La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2019 | FRANCE | N°17BX01957

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 20 juin 2019, 17BX01957


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La commission départementale d'aménagement cinématographique de la Haute-Garonne, par une décision du 22 novembre 2016, a émis un avis favorable à la demande de la commune de Colomiers de créer un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Le Grand Central " de 5 salles et 772 places.

Par décision du 7 avril 2017, notifiée le 11 mai 2017, la commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté le recours présenté par la SARL Utopia Latin le 13 décembre 2016, et a accordé à

la commune de Colomiers l'autorisation préalable requise pour la création de cet établis...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La commission départementale d'aménagement cinématographique de la Haute-Garonne, par une décision du 22 novembre 2016, a émis un avis favorable à la demande de la commune de Colomiers de créer un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Le Grand Central " de 5 salles et 772 places.

Par décision du 7 avril 2017, notifiée le 11 mai 2017, la commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté le recours présenté par la SARL Utopia Latin le 13 décembre 2016, et a accordé à la commune de Colomiers l'autorisation préalable requise pour la création de cet établissement de spectacles cinématographiques.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 juin 2017 et le 10 septembre 2018, la SARL Utopia Latin, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision de la commission nationale d'aménagement cinématographique du 7 avril 2017 rejetant le recours dirigé contre la décision de la commission départementale d'aménagement cinématographique du 22 novembre 2016 autorisant la commune de Colomiers à créer un établissement de spectacles cinématographiques de 5 salles et de 772 places à l'enseigne " Grand Central " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Utopia Latin soutient que :

- en ce qui concerne l'atteinte portée par le projet autorisé à la diversité de l'offre cinématographique, la zone d'influence cinématographique (ZIC) du projet Le Grand Central est évaluée à 155 239 habitants en 2013, alors que la ZIC du projet " PATHE " de 11 salles sur le territoire de Plaisance-du-Touch, finalement refusé par la CNACi le 7 avril 2017, est de 811 000 habitants ; la zone concernée par l'autorisation accordée à l'établissement de Colomiers concerne l'ouest de l'agglomération toulousaine, au sein de laquelle existent déjà 3 salles situées sur le territoire de la commune de Plaisance du Touch, 4 salles exploitées par la requérante sur le territoire de la commune de Tournefeuille, 2 salles situées sur le territoire de la commune de Colomiers, une salle située sur le territoire de la commune de Léguevin et deux salles situées sur le territoire de la commune de l'Ile Jourdain ; il convient d'y ajouter 5 salles à Colomiers de 800 places autorisées par la CDAC et objet du présent recours, situées à 4,8 kilomètres de Tournefeuille où elle exploite son cinéma, et les 12 salles autorisées au bénéfice de la SAS Forum international, sur le territoire de la commune de Toulouse, à Basso Cambo, à 5 kilomètres de Tournefeuille, 9 kilomètres de Colomiers et 9 kilomètres de Plaisance du Touch ; doivent également être pris en considération les 8 salles de cinéma fonctionnant sur le territoire de la commune de Muret, implantées à 16 kilomètres de Basso Cambo, 21 kilomètres de Colomiers et 17 kilomètres de Tournefeuille ; l'explosion de l'offre cinématographique, assortie de la prétention des nouveaux entrants du Grand Central de Colomiers à proposer une programmation majoritairement généraliste, se verrait opportunément complétée d'une programmation art et essai parmi ce qui est le plus aisément commercialisable dans ce domaine en négligeant les pans les plus larges de la diversité et de l'exception culturelle, bien plus difficile à promouvoir auprès du public ; s'en suivraient de graves difficultés financières de gestion pour la requérante, cinéma qui travaille depuis 17 ans dans une logique exclusive de cinéma art et essai, bénéficiaire des trois labels (recherche et découverte, Répertoire jeune public, signes d'excellence reconnue par le Ministère de la culture) qui pourrait disparaître et conduire, contrairement à ce que précise le code du cinéma et de l'image animée, à l'effacement du pluralisme d'une offre cinématographique réellement diversifiée qui n'a pas d'équivalent aujourd'hui dans tout l'ouest toulousain ;

- la délimitation de la zone d'influence cinématographique est erronée ; le demandeur a délimité une zone primaire et une zone secondaire à partir d'un temps de déplacement automobile respectivement de 10 minutes ou de 11 à 20 minutes ; or, le seuil retenu de 10 minutes a pour conséquence d'écarter tout autre cinéma de la zone primaire, alors même que la commune de Tournefeuille est limitrophe de celle de Colomiers et que le futur cinéma sera situé à moins de cinq kilomètres du cinéma Utopia ; le temps de trajet est ainsi estimé entre 11 et 12 minutes ; s'agissant de la taille de l'établissement envisagé, celui-ci sera plus de deux fois plus important que le cinéma Le Central actuel et aucune barrière géographique ou psychologique ne justifie d'écarter le cinéma Utopia de la zone primaire ; il en va de même du cinéma à Léguevin situé à une distance supérieure (plus de 7 km) mais à seulement 8 minutes en voiture ;

- la commune de Colomiers, propriétaire du cinéma dont elle souhaite assurer l'exploitation dans le cadre d'une délégation de service public, revendique une programmation art et essai importante, très largement concurrente de la programmation du cinéma Utopia de Tournefeuille ; rien ne vient compenser la distorsion de concurrence que représente le financement par la collectivité de la totalité des investissements correspondant à la construction et à l'équipement du cinéma destiné à être mis à disposition d'un délégataire ;

- en 2001, la commission d'aide sélective sollicitée par la requérante avait rejeté une demande d'Aide Sélective sur Fonds de Soutien destinée à permettre la création d'un petit complexe Utopia de 5 salles et de 550 fauteuils à Tournefeuille, au prétexte de " risque de suréquipement de la zone " ; cette aide fut finalement accordée mais minorée après réduction du projet à 4 salles et 450 fauteuils ; si une période de 16 années s'est écoulée, l'évolution de la population ne justifie par une telle augmentation de l'offre cinématographique ; cette cinquième salle de 100 places, à laquelle la requérante a dû renoncer pour un risque de " suréquipement " se voit confrontée à la concurrence, sur la même zone primaire de chalandise, d'un multiplexe (12 salles Mégarama pour 2 200 places) auxquelles s'ajoutent les 5 salles dites du complexe " Grand Central " porté par la commune de Colomiers et financées sur fonds publics (800 places), alors que la progression de la population dans la zone n'excède pas 12% depuis 2001 ; un tel suréquipement entraîne une difficulté grandissante pour les salles existantes à sauvegarder un équilibre économique précaire, notamment pour celles, comme les cinémas Utopia, qui ne disposent pas de subventions publiques;

- sur l'atteinte à la diversité de l'oeuvre cinématographique, le projet aurait pour conséquence de créer trois nouvelles salles, en sus des deux salles remplacées et d'ajouter 360 places, de sorte que la capacité d'accueil du cinéma serait multipliée par 2,5 ; les chiffres avancés par le pétitionnaire confirment d'ailleurs ce point, la commune prévoyant de toucher entre 110 000 et 150 000 spectateurs, c'est-à-dire de doubler voire de tripler le nombre de spectateurs actuel ; le projet aurait pour conséquence de renforcer le déséquilibre entre l'ouest et l'est de la zone d'influence cinématographique dans la répartition des établissements ; en outre, le projet ne comporte aucun apport véritable à la diversité de l'offre cinématographique existante dès lors qu'il aurait principalement pour effet d'accroître une programmation généraliste déjà particulièrement présente dans la zone ainsi qu'une programmation Art et Essai de films porteurs dont l'accès est déjà " réclamé par tous les types d'exploitants ", comme en atteste le rapport de la CNACi ; le projet porte atteinte à la diversité de l'offre cinématographique en rendant plus difficile l'accès des salles aux films art et essai porteurs ; la circonstance que le médiateur du cinéma n'ait pas été saisi pour des problématiques liées à la zone d'influence cinématographique en cause n'est pas de nature à démontrer une " absence de difficultés d'accès aux films ", contrairement à ce que croit pouvoir soutenir la commission nationale; plusieurs études récentes confirment la difficulté d'accès des salles indépendantes aux films et notamment aux films Art et Essai porteurs ; le projet, compte tenu de son importance et de sa programmation, aura des conséquences négatives sur la viabilité économique de l'Utopia Tournefeuille et la création du nouveau cinéma Le Central porterait atteinte aux choix de programmation poursuivis par Utopia et par conséquent à la diversité de l'offre cinématographique dans la zone ; en troisième lieu, l'augmentation sensible du nombre de places, associée à l'entente de programmation Véo, va aggraver les difficultés d'accès aux films ;

- sur l'insuffisance de la qualité de desserte du projet, en premier lieu, bien que le projet soit situé en centre-ville, la commune pétitionnaire a fait le choix de privilégier l'accès au futur cinéma par les véhicules particuliers, au détriment tant des transports en commun que des modes de déplacement doux ; le terrain d'assiette du projet ne sera accessible que par l'allée du Rouergue, qui dessert non seulement l'hyper-centre de Colomiers, mais également plusieurs infrastructures importantes accueillant un public nombreux ; si la commune envisage un " aménagement spécifique dans le secteur concerné " pour remédier aux insuffisances constatées, aucune précision n'est cependant apportée quant aux modalités de réalisation ; en deuxième lieu, la décision contestée est également entachée d'illégalité dans la mesure où les modalités de stationnement prévues ne permettront pas de garantir une desserte suffisante du projet ; en troisième lieu, les différentes pièces du dossier laisseraient à penser que trois lignes de bus permettraient de desservir facilement le projet ; une analyse de la configuration des lieux et du réseau de bus existant permet de constater que tel n'est pas le cas, étant précisé qu'aucun déplacement des arrêts de bus et qu'aucune augmentation de la fréquence des bus ne sont envisagés ; en quatrième lieu, la configuration des lieux et le caractère purement théorique des aménagements à réaliser pour permettre des modes de déplacement doux entachent d'illégalité la décision d'autorisation d'exploitation .

Par des mémoires enregistrés les 4 octobre 2017 et le 12 octobre 2018, la commune de Colomiers, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Utopia Latin d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant de la détermination de la zone d'influence cinématographique, si la zone d'influence du projet Pathé a été fixée par la commission d'aménagement cinématographique à 744 615 habitants, ce dernier porte sur 11 salles et 2 300 fauteuils et s'inscrit dans un projet de vaste zone commerciale Val Tolosa, dont il sera l'un des équipements, parmi d'autres ; le nombre de fauteuils du projet de la commune est trois fois moindre que pour le projet Pathé à Plaisance, et il s'agit d'un cinéma modeste, implanté dans le centre-ville ; il est donc justifié que sa zone d'influence soit bien plus limitée que celle du projet Pathé ; en outre, sous l'intitulé " atteinte à la diversité de l'offre ", c'est " l'explosion de l'offre cinématographique " que critique la société requérante ; or, la densité d'équipements ne figure plus parmi les critères d'autorisation ; par ailleurs, le grief tenant aux risques subis par la société requérante est inopérant ; le projet permettra de proposer à la population une offre de films plus large, et d'assurer une meilleure exposition des films ; le cinéma projeté, même s'il revendique le classement art et essai, qu'il détenait précédemment, a également une vocation plus généraliste, permettant ainsi de répondre aux besoins de tous les publics ;

- sur la délimitation de la zone d'influence cinématographique, les communes de Tournefeuille et de Léguevin n'ont pas été exclues de la zone d'influence cinématographique et l'existence de 2 cinémas sur ces communes a bel et bien été prise en compte et analysée ; la circonstance que ces cinémas soient intégrés à la zone primaire ou à la zone secondaire n'a, sur le plan de l'analyse, pas d'incidence, et ne méconnaît aucune réglementation, le code du cinéma et de l'image animée imposant simplement la délimitation d'une zone d'influence cinématographique, mais n'imposant aucune règle pour la délimitation des sous-zones ; à supposer même qu'une intégration dans la zone primaire eût été préférable, la requérante ne démontre pas en quoi cette prétendue erreur aurait pu avoir une incidence sur le sens de la décision prise ; il est constant que la CNAC a pris en compte les effets du projet, au regard notamment des cinémas existants dans la zone ;

- sur le déséquilibre entre l'ouest et l'est de la ZIC, si les équipements cinématographiques se concentrent principalement à l'est de la ZIC, et, au-delà de cette dernière, sur la ville de Toulouse, cela s'explique au regard de l'importance de la population sur ces territoires ; on ne peut parler d'un déséquilibre en termes d'aménagement du territoire, mais plutôt d'une adéquation entre la répartition de l'offre et celle de la population ; l'implantation du projet, et ses caractéristiques en termes de taille, apparaissent totalement pertinentes pour répondre aux besoins de la population, et permettre de ramener l'indice de fréquentation, actuellement inférieur à la moyenne nationale pour Colomiers, à de meilleures proportions ;

- s'agissant de la qualité juridique du pétitionnaire, la délégation de service public se caractérise, selon l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, par le fait que le délégataire assume le risque d'exploitation et qu'il est réellement exposé aux aléas du marché ; l'investissement évalué à 4,5 millions d'euros sera mis intégralement à la charge du délégataire ; la critique n'est pas étayée, autrement que par une pétition de principe, et elle ne se rapporte pas aux critères fixés par le code du cinéma et de l'image animée ; la légalité de la décision ne dépend pas des modalités de son exécution ;

- s'agissant du suréquipement cinématographique de l'ouest toulousain, l'appréciation relative à l'attribution d'une subvention et celle relative à l'attribution d'une autorisation n'ont rien à voir, puisqu'elles reposent sur l'application de législations différentes ; la seule ville de Colomiers, qui représente un quart de la population de la zone d'influence cinématographique, a vu sa population croître de 19% de 2006 à 2013, et la croissance pendant cette période a été de 15,6% dans l'ensemble de la zone primaire, à 10 minutes de trajet automobile, et de 10% dans l'ensemble de la zone secondaire ; outre cette croissance quantitative, s'ajoute une croissance qualitative favorable à la fréquentation cinématographique : population jeune, et proportion de cadres très au-dessus de la moyenne nationale : 30,8% contre 20,1% au niveau national ; il apparaît une insuffisance de l'offre puisque l'indice de fréquentation en 2015 était très inférieur à la moyenne des communes de la même strate de population : 1,3 entrée /habitant, contre 5,8 pour les communes de 20 000 à 50 000 habitants en 2013 ; la requérante se borne à invoquer un suréquipement qu'elle ne démontre ni ne quantifie ;

- sur la diversité de l'offre cinématographique, la justification du projet résulte notamment du sous-équipement cinématographique de Colomiers, ville de 38 800 habitants en 2015, et de la ZIC ; le passage de 2 à 5 salles apparaît très raisonnable ; le projet reste, avec 772 fauteuils, en deçà du taux d'équipement en 2017 en fauteuils pour les communes entre 20 000 et 50 000 habitants qui est de 1 fauteuil pour 35 habitants, soit 1 108 fauteuils pour une commune de 38 800 habitants ; le projet n'engendre donc pas un déséquilibre, mais au contraire un rééquilibrage au profit d'une ville particulièrement sous-équipée ; les études invoquées par la requérante qui souligne une tendance à la concentration et un essor des gros groupes sont sans rapport avec le projet litigieux, qui est plutôt un " petit " projet, indépendant des grands multiplexes notamment ; l'absence de saisine du Médiateur du cinéma est un indicateur de l'absence de tension caractérisée s'agissant de l'accès aux films ; les énonciations du rapport de la CNACi citées par la requérante ne sauraient concerner la commune, puisque, si certains exploitants de la petite et moyenne exploitation se plaignent régulièrement de l'inégalité dans l'accès aux films face aux grands groupes, il est constant que le cinéma Le Grand Central ne peut être regardé comme exploité par un grand groupe, et qu'il se classe donc plutôt dans la catégorie de la petite et moyenne exploitation ; en outre, les arguments " sur les salles municipales sur fonds publics, libérés des contraintes de rentabilité " ne concernent pas le projet, puisqu'il s'agit d'une délégation de service public où l'exploitant investit en totalité et supporte le risque ; il ne saurait être soutenu que le projet serait de nature à affecter la viabilité économique de l'Utopia Tournefeuille dès lors que la décision de la CNAC propre au projet de Plaisance du Touch, projet désormais avorté, ne saurait être transposée au cinéma Le Grand Central, qui n'a rien de comparable que ce soit en termes d'importance quantitative, de taille, ou de localisation ; s'agissant de la programmation, la requérante invoque le poids de Véo ; cependant, il ne faut pas occulter le poids d'Utopia en France dans l'exploitation Art et Essai qui lui garantit un accès à tous les films AE, porteurs ou non, et une politique tarifaire très attractive ;

- s'agissant de la fluidité de la circulation, il convient de distinguer les périodes d'attractivité des différentes activités de la zone, qui ne seront pas " concurrentielles " en termes d'utilisation de la voie et des parkings ; quant aux places de stationnement, le projet est conçu dans le respect du plan local d'urbanisme et, en zone de centre-ville, la présence de parkings publics est bel et bien de nature à répondre aux besoins ; le projet sera soumis à la commission accessibilité, et la réglementation au titre des personnes handicapées sera respectée dans le cadre du permis de construire ; s'agissant des transports collectifs, force est de constater que le site est bel et bien desservi, et notamment par un bus dont la fréquence de passage est conséquente ; la circonstance que certaines des lignes de bus ne fonctionneraient pas après 20 heures, ou le dimanche, ne saurait invalider le projet, d'autant qu'à ces moments-là, la circulation est moins intense ; en outre, la situation actuelle permet l'accès aux piétons et aux vélos du site du projet ; il ne saurait être soutenu que l'existence de pistes cyclables dédiées est indispensable.

Par deux mémoires enregistrés le 27 novembre 2017 et le 19 septembre 2018, la commission nationale d'aménagement cinématographique, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Utopia Latin d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'appartient pas aux commissions d'aménagement statuant en matière cinématographique de tenir compte de la densité d'équipements en salles de spectacles cinématographiques, ce critère n'étant pas au nombre de ceux fixés par l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée ; le moyen tiré d'un prétendu risque de suréquipement de la zone d'influence cinématographique est donc inopérant ; au demeurant, la description des équipements existants au sein de la zone d'influence est erronée ; les communes de l'Ile Jourdain et de Muret ainsi que le secteur de Basso Cambo à Toulouse ne sont pas situés dans la zone d'influence du projet ; en outre, le projet de complexe cinématographique initialement prévu à Plaisance du Touch n'ayant pas été autorisé, il ne doit pas davantage être pris en considération ; par ailleurs, après la fermeture du cinéma existant Le Central, le projet de cinéma Le Grand Central sera le seul établissement de la zone primaire et permettra de répondre au besoin d'une population importante (49 554 habitants au sein de la zone primaire) et jeune (60 % ayant moins de 30 ans), laquelle serait contrainte de parcourir plusieurs kilomètres pour se rendre au cinéma en l'absence d'établissement sur le territoire de la commune de Colomiers ; en s'implantant au sein de la commune la plus peuplée de la zone d'influence cinématographique, le projet permettra d'assurer un équilibre géographique dans la répartition de l'offre cinématographique conformément aux critères de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée.

- la société Utopia Latin se borne à affirmer que la délimitation de la zone primaire d'influence cinématographique serait erronée, sans apporter de justification relative, notamment, à la localisation et au pouvoir d'attraction des établissements de spectacles cinématographiques existants ; en tout état de cause, à supposer même que la délimitation de la zone primaire serait erronée, l'intégration des deux établissements de Tournefeuille et de Léguevin au sein de la zone secondaire d'influence cinématographique n'a exercé aucune influence sur le sens de la décision de la CNAC ; la présence de ces établissements, leur distance du site du futur Grand Central et l'influence que le projet est susceptible d'exercer ont bien été prises en considération dans le rapport d'instruction de la commission ; le projet le Grand Central sera l'unique établissement implanté au sein de la zone primaire d'influence cinématographique ou, à tout le moins, dans un rayon de 12 minutes en voiture ; il s'agira donc de l'unique établissement à proposer une offre cinématographique à une population de 49 554 habitants, population ayant progressé de 15,6 % entre 2006 et 2013 ; ces éléments sont de nature à confirmer que le projet de la commune de Colomiers répond aux exigences d'aménagement culturel du territoire et de satisfaction des intérêts des spectateurs fixés aux articles L. 212-6 et L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée ;

- il n'appartient pas aux commissions d'aménagement statuant en matière cinématographique d'analyser les effets concurrentiels d'un projet sur les équipements existants ; en tout état de cause, il n'est pas démontré que le projet générerait des difficultés financières pour l'établissement cinématographique existant sur le territoire de la commune de Tournefeuille ni, a fortiori, qu'il entraînerait sa disparition ; la création de 3 salles et de 360 places supplémentaires par rapport à cet établissement n'impactera que de manière très limitée les équipements existants au sein de la zone d'influence cinématographique ; la programmation du cinéma projeté sera mixte à dominante généraliste ; la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) précise dans son rapport que l'augmentation raisonnable du nombre d'écrans permettra d'élargir et de conforter la diversité de l'offre cinématographique, tout en respectant son environnement cinématographique et le travail développé par chaque exploitant ; l'effet potentiel du projet sur l'équilibre existant entre les différentes formes de spectacles cinématographiques devrait être quasiment nul ; le moyen tiré d'une situation de concurrence entre le projet et le cinéma Utopia ainsi que de risques de fermeture de ce dernier doit être écarté ;

- le projet de programmation de la commune de Colomiers et le respect des engagements de programmation contribueront à la diversité de l'offre cinématographique ; le projet permettra notamment d'accroître le nombre de sorties nationales et de diffuser plus longuement les oeuvres programmées ; il participera à la satisfaction des intérêts des spectateurs en termes de confort et de qualité des services offerts ;

- sur les prétendues difficultés d'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques, la société requérante ne justifie d'aucune étude particulière relative aux conditions d'accès des salles aux films au sein de la zone d'influence cinématographique du projet ; elle ne justifie pas davantage d'une analyse du marché des films Art et Essai porteurs à l'échelle locale ou régionale ; il n'est justifié d'aucune difficulté d'accès, pour les salles de la zone d'influence, aux oeuvres cinématographiques ; le projet de la ville de Colomiers, outre sa taille raisonnable, répond à des exigences de service public et n'est pas comparable aux multiplexes évoqués dans le rapport cité par la société requérante au soutien de ses écritures en réplique ; la seule augmentation du nombre d'écrans et de sièges n'aura qu'un impact très limité sur la diffusion des films Art et Essai et, par suite, sur l'accès des salles à ces films ; le Grand Central ne consacrera que 22 % des séances aux films Art et Essai de plus de 150 copies ; les engagements de programmation souscrits par l'entente VEO tendant notamment à la diffusion de films européens et peu diffusés et de films Recherche, ainsi que les engagements visant à assurer aux distributeurs les plus fragiles 20 % de part de marché supplémentaire par rapport à leur part de marché national sont de nature à faciliter l'accès des oeuvres aux salles ; le projet de la ville de Colomiers ne rendra pas plus difficile l'accès des salles aux oeuvres cinématographiques ;

- sur la desserte du projet, en premier lieu, l'allée du Rouergue, voie rectiligne qui offre de bonnes conditions de visibilité, ne souffre pas de difficulté de circulation et ne connaît pas un trafic particulièrement intense ; en deuxième lieu, le site du projet se situe à proximité immédiate de plusieurs parkings publics totalisant plus de 1 000 emplacements ; l'argument de la société requérante selon lequel les spectateurs ne souhaiteraient pas stationner sur ces parkings et tenteraient d'accéder au futur parking composé de 70 emplacements situé à l'arrière du projet, lié à la volonté des spectateurs, est inopérant ; les personnes à mobilité réduite disposeront de 4 emplacements réservés, sans compter les places qui leur sont également réservées sur les parkings publics ; en troisième lieu, le site est accessible en transports en commun ; la seule circonstance que deux lignes cesseraient de fonctionner après 20h ne permet pas de considérer que le projet ne serait pas desservi par les transports en commun ; en tout état de cause, la ligne 2 dessert le site jusqu'à 1H30 du matin du lundi au samedi.

Un courrier du 19 septembre 2018, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a précisé la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

L'instruction a été close au 5 novembre 2018, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 mai 2019 :

- le rapport de Mme Nathalie Gay-Sabourdy ;

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public ;

- et les observations de MeB..., représentant la SARL Utopia Latin et les observations de MeA..., représentant la commune de Colomiers.

Une note en délibéré présentée pour la SARL Utopia Latin a été enregistrée le 24 mai 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 22 novembre 2016, la commission départementale d'aménagement cinématographique de la Haute-Garonne a émis un avis favorable au projet de la commune de Colomiers de fermeture du cinéma " Le Central " de 2 salles et 412 fauteuils, situé en centre-ville, pour créer un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Le Grand Central " de 5 salles et 772 places, à 350 mètres de l'emplacement initial. Par un recours présenté le 13 décembre 2016, la SARL Utopia Latin, qui exploite depuis 2003 dans la commune voisine de Tournefeuille un établissement de 4 salles et 462 fauteuils, a demandé à la Commission nationale d'aménagement cinématographique d'annuler cette autorisation. Par décision du 7 avril 2017, notifiée le 11 mai 2017, la Commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté ce recours et autorisé le projet.

Sur la légalité de la décision du 7 avril 2017 :

2. Aux termes de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée : " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 212-6, la commission départementale d'aménagement cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; / c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; / e) La localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement cinématographique ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial statuant en matière cinématographique, lorsqu'elles se prononcent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, parmi lesquels ne figure plus la densité d'équipement en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d'attraction du projet.

4. En conséquence, la société requérante ne saurait se prévaloir du rejet en 2001 par la commission d'aide sélective d'une demande destinée à permettre la création d'un petit complexe Utopia de 5 salles et de 550 fauteuils à Tournefeuille, au motif d'un " risque de suréquipement de la zone ". Le moyen tiré de ce que la zone d'influence cinématographique du projet litigieux s'inscrirait dans un contexte de " triplement de l'offre " ou d'" explosion de l'offre " cinématographique qui engendrerait pour la société requérante de graves difficultés financières de gestion, lesquelles ne sont au demeurant pas établies, est inopérant.

5. En outre, la société Utopia Latin fait valoir que le financement par la collectivité de la totalité des investissements correspondant à la construction et à l'équipement du cinéma destiné à être mis à disposition d'un délégataire crée une distorsion de concurrence. Il ressort cependant des pièces du dossier que l'investissement, évalué à 4,5 millions d'euros, sera mis à la charge du délégataire. Par suite, la société Utopia Latin n'assortit pas ses allégations de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne la détermination de la zone d'influence cinématographique :

6. Aux termes de l'article R. 212-7-1 du code du cinéma et de l'image animée : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 212-9, la zone d'influence cinématographique d'un projet d'aménagement cinématographique correspond à l'aire géographique au sein de laquelle l'établissement de spectacles cinématographiques faisant l'objet d'une demande d'autorisation exerce une attraction sur les spectateurs. / Cette zone est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'établissement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques, de la localisation et du pouvoir d'attraction des établissements de spectacles cinématographiques existants ainsi que de la localisation des établissements exploités sous la même enseigne que celle de l'établissement concerné ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Colomiers a initialement élaboré la zone d'influence cinématographique (ZIC) sur la base d'un temps de trajet de 10 minutes. Afin de permettre une instruction complète de la demande, les contours de la ZIC ont été reconsidérés avec deux sous-zones : une zone primaire correspondant au territoire dont la population est susceptible de se rendre en moins de 10 minutes environ au cinéma et une zone secondaire déterminée par le calcul de l'isochrone à 20 minutes à partir du temps d'un déplacement automobile, ajustée en tenant compte de l'environnement cinématographique, des barrières géographiques et administratives et des pratiques cinématographiques actuelles du cinéma " Le Central ". La circonstance que les établissements cinématographiques de Tournefeuille et de Léguevin, dont il n'est pas contesté qu'ils se situent à plus de 10 minutes de trajet en voiture du cinéma autorisé, ont été exclus de la zone primaire, n'a pas été de nature à fausser l'appréciation portée par la Commission nationale d'aménagement commercial dès lors que la zone d'influence cinématographique correspondant à un temps d'accès en voiture de 20 minutes compte six établissements cinématographiques dont ceux de Tournefeuille et de Léguevin. Par ailleurs, si la SARL Utopia Latin conteste la zone d'influence cinématographique en ce qu'elle ne comprend que 155 239 habitants alors que celle du projet de l'enseigne " Pathé " refusé le même jour par la commission nationale d'aménagement cinématographique à Plaisance-Du-Touch pour 11 salles était de 811 000 habitants, elle ne démontre pas que la zone ainsi délimitée ne serait pas proportionnée, au regard des critères posés par la loi et la réglementation applicables, notamment à la nature et à la taille de l'établissement envisagé. Par suite, la SARL Utopia Latin n'apporte aucun élément probant de nature à établir que la délimitation de la zone par le pétitionnaire aurait été erronée.

En ce qui concerne l'effet potentiel sur la diversité cinématographique :

8. Le projet autorisé consiste en la création d'un cinéma de 5 salles et de 772 places en remplacement du cinéma Le Central de 2 salles et de 332 places, soit une création nette de 3 salles et de 440 places dans un contexte de croissance démographique entre 2006 et 2013 de 12 % pour la zone d'influence cinématographique et de 19,3% pour la commune de Colomiers, qui représente 24,7 % de cette zone. Il ressort des pièces du dossier que la création de cet établissement permettra à la commune de Colomiers d'augmenter les indicateurs d'équipement et de fréquentation, qui sont actuellement en dessous de la moyenne des communes de la même strate, de 1,3 à 2,9 voire 3,9 entrées par habitant, de 1 fauteuil pour 115 habitants à un ratio de 1 pour 50 et de 0,5 à 1,3 écran pour 10 000 habitants. Il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire prévoit de poursuivre la ligne éditoriale actuelle du Central en l'améliorant, avec une programmation mixte à dominante généraliste et 35% des séances consacrées aux films art et essai. L'établissement souhaite conserver le classement art et essai, ainsi que les labels " jeune public " et " patrimoine et répertoire " acquis par le cinéma existant " Le Central ". Par ailleurs, le nombre de films diffusés en version originale sera augmenté. La programmation sera assurée par l'entente de programmation VEO, soumise à des engagements de programmation portant sur la diffusion de films inédits européens et des cinématographies peu diffusées, sur le pluralisme dans le secteur de la distribution et sur l'utilisation des offres alternatives. En outre, un travail en direction du jeune public pendant et hors du temps scolaire sera développé. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet autorisé, dont la vocation est de proposer des films pour tous les publics plus nombreux et exposés plus longuement, renforçant la part aujourd'hui faible de cette offre située près du centre-ville, ne favoriserait pas la diversité de l'offre cinématographique. Enfin, en l'absence de saisine du Médiateur du cinéma et au vu des seules pièces versées au dossier, la société requérante n'établit pas que le projet autorisé entraînerait des tensions dans l'accès aux films ou qu'il serait de nature à aggraver les difficultés d'accès aux films pour les cinémas indépendants les plus proches. Par suite, le projet ne peut être regardé comme compromettant la réalisation de l'objectif de diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans cette zone.

En ce qui concerne l'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme :

9. La société requérante soutient que le projet aurait pour conséquence de renforcer le déséquilibre entre l'ouest et l'est de la zone d'influence cinématographique dans la répartition des établissements. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique, qui présente les caractéristiques d'un territoire périurbain, est en adéquation avec la répartition de la population, plus importante à l'est à proximité de la métropole de Toulouse. Ainsi qu'il a été indiqué dans le point précédent, la création de l'établissement cinématographique autorisé, qui se situera en centre ville à 350 m du cinéma qui sera remplacé, répond à un besoin de modernisation des installations existantes et va permettre d'augmenter, pour la commune de Colomiers, commune la plus peuplée de la zone, les indicateurs d'équipement et de fréquentation, qui sont actuellement en dessous de la moyenne de référence. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet en cause serait de nature à engendrer un déséquilibre entre l'ouest et l'est de la zone.

10. La société Utopia Latin fait par ailleurs valoir que les conditions d'accessibilité du site du Grand Central sont insuffisantes. En premier lieu, il ressort du dossier de demande que le nouvel établissement sera accessible par l'allée du Rouergue qui permet l'accès à l'hyper centre de la commune de Colomiers et il est constant que cette voie, rectiligne et offrant de bonnes conditions de visibilité, est suffisamment dimensionnée pour absorber le flux supplémentaire pour une fréquentation normale du site. Si dans son avis rendu en octobre 2016, le directeur régional des affaires culturelles d'Occitanie estime que cette voie " pourrait rencontrer des difficultés en cas de fréquentation exceptionnelle avec le fonctionnement simultané des équipements " avoisinants, les flux de véhicules (entrants et sortants) de 78 à 106 voitures maximum ont été calculés en considérant que tous les clients arrivent et quittent le cinéma ensemble, au même moment. Or, il est constant que les films ne sont pas diffusés aux mêmes horaires et que les périodes d'ouverture des autres activités de la zone, qui comporte un espace nautique, un collège et une salle de spectacles, ne sont pas similaires. Par suite, ce seul argument ne permet pas d'établir que la desserte routière de l'établissement autorisé, situé en centre ville, ne serait pas adaptée au trafic généré.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le site dispose de parcs de stationnement existants à proximité, place des Fêtes pour 184 places, silo de Rouergue pour 400 places, place du Languedoc pour 500 places, et que 70 nouvelles places de stationnement seront aménagées derrière le cinéma. Par conséquent, en se bornant à souligner que les spectateurs tenteront, logiquement, de se garer au plus près, sur ce parc de stationnement, la société requérante n'établit pas que le nombre de places de stationnement serait insuffisant au regard du nombre de places prévues, compte tenu des parkings déjà existants à proximité et des horaires de fréquentation du cinéma. La circonstance que des places réservées aux personnes handicapées seraient aménagées sur le parking de la place des Fêtes, avec accessibilité par un trottoir adapté, ne permet pas de retenir, du fait de la faible distance, que le projet serait inaccessible à ces personnes.

12. En troisième lieu, le cinéma " Le Grand Central " sera desservi par trois lignes de bus (32, 150 et L2) par les arrêts Hall, Comminges et Salle de Gascogne à proximité. La seule circonstance que deux de ces services de bus ne fonctionnent que jusqu'à 20 heures ne permet pas de considérer que le projet n'est pas desservi par les transports en commun. En quatrième lieu, l'accès piétons est sécurisé et si le site n'est pas encore relié au centre-ville par des circulations cyclables le long de l'allée du Rouergue, il le sera à terme. En tout état de cause, l'accessibilité par deux roues peut s'effectuer à partir de l'allée Rouergue et le projet prévoit 20 places de stationnement pour les vélos. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la qualité insuffisante de la desserte du projet aurait justifié une décision de refus d'autorisation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Utopia Latin n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 7 avril 2017 par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a autorisé la création par la commune de Colomiers d'un établissement de spectacles cinématographiques de 5 salles et 772 places.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SARL Utopia Latin. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 000 euros à verser tant à la Commission nationale d'aménagement cinématographique, qu'à la commune de Colomiers au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Utopia Latin est rejetée.

Article 2 : La SARL Utopia Latin versera la somme de 1 000 euros à la commune de Colomiers en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SARL Utopia Latin versera la somme de 1 000 euros à la Commission nationale d'aménagement cinématographique en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Utopia Latin, à la commune de Colomiers et au ministre de la culture et de la communication (commission nationale d'aménagement cinématographique). Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2019.

Le rapporteur,

Nathalie GAY-SABOURDY Le président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de la culture et de la communication, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

12

N° 17BX01957


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01957
Date de la décision : 20/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-02-025 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Procédure. Commission nationale d'aménagement cinématographique.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET NORAY - ESPEIG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-20;17bx01957 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award