La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2019 | FRANCE | N°18BX04028

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 novembre 2019, 18BX04028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 21 août 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1801933 du 25 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté et a prescrit au préfet des Pyrénée

s-Atlantiques de faire supprimer, dans un délai d'un mois à compter de la notification du j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 21 août 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1801933 du 25 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté et a prescrit au préfet des Pyrénées-Atlantiques de faire supprimer, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, le signalement aux fins de non-admission de l'intéressé dans le système d'information Schengen.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2018, et une pièce, enregistrée le 3 juin 2019, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande à la cour d'annuler, en toutes ses dispositions, ce jugement du tribunal administratif de Pau du 25 octobre 2018 et de rejeter la demande présentée par M. A....

Il soutient que :

- au moment où la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai a été prise à l'encontre de M. A..., le jour de son interpellation le 21 août 2018, il ne disposait pas des informations utiles permettant d'établir que l'intéressé avait déposé une demande d'asile auprès de ces autorités, le centre de coopération policière et douanière de Modane ayant notamment indiqué que M. A... était inconnu judiciairement et administrativement des autorités italiennes ; la situation de l'intéressé relevait donc bien du champs d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision litigieuse s'imposait au regard de la situation de M. A... qui ne pouvait justifier être entré régulièrement en France, où il n'a jamais demandé la régularisation de sa situation administrative ; dès le lundi 22 aout 2018, ses empreintes de l'intéressé ont été transmises pour comparaison avec le fichier Eurodac et une demande de réadmission a été déposée auprès des autorités italiennes ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant ivoirien, né le 6 octobre 1998, a été interpelé le 21 août 2018 dépourvu de tout justificatif d'entrée régulière sur le territoire français par les services de gendarmerie départementale des Pyrénées-Atlantiques. Il a déclaré, lors de son audition qui été effectuée le même jour, avoir été reçu par les autorités italiennes qui auraient relevé ses empreintes digitales. Par un arrêté du 21 août 2018, le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant un an. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques relève appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 21 août 2018 portant éloignement sans délai vers le pays de destination :

2. Il résulte des dispositions des articles L. 51-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre.

3. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. En effet, les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dès lors, lorsqu'en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises mais de celles d'un autre Etat, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de cet article L. 742-3.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a, au cours de son audition par les services de gendarmerie, indiqué avoir transité par l'Italie où ses empreintes ont été relevées. Le préfet fait valoir qu'au moment où la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai a été prise à l'encontre de M. A..., le jour de son interpellation le 21 août 2018, il ne disposait pas des informations utiles permettant d'établir que celui-ci avait déposé une demande d'asile auprès des autorités italiennes, que notamment le centre de coopération policière et douanière de Modane avait indiqué que M. A... était inconnu judiciairement et administrativement des autorités italiennes et qu'ainsi la situation de l'intéressé relevait donc bien du champs d'application de dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne pouvait justifier être entré régulièrement en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet n'a entrepris de vérifier les déclarations de M. A... concernant sa situation en Italie, que le 22 août 2018 soit postérieurement à la mesure d'éloignement contestée, en consultant le fichier Eurodac et en saisissant les autorités italiennes d'une demande de réadmission. En outre, il ressort de ces démarches que l'Italie a accepté de reprendre en charge M. A.... Par suite, la situation de M. A... n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais dans celui des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français comme étant entachée d'erreur de droit ainsi, que par voie de conséquence, les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé son arrêté du 21 août 2018 portant éloignement sans délai de M. A... vers son pays d'origine en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet des Pyrénées-Atlantiques est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme Karine Butéri, président assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.

Le rapporteur,

C...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX04028 2

1


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 04/11/2019
Date de l'import : 12/11/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18BX04028
Numéro NOR : CETATEXT000039335621 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-04;18bx04028 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award