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30/07/2019 | FRANCE | N°17BX02501

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 30 juillet 2019, 17BX02501


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Anjou Granit Import a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la communauté urbaine du Grand Toulouse à lui verser la somme de 171 070,16 euros TTC en qualité de sous-traitante de la société Les Compagnons Paveurs dans le cadre du marché public de travaux d'aménagement de la rue Alsace-Lorraine et du square Charles de Gaulle à Toulouse.

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Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juille...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Anjou Granit Import a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la communauté urbaine du Grand Toulouse à lui verser la somme de 171 070,16 euros TTC en qualité de sous-traitante de la société Les Compagnons Paveurs dans le cadre du marché public de travaux d'aménagement de la rue Alsace-Lorraine et du square Charles de Gaulle à Toulouse.

Par un jugement n° 1303881 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juillet 2017 et 26 avril 2018, la société à responsabilité limitée Anjou Granit Import, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 mai 2017 ;

2°) de condamner Toulouse métropole, venue aux droits de la communauté urbaine du Grand Toulouse, à lui verser la somme de 171 070,16 [BV1]euros TTC, majorée des intérêts moratoires à compter du 3 février 2012, ainsi que la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;

3°) de mettre à la charge de Toulouse métropole le paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est intervenue en qualité de sous-traitante de la société Les compagnons Paveurs, titulaire du lot n° 2 " Revêtement en pierres " de l'opération d'aménagement de la

rue Alsace-Lorraine et du square Charles de Gaulle à Toulouse dont le maître d'ouvrage était la communauté urbaine du Grand Toulouse, pour des prestations sous-traitées portant non seulement sur la fourniture mais également sur le façonnage de dalles, bordures et pavés de granit noir de Chine pour un montant de 881 530,72 euros HT, soit 1 054 310,75 euros TTC ;

- la communauté urbaine du Grand Toulouse a, par un acte spécial du 12 juillet 2011, approuvé la sous-traitance de ces prestations et agréé ses conditions de paiement ;

- elle est fondée à demander la condamnation du maître d'ouvrage au titre du paiement direct, de la somme non contestée de 171 070,16 euros au titre du solde de l'acte spécial du 12 juillet 2011 ;

- elle a effectué sa demande de paiement direct dans le respect des prescriptions de l'article 116 du code des marchés publics et des termes de l'acte spécial qui renvoie au contrat de sous-traitance pour les conditions de paiement ; le refus opposé par la société Les compagnons Paveurs à sa demande de paiement direct du 10 juin 2013 adressée à la collectivité est infondé ;

- elle a droit au paiement des intérêts moratoires sur la somme de 171 070,16 euros à compter du 3 février 2012, date d'échéance de la dernière facture émise, ainsi que l'indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 29 mars et 8 juin 2018, la communauté urbaine de Toulouse métropole, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de la société Anjou granit import le paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Anjou granit import ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 11 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.B...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la société Anjou Granit Import.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de travaux d'aménagement de la rue Alsace-Lorraine et du square Charles de Gaulle à Toulouse, la communauté urbaine du Grand Toulouse a confié, le 28 décembre 2010, à la société Les Compagnons Paveurs (LCP) la réalisation des travaux du lot n° 2 " Revêtement en pierres " incluant la fourniture et la pose de dalles et pavés et de mobiliers spécifiques. Cette société a conclu, le 4 mai 2011, un contrat avec la société Anjou Granit Import (AGI) portant sur " la fourniture et le façonnage de dalles, bordures et pavés de granit noir de Chine (684) " pour un montant de 1 054 310,075 euros TTC. Par un acte spécial du 12 juillet 2011, la communauté urbaine a approuvé la sous-traitance par la société LCP à la société AGI de ces mêmes prestations pour un montant identique et agréé ses conditions de paiement.

2. À la suite de nombreux différends entre les sociétés LCP et AGI, la première a prononcé le 9 février 2012 la résiliation du contrat cité au point précédent aux torts exclusifs de la seconde. Pour assurer l'approvisionnement du chantier en matériaux, la communauté urbaine a néanmoins conclu le 24 février 2012 une délégation de paiement au bénéfice de la société AGI d'une somme de 200 550,06 euros TTC, correspondant à la livraison de containers de pierres qu'elle retenait au port de Fos-sur-Mer en raison de ses différends avec la société LCP.

Le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse a ensuite, par une ordonnance du 20 juillet 2012, notamment condamné la société LCP à verser à la société AGI une somme provisionnelle de 420 952,18 euros. La société LCP a, par des jugements du tribunal de commerce de Paris des 25 septembre 2012 et 25 mars 2014, été placée successivement en redressement puis en liquidation judiciaire.

3. Après avoir vainement tenté d'obtenir de la société LCP le paiement des sommes qu'elle estime lui être dues au titre des matériaux fournis, la société AGI a demandé,

les 19 avril et 10 juin 2013, à la communauté urbaine le paiement direct de la somme de 171 070,16 euros TTC en règlement de pavés en granit qu'elle a fournis et livrés en qualité de " sous-traitante " en se prévalant de l'acte spécial signé le 12 juillet 2011. Ses demandes ont été respectivement rejetées par la collectivité les 30 mai et 19 juillet 2013. Elle relève appel du jugement du 30 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine du Grand Toulouse, devenue communauté urbaine Toulouse Métropole, à lui verser cette somme, assortie des intérêts moratoires à compter du 3 février 2012, ainsi que celle de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant tout ou partie de l'exécution du contrat d'entreprise ou du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage. ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque

sous-traitant et agréer les conditions de paiement de contrat de sous-traitance (...). ".

Aux termes de l'article 6 de cette loi : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...). ".

5. Il résulte de ces dispositions que les décisions d'accepter une entreprise en qualité de sous-traitante et d'agréer ses conditions de paiement ne sont susceptibles d'ouvrir à celle-ci un droit au paiement direct de ses prestations que pour autant que ces prestations relèvent effectivement du champ d'application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, lequel ne concerne que les prestations relatives à l'exécution d'une part du marché, à l'exclusion de simples fournitures à l'entrepreneur principal. Ainsi, une entreprise dont le contrat conclu avec l'entrepreneur principal n'a pas les caractéristiques d'un contrat d'entreprise mais d'un simple contrat de fournitures n'a pas droit au paiement direct de ses fournitures par le maître d'ouvrage, nonobstant la circonstance qu'elle a été acceptée par ce dernier en qualité de sous-traitante et que ses conditions de paiement ont été agréées. En outre, pour l'application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1975, le contrat par lequel le titulaire d'un marché public de travaux commande à une entreprise la fourniture d'éléments de construction ne peut être regardé comme confiant au fournisseur l'exécution en sous-traitance d'une partie des prestations du marché.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du contrat conclu le 4 mai 2011, de l'acte spécial du 12 juillet 2011 et des factures émises par la société AGI, que cette dernière a fourni à la société LCP des pavés, dalles et bordures de granit façonnés dont les caractéristiques devaient répondre aux spécifications techniques du marché. Cependant, le seul travail spécifique de la société appelante a consisté en la fourniture de ces éléments importés de Chine aux finitions et dimensions exigées par le marché, sans que ce type de façonnage présente une spécificité technique particulière. Ainsi, le contrat conclu avec la société LCP qui consistait en la fourniture de ces éléments livrés prêts à l'emploi, sans aucune participation à l'exécution du marché de travaux en cause ne présente pas les caractéristiques d'un contrat d'entreprise. Dès lors, et comme l'a relevé à juste titre le tribunal, la société AGI n'avait pas la qualité de sous-traitante de la société LCP. Par suite, et alors même qu'elle a été acceptée en qualité de sous-traitante et que ses conditions de paiement ont été agréées, elle ne peut utilement se prévaloir d'un droit au paiement direct de la somme 171 070,16 euros TTC. À cet égard la circonstance, à la supposer même établie, qu'elle aurait présenté sa demande de paiement direct conformément aux prescriptions de l'article 116 du code des marchés publics est sans incidence sur son absence de droit à ce paiement.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société AGI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté urbaine Toulouse Métropole, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande la société AGI au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

9. Il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions de mettre à la charge de la société AGI, partie perdante à l'instance, la somme de 1 500 euros à verser à la communauté urbaine Toulouse Métropole au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : La SARL AGI versera à la communauté urbaine Toulouse Métropole la somme

de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Anjou granit import

et à la communauté urbaine Toulouse Métropole.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juillet 2019.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au préfet de Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

[BV1]Dans la requête il est indiqué la somme de 171 570,09... VB

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N° 17BX02501


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Prix. Rémunération des sous-traitants.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 30/07/2019
Date de l'import : 13/08/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17BX02501
Numéro NOR : CETATEXT000038867236 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-07-30;17bx02501 ?
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