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04/11/2019 | FRANCE | N°19BX01304

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 novembre 2019, 19BX01304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 8 août 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1804543 du 8 mars 2019, le magistrat désigné par le président du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 8 août 2018 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 1804543 du 8 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2019, Mme B..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du préfet de la Haute-Garonne du 8 août 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me F..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- il est entaché d'un défaut de motivation au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que d'un défaut de respect du contradictoire au sens de l'article L. 121-1 du même code ;

- il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ; le père de son fils l'a bien reconnu avant sa naissance et l'acte de naissance de celui-ci a été rectifié avant l'édiction de l'arrêté contesté ; elle est donc bien mère d'un enfant français ; dès lors que l'enfant vit avec elle, sa résidence ayant été fixée au domicile de sa mère, et qu'elle s'en occupe quasiment seule, elle participe évidemment à son entretien et à son éducation ; le préfet a donc également commis une erreur de droit au regard de l'article L. 313-11-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les articles 3 et 9 de la convention de New York ;

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, ainsi que d'un défaut de respect du contradictoire au sens de l'article L. 121-1 du même code, l'administration ne l'ayant pas sollicité pour qu'elle présente ses observations avant l'édiction de la mesure ;

- elle est également contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne le refus d'un délai de départ supérieur à 30 jours :

- ce refus est entaché d'un défaut de motivation au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; cette décision aurait dû faire l'objet d'une demande préalable d'observations ;

- le préfet s'est placé en situation de compétence liée en n'examinant pas la possibilité d'octroyer un délai de départ supérieur à 30 jours ; il n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation et a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :

- cette décision est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés ; en particulier, à la date d'édiction de son arrêté, elle n'avait présenté aucun justificatif de la nationalité française de son enfant.

Par une ordonnance en date du 16 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 août 2019.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnel du 13 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante marocaine née le 1er juin 1993 à Casablanca, est entrée irrégulièrement en France le 25 août 2005. Elle a obtenu un premier titre de séjour pour une durée d'un an à compter du 12 mars 2015 en conséquence du mariage qu'elle avait contracté en septembre 2014 avec un ressortissant français. Elle a déposé une requête en divorce le 29 février 2016. Cependant, le 22 juin 2016, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en sa qualité de conjointe de ressortissant français sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 8 août 2018, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 8 mars 2019, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision en date du 13 juin 2019, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme G.... Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".

4. Comme l'ont relevé les premiers juges, le document de demande de titre de séjour daté du 2 mai 2016, produit par l'administration, atteste de ce que la requérante a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en sa qualité de conjointe de ressortissant français et non pas sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, si le préfet n'était pas tenu d'examiner sa demande à l'aune de ces dispositions, il ressort de la décision attaquée que ce dernier a spontanément examiné la possibilité d'un droit au séjour de Mme B... en sa qualité de parent d'enfant français. Par suite, le moyen tiré d'une violation du 6° de l'article L. 313-11 de ce code est opérant.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces produites en appel par Mme B..., d'une part, que la filiation du petit Noé avec un ressortissant français doit être regardée comme établie, sur le fondement de l'acte de naissance rectificatif établi le 12 septembre 2018 sur instructions du procureur de la République de Toulouse, à la suite de la reconnaissance de paternité effectuée par M. D... avant même la naissance de l'enfant, paternité d'ailleurs corroborée par les résultats d'un rapport d'expertise génétique ordonné par le TGI de Toulouse et rendu le 5 décembre 2018. Par suite, Mme B... est la mère d'un enfant de nationalité française. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier, et notamment des écritures tant du père que de la mère de l'enfant devant la chambre du conseil du TGI de Toulouse que l'enfant a, depuis sa naissance, toujours vécu avec sa mère, son père demandant d'ailleurs le maintien de la résidence chez la mère mais sollicitant un droit de visite progressif et demandant que la pension alimentaire soit fixée à 150 euros mensuels. Ainsi, Mme B... doit être regardée comme ayant toujours, depuis la naissance de l'enfant, contribué à son entretien et à son éducation. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir qu'en lui ayant refusé un titre de séjour " vie privée et familiale ", le préfet de la Haute-Garonne avait méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander l'annulation de ce refus de séjour.

6. L'annulation du refus de séjour opposé à Mme B... implique que soient également annulées les autres mesures contenues dans l'arrêté du 8 août 2018, à savoir les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté pris à son encontre le 8 août 2018 par le préfet de la Haute-Garonne.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Le motif d'annulation retenu par le présent arrêt implique que le préfet de la Haute-Garonne délivre à Mme B... un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait cependant lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au titre de ces dispositions, le versement d'une somme de 1 500 euros au conseil de la requérante, sous réserve que ledit conseil renonce à la part contributive de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le jugement n° 1804543 du 8 mars 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : L'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 8 août 2018 est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme B... un titre de- séjour " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Il est mis à la charge de l'Etat, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros au profit de Me F..., sous réserve que ledit conseil renonce à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme A... B... et à Me F.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme E... C..., présidente-assesseure,

Mme H..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.

Le rapporteur,

H...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX01304


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : GAILLOT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 04/11/2019
Date de l'import : 12/11/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX01304
Numéro NOR : CETATEXT000039335641 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-04;19bx01304 ?
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