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17/10/2019 | FRANCE | N°17BX02951

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 octobre 2019, 17BX02951


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part d'annuler l'arrêté du 27 mai 2014 par lequel le maire de Montauban a prononcé son licenciement à titre de sanction disciplinaire et d'enjoindre à la commune de Montauban de la réintégrer dans ses fonctions jusqu'au terme de son contrat en cours, d'autre part de condamner la commune de Montauban à lui payer la somme de 81 690 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2014 et de leur capitalisation, en ré

paration des préjudices subis du fait de l'illégalité de son licenciement .
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... G... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part d'annuler l'arrêté du 27 mai 2014 par lequel le maire de Montauban a prononcé son licenciement à titre de sanction disciplinaire et d'enjoindre à la commune de Montauban de la réintégrer dans ses fonctions jusqu'au terme de son contrat en cours, d'autre part de condamner la commune de Montauban à lui payer la somme de 81 690 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2014 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de son licenciement .

Par un jugement n° 1403449, 1404630 du 28 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du maire de Montauban en date du 27 mai 2014, mis à la charge de la commune de Montauban une somme de 1 500 euros en réparation des préjudices subis, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2014 et les intérêts étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter du 23 juillet 2015, et rejeté le surplus des demandes de l'intéressée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 28 août 2017 et 18 avril 2019, Mme G..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 juin 2017 en tant qu'il a limité l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 1 500 euros ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Montauban les sommes de 16 315 euros correspondant aux pertes de salaires et primes directement liées à son licenciement, de 20 000 euros au titre des autres préjudices financiers subis et de 25 000 euros au titre de son préjudice moral, sommes assorties des intérêts légaux, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montauban le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif ne pouvait légalement moduler l'indemnisation due en prenant en compte les fautes commises, lesquelles n'étaient pas de nature à justifier un licenciement ;

- entre le 1er avril 2014 et le 31 décembre 2014, elle a subi, du fait de son licenciement illégal, une perte de salaire qui doit être fixée à 2 860 euros ;

- la mesure de licenciement dont elle a fait l'objet, compte tenu de son motif, l'a empêchée de trouver du travail dans la région de Montauban et la contrainte de vendre sa maison à un prix inférieur à son prix d'achat, ce qui a occasionné un préjudice financier qui doit être évalué à 20 000 euros ;

- le préjudice ayant résulté des pertes de salaires doit être fixé à 3 576 euros pour la période allant du 17 novembre 2014 au 31 juillet 2015, à 5 207 euros pour la période allant du 1er août 2015 et le 29 février 2016 et à 2 460 euros pour la période allant du 1er mars 2016 au 31 décembre 2016 ;

- si son contrat de travail auprès de la commune de Montauban avait été mené à on terme, elle aurait perçu une prime annuelle de 880 euros durant trois années ; le préjudice subi à ce titre doit être fixé à 2 212 euros ;

- elle peut enfin prétendre à une somme de 25 000 euros au titre du préjudice moral occasionné par la décision illégale de licenciement dont elle a fait l'objet et non, comme l'a jugé le tribunal administratif, de 1 500 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, la commune de Montauban conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme G... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'aucune des demandes indemnitaires formées par l'appelante n'est fondée.

Par ordonnance du 25 avril 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 juin 2019 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... E...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me D... , représentant Mme G..., et de Me F..., représentant la commune de Montauban.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... a été employée par la commune de Montauban, à compter du 16 octobre 2010, par des contrats à durée déterminée successifs, d'abord en qualité de chargée de recrutement puis, à compter du 4 novembre 2011, en qualité de responsable du service de recrutement à la direction des ressources humaines de cette collectivité. Elle était titulaire, à la date de la mesure de licenciement en litige, d'un contrat de travail conclu le 28 novembre 2013, pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2014. Par un arrêté du 27 mai 2014, le maire de Montauban a prononcé son licenciement à titre de sanction disciplinaire, avec effet à compter du 26 juin 2014. Par un jugement du 28 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette mesure de licenciement et fixé l'indemnité due à Mme G... au titre de cette décision illégale à la somme de 1 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2014 et de la capitalisation des intérêts à compter du 23 juillet 2015. Mme G... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes au titre de la réparation des préjudices ayant résulté de la décision de licenciement illégale dont elle a fait l'objet. Elle demande par ailleurs à la cour de mettre à la charge de la commune de Montauban les sommes de 16 315 euros au titre des pertes de salaires et de primes, de 20 000 euros au titre de ses autres préjudices financiers et de 25 000 euros au titre de son préjudice moral.

Sur la mesure de licenciement prononcée par l'arrêté du 27 mai 2014 :

2. Par l'article 1er de son jugement n° 1403449,1404630 du 28 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé pour excès de pouvoir la décision de licenciement du 27 mai 2014. En l'absence de contestation de la commune sur ce point, l'annulation de la sanction de licenciement infligée à Mme G... ainsi prononcée par le tribunal administratif de Toulouse, au motif de son caractère manifestement disproportionné, est revêtue de l'autorité de la chose jugée.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration. Le juge n'est, en revanche, jamais tenu, pour apprécier l'existence ou l'étendue des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l'illégalité de la sanction, de rechercher la sanction qui aurait pu être légalement prise par l'administration.

4. Le licenciement litigieux a été annulé en raison du caractère disproportionné de la sanction par rapport à la faute commise par Mme G.... Il résulte à cet égard de l'instruction que l'intéressée a consulté le dossier numérique d'un agent soumis à une procédure disciplinaire alors qu'elle ne disposait pas de l'habilitation pour ce faire, prévue par le décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique. Un tel comportement, de la part d'un agent qui ne pouvait ignorer le caractère sensible de ces informations et la stricte obligation de confidentialité qui s'y attache, est fautif et de nature à justifier une sanction disciplinaire.

5. Pour l'évaluation du préjudice ayant résulté directement de la décision de licenciement en litige, il convient tout d'abord de prendre en compte, au titre de la perte de revenus subie par Mme G... du 26 juin 2014 au 31 décembre 2016, date de l'arrivée à son terme du contrat signé avec la commune de Montauban, les sommes correspondant aux rémunérations, ainsi qu'aux primes et indemnités, qu'elle aurait dû percevoir si elle n'avait pas fait l'objet d'un licenciement, en déduisant celles correspondant aux rémunérations qu'elle a pu se procurer au cours de cette période. A cet égard, il résulte de l'instruction qu'au cours des mois de juillet 2014 à octobre 2014, l'intéressée a reçu de la commune de Montauban, au titre des indemnités chômage, la somme totale de 5 322,98 euros, qu'au mois de novembre 2014 elle a reçu la somme de 1 431,85 euros, dont 768,23 euros versés par la commune de Montauban et 663,62 euros par la Mission Locale du Centre Var, qui l'a employée à compter du 17 novembre 2014, que pour la période allant du 1er décembre 2014 au 31 juillet 2015, elle a reçu de la Mission Locale du Centre Var la somme totale de 13 636,55 euros, que du 1er août 2015 au 31 janvier 2016, la commune de Montauban lui a versé des indemnités chômage, d'un montant global de 8 300,24 euros, et enfin, que pour la période allant du 1er février 2016 au 31 décembre 2016, l'intéressée a travaillé auprès de la communauté d'agglomération Dracénoise dont elle a reçu, au cours de cette période, la somme totale de 17 398,88 euros.

6. Si la requérante invoque en outre le préjudice ayant résulté de la vente de sa maison à un prix inférieur à son prix d'achat, l'existence d'un lien de causalité direct entre cette vente à perte et la mesure de licenciement en litige n'est pas établie.

7. Au regard de tout ce qui précède, et dès lors que Mme G... est fondée à soutenir, pour l'évaluation du préjudice lié à la perte de revenus, qu'il convient de prendre en compte non seulement son traitement indiciaire et le supplément familial de traitement, mais également les primes de fonction et de résultat, de sorte que, sur la période en litige, ses pertes de revenus peuvent être évaluées à 55 409 euros, il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation de son préjudice matériel en lien direct avec l'illégalité de la sanction prononcée, compte tenu de la faute qu'elle a commise, en évaluant à la somme de 5 000 euros la réparation qui lui est due à ce titre. Mme G... a droit au versement des intérêts au taux légal dus sur cette somme à compter du 10 juillet 2014, date à laquelle la commune de Montauban indique avoir reçu sa demande préalable présentée le 8 juillet 2014, ainsi qu'à la capitalisation des intérêts à compter du 10 juillet 2015.

8. Par ailleurs, les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'indemnisation du préjudice moral directement induit par la mesure de licenciement litigieuse en fixant à 1 500 euros la réparation due à ce titre.

9. Enfin, comme l'ont jugé les premiers juges, Mme G... n'établissant pas l'illégalité de la mesure de suspension dont elle a fait l'objet le 31 mars 2014, sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice financier ayant résulté de cette mesure doit être rejetée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a limité à la somme de 1 500 euros le montant que la commune de Montauban a été condamnée à lui verser au titre de l'illégalité fautive de son licenciement.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme G..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Montauban demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il convient en revanche de mettre à la charge de la commune de Montauban une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais engagés par Mme G....

DECIDE

Article 1er : La commune de Montauban versera à Mme G... une somme de 6 500 euros au titre des préjudices ayant résulté de la décision illégale de licenciement en date du 27 mai 2014. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2014. Ces intérêts seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter du 10 juillet 2015, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 28 juin 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : La commune de Montauban versera à Mme G... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Montauban au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... G... et à la commune de Montauban.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

Mme C... E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.

Le rapporteur,

Sylvie E...Le président,

Philippe Pouzoulet La greffière,

Mme C... A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX02951


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : LLC ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 17/10/2019
Date de l'import : 19/10/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17BX02951
Numéro NOR : CETATEXT000039236227 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-17;17bx02951 ?
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