l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que les demandeurs de titre de séjour doivent produire à l'appui de leur demande, un justificatif de domicile mentionnant l'adresse où ils résident habituellement, l'enquête de domiciliation réalisée par le service régional de renseignement territorial du Limousin, dont il produit le rapport en date du 8 août 2015, rapporte que M. E... n'a pu être localisé à l'adresse qu'il avait indiqué. Le préfet en conclut que rien n'établissant que l'intéressé réside effectivement dans le département de la Haute-Vienne, faute de la production de tout justificatif en ce sens, il ne s'estime pas compétent et se refuse à statuer sur la demande de titre de séjour en cause.

4. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, faute de connaître le lieu de résidence effectif du demandeur, le préfet ne peut être regardé comme " ayant omis de transmettre la demande de M. E... auprès de l'autorité préfectorale compétente ". Par suite, ce courrier, quand bien même comporte-t-il une mention erronée relative aux délais et voies de recours à son encontre, ne peut être regardé comme une décision, mais comme une simple mesure d'instruction de son dossier, l'informant de que celui-ci n'est pas complet et l'invitant implicitement à le compléter en produisant la justification de domicile exigée par l'article R. 313-1 précité. Dans ces conditions, faute de décision, qu'elle soit implicite ou explicite, faisant grief en réponse à la demande de titre de séjour formée par M. E..., il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Vienne à la demande de première instance de l'intéressé et d'annuler, pour ce motif, le jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 août 2018.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Limoges, tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour qui lui aurait été opposée, doit être rejetée comme irrecevable. Par voie de conséquence du rejet de ses conclusions à fin d'annulation, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. A supposer que M. E... ait entendu invoquer le bénéfice de ces dispositions, elles font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes qui sont demandées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1601172 du 9 août 2018 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Limoges et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... E.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme C... B..., présidente-assesseure,

Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.

Le rapporteur,

F...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX01319 5


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 04/11/2019
Date de l'import : 12/11/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX01319
Numéro NOR : CETATEXT000039335643 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-04;19bx01319 ?
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