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04/11/2019 | FRANCE | N°18BX04089

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 novembre 2019, 18BX04089


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 juin 2018 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801614 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2018, M. B... repr

ésenté par Me C..., demande à la cour:

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 juin 2018 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801614 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2018, M. B... représenté par Me C..., demande à la cour:

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 octobre 2018;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 18 juin 2018 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an dans un délai de quinze jours à compter de la notification du l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Vienne de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu plus de trois mois après la transmission des éléments médicaux le concernant en méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la date de transmission de cet avis au préfet n'est pas connue et que ce dernier a rendu sa décision le 18 juin, soit cinq mois après l'intervention de l'avis du collège de médecin le 14 janvier 2018;

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors que l'avis du collège de médecins ne se prononce pas sur l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; en particuliers, le préfet ne s'est pas prononcé dans son arrêté sur l'offre de soin en Géorgie et les conséquences d'une interruption du traitement, sans apporter aucun élément de preuve et alors que l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne s'était pas prononcé sur ces points ;

- il n'a pas eu communication de l'avis du collège de médecins avant l'édiction de l'arrêté, de sorte qu'il n'a pas pu apporter d'éléments complémentaires ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, dès lors que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation et méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de son état de santé, dès lors qu'il fait l'objet d'un traitement médical avec prescription de Subutex et d'un suivi psychologique et que les soins dont il a besoin ne sont pas disponibles dans son pays d'origine ; en outre il justifie de circonstances humanitaires exceptionnelles lui permettant d'obtenir un titre de séjour ;

- la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi sont illégales en ce qu'elles méconnaissent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2019, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2019 à midi.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien, né le 29 août 1987, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 10 janvier 2016. Sa demande d'asile ayant été rejetée par une décision du 24 mars 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, confirmée par une décision du 4 juillet 2016 de la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de la Vienne a édicté à son encontre un arrêté portant refus de titre de séjour le 18 avril 2017, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Poitiers par un jugement en date du 16 janvier 2018. Le 13 juillet 2017, M. B... a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Il relève appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2018 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté vise les textes applicables à la situation M. B..., et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application. Il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à ses conditions d'entrée en France et ses diverses demandes de titre séjour ainsi que l'ensemble des considérations de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour lui refuser le titre de séjour qu'il sollicitait en raison de son état de santé. Le préfet a notamment précisé les éléments particuliers de sa situation. En outre, la circonstance invoquée par l'intéressé selon laquelle le préfet se serait prononcé dans son arrêté sur l'offre de soin en Géorgie et les conséquences d'une interruption du traitement, sans apporter aucun élément de preuve et alors que l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne s'était pas prononcé sur ces points, est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation du refus de titre de séjour doit être écarté.

3. En deuxième lieu, si M. B... fait valoir que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne lui a pas été communiqué, ni le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016, ni aucun autre texte, ne prévoit la communication à l'intéressé de cet avis, lequel a par ailleurs été versé au dossier par le préfet.

4. En troisième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". En application des dispositions de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. " Enfin les dispositions de l'article R. 313-23 du même code prévoient que : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrit au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

5. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ". L'article 8 dispose : " L'avis du collège est transmis, sans délai, au préfet, sous couvert du directeur général de l'office ".

6. D'une part, si les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'avis du collège de médecins est rendu dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux adéquats, le respect de ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité. En outre, le dossier de M. B... ayant été considéré comme recevable le 12 octobre 2017, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que l'avis émis le 14 janvier 2018 suivant n'aurait pas été rendu dans un délai raisonnable.

7. D'autre part, si les conditions de transmission de l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne ressortent pas des pièces du dossier, le requérant n'établit pas, en tout état de cause, qu'un éventuel vice dans cette procédure, prévue à l'article 8 de l'arrêté du 27 décembre 2016, aurait pu influencer le sens de la décision contestée ou l'aurait privé d'une garantie.

8. Enfin, si M. B... soutient que le délai qui s'est écoulé entre l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 janvier 2018 et l'arrêté du préfet de la Vienne du 18 juin 2018 est excessif et entache d'un vice de procédure la décision en litige, ni les dispositions précitées, qui ont pour objet de permettre au préfet, auquel il incombe de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen de la demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions rappelées ci-dessus du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de disposer d'une information complète sur l'état de santé d'un étranger malade, ni aucune autre ne restreignent la validité de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à une durée quelconque sous peine de caducité ou de nullité. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait fait état d'éléments nouveaux, relatifs notamment à son état de santé, qui auraient pu justifier un nouvel examen de son dossier par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, la circonstance que l'arrêté litigieux se fonde sur un avis ancien de plus de cinq mois est sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour.

9. En quatrième lieu, selon l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 janvier 2018, l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Si, comme le soutient l'appelant, l'avis émis par le collège de médecins ne se prononce pas sur l'existence du traitement requis par son état de santé dans son pays d'origine comme le prévoit l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas tenu de le faire lorsque, comme en l'espèce, le collège estime que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

10. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... fait l'objet d'un traitement médical avec prescription de Subutex et d'un suivi psychologique. Pour infirmer les conclusions de l'avis du collège de médecins mentionnées au point 9, il soutient d'une part que ce traitement de substitution n'est pas disponible en Géorgie, certaines de ses molécules étant classées dans la catégorie des produits stupéfiants et d'autre que le système de santé géorgien est particulièrement précaire et il produit à l'appui de ces allégations un certificat du Docteur Cantin en date du 5 mai 2017, attestant le suivre mensuellement depuis le 29 juillet 2019, des ordonnances médicales, un extrait statistique mondial de l'OMS et un extrait du site de l'ambassade de France en Géorgie. Toutefois aucun de ces documents ne détaille les conséquences induites par un défaut de prise en charge médicale, ni même ne se prononce sur la disponibilité de son traitement dans son pays d'origine. Dans ces conditions et alors que M. B... n'a invoqué, à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, aucune circonstance humanitaire exceptionnelle, les éléments qu'il produit ne permettent pas d'infirmer les conclusions de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité le préfet de la Vienne n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Pour l'application de ces dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

13. M. B... se prévaut de ce qu'il est entré en France en 2016 avec son épouse, qu'ils sont bien intégrés sur le territoire national, qu'il fait l'objet d'un traitement médical avec prescription de Subutex qui n'est pas disponible en Géorgie et qu'il fait également l'objet d'un suivi psychologique. Toutefois il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui est entré irrégulièrement en France, n'a été autorisé à y séjourner temporairement que le temps de l'examen de sa demande d'asile. Il est constant que son épouse est également en situation irrégulière. En faisant valoir qu'il est compagnon d'Emmaüs, que sa femme participe aux activités d'Emmaüs et qu'ils suivent des cours de français, il ne justifie pas d'une insertion particulière en France où la durée de son séjour est peu significative eu égard au temps passé dans son pays d'origine. M. B... ne démontre pas, ni même n'allègue, être totalement dépourvue d'attaches familiales en Géorgie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans. En outre, il n'est pas démontré, ainsi qu'il a été dit au point 10, que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé serait susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ni qu'un traitement serait indisponible en Géorgie. Si M. B... fait par ailleurs état de ce qu'ils font l'objet avec son épouse d'un suivi par le CHU de Poitiers dans le cadre d'un protocole d'aide médicale à la procréation, dont la décision litigieuse compromet les chances de réussite, il n'est pas établi que l'interruption de ce traitement, à le supposer encore en cours à la date de l'arrêté, serait de nature à compromettre gravement leurs chances de succès de procréer ou qu'ils ne pourraient bénéficier d'un même traitement dans leur pays d'origine. Enfin si l'appelant produit en appel des documents, datés de novembre 2018, attestant que son épouse fait l'objet d'un suivi psychologique auprès du CMP de Laborit de Châtellerault et suit un traitement à base de Bromazepam et de Stertraline, ces éléments, postérieurs à la décision contestée, sont sans incidence sur sa légalité. Dès lors, en l'absence de toutes circonstances mettant les époux dans l'impossibilité de poursuivre leur vie familiale dans leur pays d'origine et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de titre de séjour opposée à M. B... n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit qu'elle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, ladite décision ne saurait davantage être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

14. En dernier lieu, le préfet n'est tenu, en application des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour, et non de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet de la Vienne n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en l'obligeant à quitter le territoire français.

16. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français qui ne fixe pas le pays de destination.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

17. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs énoncés au point 13.

18. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". En vertu de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

19. Si M. B... soutient qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie, il résulte de ce qui précède qu'il ne l'établit pas. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la désignation de la Géorgie comme pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vienne du 18 juin 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme Karine Butéri, président assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.

Le rapporteur,

D...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX04089 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04089
Date de la décision : 04/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : BONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-04;18bx04089 ?
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