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03/10/2019 | FRANCE | N°19BX00417

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 03 octobre 2019, 19BX00417


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2017 par lequel le préfet du Tarn lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802670 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il désigne la Turquie et tout Etat tiers de l'Union européenne comme pays de renvoi et a re

jeté le surplus des conclusions de la requête de Mme A....

Procédure devant la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2017 par lequel le préfet du Tarn lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1802670 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il désigne la Turquie et tout Etat tiers de l'Union européenne comme pays de renvoi et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 25 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 20 novembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour en tant que membre de la famille d'un ressortissant de l'Union européenne ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où elle ne serait pas admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à lui verser.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen, qui était opérant, tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ;

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- ce défaut de motivation révèle un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait : c'est à tort que le préfet a considéré qu'elle s'était déclarée séparée de son compagnon et qu'elle était célibataire ;

- elle méconnaît les articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : elle satisfait les conditions posées par ces dispositions pour se voir délivrer un titre de séjour en tant que mère d'une citoyenne de l'Union européenne ; en effet, elle dispose des ressources suffisantes pour éduquer sa fille qui a la nationalité allemande et qui dispose d'une assurance maladie ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : elle réside régulièrement sur le territoire français avec son compagnon, lequel réside en France depuis plus de 15 ans, leurs enfants et sa fille issue d'une précédente union qui est de nationalité allemande ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : en la privant de la possibilité de travailler, elle est dans l'incapacité de subvenir aux besoins de ses enfants ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : sa fille est scolarisée et le plus âgé de ses fils le sera à la rentrée prochaine ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : elle ne peut être éloignée en dehors de l'Union européenne sans priver sa fille, de nationalité allemande, de la jouissance des droits que lui confère son statut de citoyenne de l'Union européenne ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2019, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête. Il fait valoir, en se rapportant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par un courrier en date du 24 juillet 2019, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté du préfet du Tarn en date du 20 novembre 2017.

Par ordonnance du 4 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mai 2019 à 12h00.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. E... C..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante turque née le 21 mai 1982, est entrée en France le 1er mai 2012 sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités allemandes en sa qualité de parent d'une enfant allemande. Le 27 août 2015, elle s'est vu délivrer un titre de séjour en qualité de visiteur, régulièrement renouvelé jusqu'au 26 août 2017 et dont elle a sollicité le renouvellement le 26 juin 2017. Par un arrêté du 20 novembre 2017, le préfet du Tarn a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté en tant qu'il désigne la Turquie et tout Etat tiers de l'Union européenne comme pays de renvoi et a rejeté le surplus des demandes de l'intéressée. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi et du jugement en tant qu'il annule cette décision :

2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable - quels que soient les motifs retenus par les premiers juges - l'appel dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, fait droit aux conclusions de la demande qu'avait présentée l'appelant en première instance.

3. Mme A... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif a, à sa demande, annulé l'arrêté du préfet du Tarn du 20 novembre 2017 en tant qu'il désigne la Turquie et tout Etat tiers de l'Union européenne comme pays de renvoi en en critiquant la régularité. Toutefois, le jugement fait, dans cette mesure, droit aux conclusions à la demande d'annulation de la décision fixant le pays de destination dont le tribunal était saisi. Dès lors, les conclusions susvisées de la requête d'appel ne sont pas recevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour

S'agissant de la légalité externe :

4. Mme A... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

S'agissant de la légalité interne :

5. En premier lieu, Mme A... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, les moyens tirés du défaut d'examen complet de sa situation personnelle et de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de fait. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

6. En deuxième lieu, Mme A... reprend en appel, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Mme A... soutient qu'elle réside régulièrement sur le territoire français avec son compagnon allégué, lequel réside en France depuis plus de 15 ans, leurs enfants et sa fille, issue d'une précédente union, qui est de nationalité allemande. Toutefois, Mme A... n'établit pas la réalité de cette relation par les seules pièces qu'elle produit et alors qu'en tout état de cause, son compagnon allégué fait également l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et n'a donc pas vocation à se maintenir en France. En outre, elle ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et aurait ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

10. Si Mme A... soutient que la décision attaquée l'empêche de travailler et donc de pouvoir subvenir aux besoins de ses enfants, elle n'établit ni même n'allègue être dans l'impossibilité de travailler dans le pays où elle serait légalement admissible avec ces derniers compte tenu de la nationalité de sa fille. En outre, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France où il n'est pas établi que ses enfants seraient dans l'impossibilité de poursuivre ou d'entamer leur scolarité. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour.

12. En deuxième lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 du présent arrêt, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et aurait ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En dernier lieu et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10 du présent arrêt, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire contenues dans l'arrêté du préfet du Tarn du 20 novembre 2017. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle présente à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. E... C..., président-assesseur,

M. Stéphane Gueguein, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

Le rapporteur,

Dominique C... Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 19BX00417


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : DUJARDIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 03/10/2019
Date de l'import : 08/10/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX00417
Numéro NOR : CETATEXT000039184336 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-03;19bx00417 ?
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