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15/10/2019 | FRANCE | N°19BX01515

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 15 octobre 2019, 19BX01515


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n°1900406 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 avril 2019, M. E..., représenté par Me B... D..., avocate, demande à la cour :

1°) d'an

nuler ce jugement n°1900406 du tribunal administratif de Poitiers du 8 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n°1900406 du 8 mars 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 avril 2019, M. E..., représenté par Me B... D..., avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1900406 du tribunal administratif de Poitiers du 8 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2019 du préfet des Deux-Sèvres ;

3°) d'enjoindre, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au préfet des Deux-Sèvres à titre principal, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans un délai de dix jours et de réexaminer sa demande d'asile dans un délai d'un mois, et à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de faire application de l'article 17 du règlement n°604/2013 ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration en tant qu'il utilise des formules stéréotypées et qu'il ne reprend pas la situation en Afghanistan ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est établi qu'un retour vers l'Autriche entraînera un renvoi vers l'Afghanistan ;

- l'arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme dès lors qu'il est certain qu'il sera renvoyé en Afghanistan en cas de retour en Autriche.

Par un mémoire en production de pièces, enregistré le 3 juillet 2019, le préfet des Deux-Sèvres a répondu à la mesure d'instruction du 23 mai 2019, indiquant que le requérant était en fuite.

Par ordonnance du 23 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juillet 2019 à midi.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2019.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats-membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. G... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant afghan né le 7 avril 1991, a sollicité l'asile le 8 août 2018, après être entré sur le sol national à une date inconnue. La consultation du fichier Eurodac a fait apparaître qu'il avait présenté une demande d'asile en Autriche le 12 mai 2015. Le préfet des Deux-Sèvres a alors adressé une demande de reprise en charge aux autorités autrichiennes, lesquelles ont le 29 août 2018 explicitement accepté de le reprendre en charge. Par un arrêté du 12 février 2019, le préfet des Deux-Sèvres a décidé le transfert de M. E... aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile. M. E... relève appel du jugement du 8 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 4 juillet 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux, M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de M. E... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

4. L'arrêté du 12 février 2019 indique expressément les éléments propres à la situation personnelle de M. E..., en particulier sa nationalité, ses conditions d'entrée en France, sa demande d'asile auprès des autorités françaises le 8 août 2018, le relevé des empreintes qui a mis en évidence que celles-ci avaient été enregistrées en Autriche lors d'une précédente demande d'asile, la saisine des autorités autrichiennes d'une demande de reprise en charge le 8 août 2018, et l'acceptation expresse par ces dernières le 29 août 2018. Il indique également que la situation de M. E... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, et que ce dernier n'a établi aucun risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités responsables de sa demande d'asile. Par suite, cette motivation est suffisante et dès lors le moyen doit être écarté.

5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. Le cas échéant, il en informe, au moyen du réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre de l'article 18 du règlement (CE) n° 1560/2003, l'État membre antérieurement responsable, l'État membre menant une procédure de détermination de l'État membre responsable ou celui qui a été requis aux fins de prise en charge ou de reprise en charge. / L'État membre qui devient responsable en application du présent paragraphe l'indique immédiatement dans Eurodac conformément au règlement (UE) n° 603/2013 en ajoutant la date à laquelle la décision d'examiner la demande a été prise (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradant ".

6. Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Cette possibilité doit en particulier être mise en oeuvre lorsqu'il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Si M. E... fait valoir que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par les autorités autrichiennes et qu'il encourt un risque en cas de retour en Afghanistan, il ne ressort pas des pièces versées au dossier, sur lesquelles figurent le nom de " I... E... " né le 1er janvier 1991, qu'il ferait l'objet d'une mesure d'éloignement à destination de l'Afghanistan devenue définitive prise par les autorités autrichiennes. Dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant son transfert en Autriche et aurait également méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2019 du préfet des Deux-Sèvres. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais d'instance doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. E... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. G... A..., président,

Mme C... H..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2019

La présidente-assesseure,

Fabienne H...Le président-rapporteur,

Dominique A...Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°19BX01515


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01515
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: M. Dominique NAVES
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : GATINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-15;19bx01515 ?
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