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20/06/2019 | FRANCE | N°17BX03164

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 20 juin 2019, 17BX03164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le certificat d'urbanisme délivré le 12 janvier 2017 par le maire de Chaillevette à M. B... déclarant réalisable la division d'un terrain cadastré section C n° 802p, 1180p et 1382p en vue de la construction d'une maison d'habitation située 13 rue des Brandes à Chaillevette.

Par un jugement n° 1700926 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ce déféré.

Procédure deva

nt la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 septembre 2017 et le 25 janv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le certificat d'urbanisme délivré le 12 janvier 2017 par le maire de Chaillevette à M. B... déclarant réalisable la division d'un terrain cadastré section C n° 802p, 1180p et 1382p en vue de la construction d'une maison d'habitation située 13 rue des Brandes à Chaillevette.

Par un jugement n° 1700926 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ce déféré.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 septembre 2017 et le 25 janvier 2018, le préfet de la Charente-Maritime demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 juillet 2017 ;

2°) d'annuler le certificat d'urbanisme n° 01707916N0076 accordé le 12 janvier 2017 à M. C...B...par la commune de Chaillevette déclarant réalisable la division d'un terrain situé 13 rue des Brandes, cadastré section C n° 802p, 1180p et 1382p, en vue de construire une maison d'habitation.

Il soutient que :

- la demande portait sur la division d'un terrain en vue de construire, ce qui n'est pas l'objet d'un certificat d'urbanisme tel que prévu par l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme ; la demande doit être interprétée comme portant sur la construction sur un terrain issu d'une division déjà autorisée ;

- le certificat d'urbanisme positif méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en ce que la commune de Chaillevette est une commune littorale et le secteur auquel appartient la parcelle en cause, même classé en zone UB du plan local d'urbanisme, ne peut être regardé comme constitutif d'un village ou d'une agglomération.

Par un mémoire, enregistré le 7 novembre 2017 sans avocat, M. et Mme B...concluent au rejet de la requête du préfet de la Charente-Maritime.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2018, la commune de Chaillevette, représentée par la SCP Pielberg - Kolenc, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle tend à l'annulation d'un certificat d'urbanisme du 12 janvier 2017 indiquant que l'opération de division parcellaire est réalisable, qui est superfétatoire puisque, par arrêté du 17 octobre 2016, la commune de Chaillevette avait décidé de ne pas s'opposer à une déclaration préalable d'une division parcellaire sur le même terrain ;

- le projet de M. B...se situe dans une zone déjà urbanisée où on dénombre, dans un rayon de 100 m autour du terrain d'assiette de la construction envisagée, plus d'une trentaine de maisons d'habitation, l'ensemble présentant un aspect pavillonnaire s'étendant de manière continue le long de la rue des Brandes ; le permis de construire accordé en 2014 à M. B... sur un terrain voisin n'a pas été contesté ; la construction d'une maison d'habitation sur le lot en question n'aurait pour effet que de combler une " dent creuse " permettant une densification du secteur urbanisé en évitant un débordement des constructions sur les parties extérieures de cette zone urbanisée ; en outre, le terrain en cause est éloigné de plus d'un kilomètre des zones naturelles protégées par la loi Littoral ; le certificat d'urbanisme ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

Un courrier du 31 janvier 2019, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a précisé la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

L'instruction a été close au 20 février 2019, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 mai 2019 :

- le rapport de Mme Nathalie Gay-Sabourdy,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la commune de Chaillevette et les observations de MmeA..., représentant la préfecture de la Charente-Maritime.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...B...a demandé, le 14 novembre 2016, un certificat d'urbanisme afin de savoir si le terrain situé 13 rue des Brandes, cadastré section C n° 802p, 1180p et 1382p, pouvait être utilisé pour la construction d'une maison individuelle. Par un certificat d'urbanisme du 12 janvier 2017, le maire de Chaillevette a déclaré cette opération réalisable. Le préfet de la Charente-Maritime relève appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté son déféré tendant à l'annulation de ce certificat d'urbanisme.

Sur la fin de non-recevoir :

2. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique (...) ". Aux termes de l'article L. 442-14 du même code : " Lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le 19 septembre 2016, M. C...B...a déposé une déclaration préalable pour la création d'un lot à bâtir sur une partie d'environ 600 m² des parcelles cadastrées 1180, 802 et 1382. Par une décision du 17 octobre 2016, le maire de Chaillevette ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable. Le 14 novembre 2016, M. B... a demandé la délivrance d'un certificat d'urbanisme sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme pour savoir si la vente de cette parcelle aux fins de construire une maison individuelle pouvait être envisagée. Si la commune a interprété cette demande, alors même qu'ainsi qu'elle le souligne, la non-opposition à la déclaration de division était toujours en cours de validité, comme une " division d'un terrain en vue de construire ", alors que son objet était d'identifier la possibilité de construire une habitation, cette circonstance est sans effet sur la portée du certificat délivré, qui reconnaît un projet de construction d'une maison individuelle comme réalisable. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que le déféré du préfet aurait été irrecevable comme dirigé contre un acte superfétatoire.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ". Les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations. L'exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, l'autorité administrative qui se prononce sur une demande d'autorisation d'urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, à moins que le terrain d'assiette du projet soit situé dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l'opération envisagée est réalisée " en continuité avec les agglomérations et villages existants ", et ce alors même que le plan local d'urbanisme aurait ouvert à l'urbanisation la zone dans laquelle se situe le terrain d'assiette.

5. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Chaillevette, qui a une façade sur l'estuaire de la Seudre et relève par suite des dispositions applicables au littoral, est constituée de deux bourgs en lien avec l'activité ostréicole, Chaillevette et Chatressac. Il résulte des documents graphiques et photographiques produits que le secteur dans lequel se situe le terrain d'assiette de la maison d'habitation projetée se compose d'une cinquantaine de constructions implantées de manière linéaire le long de la rue des Brandes, et est classé au plan local d'urbanisme approuvé en 2008 en zone Ub correspondant aux " extensions récentes ". En outre, il ressort notamment du plan de masse joint à la demande de certificat d'urbanisme que si les parcelles cadastrées secteur C n° 802p, 1180p et 1382p jouxtent sur deux côtés des parcelles construites, y compris la maison de M. et MmeB..., elles s'ouvrent sur un espace naturel boisé identifié par le schéma de cohérence territoriale de la communauté d'agglomération Royan Atlantique comme " espace boisé significatif ". Si le secteur de la rue des Brandes se compose d'un nombre significatif de constructions, leur implantation clairsemée et entrecoupée de parcelles demeurées à l'état naturel ne permet pas de regarder ce secteur, distant du centre bourg de Chaillevette de plus d'un kilomètre et dépourvu de service ou d'équipement collectif, comme constitutif d'un village ou d'une agglomération en continuité desquels se situerait le terrain en cause. La circonstance que le secteur est desservi par les réseaux et un service de bus n'a pas d'incidence sur la qualification qui peut être retenue au regard de la notion de village au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par suite, en délivrant le certificat d'urbanisme positif en litige, alors que le projet de construction d'une maison d'habitation constituait une extension de l'urbanisation, laquelle ne pouvait, à défaut d'être réalisée en continuité d'un village ou d'une agglomération existants, être autorisée sans méconnaître l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, le maire de Chaillevette a entaché sa décision d'illégalité. Ainsi, le préfet de la Charente-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Chaillevette au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : L'arrêté n° 01707916N0076 du 12 janvier 2017 par lequel le maire de Chaillevette a délivré à M. B... un certificat d'urbanisme positif est annulé.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Chaillevette tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à la commune de Chaillevette, au préfet de la Charente-Maritime et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

Nathalie GAY-SABOURDY Le président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 17BX03164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03164
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-001-01-02-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Règles générales d'utilisation du sol. Règles générales de l'urbanisme. Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme. Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-20;17bx03164 ?
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