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12/06/2019 | FRANCE | N°17BX00694

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 12 juin 2019, 17BX00694


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFTC des agents territoriaux a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision par laquelle le département de la Guadeloupe a refusé de retirer la nomination de Mme B...D...comme attachée territoriale.

Par un jugement n° 1401231 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la décision par laquelle le département de la Guadeloupe a nommé Mme B... D...en qualité d'attachée territoriale.

Procédure devant la cour :

Par

une requête et un mémoire, enregistrés le 23 février 2017 et le 10 avril 2017 le département d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFTC des agents territoriaux a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision par laquelle le département de la Guadeloupe a refusé de retirer la nomination de Mme B...D...comme attachée territoriale.

Par un jugement n° 1401231 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la décision par laquelle le département de la Guadeloupe a nommé Mme B... D...en qualité d'attachée territoriale.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 février 2017 et le 10 avril 2017 le département de la Guadeloupe, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 1er décembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat CFTC des agents territoriaux ;

3°) de mettre à la charge du syndicat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier au regard des exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, en ce que sa minute ne comporte pas les signatures du président de la formation, du rapporteur et du greffier ;

- le jugement a statué ultra petita, l'avocat du syndicat ayant seulement demandé l'annulation du refus de retirer l'arrêté de nomination de Mme D...et non l'annulation de l'arrêté du 2 janvier 2014 ;

- les conclusions du syndicat, dirigées uniquement contre le refus de retrait de la décision de nomination, sont cristallisées et ne peuvent plus être requalifiées ;

- le seul moyen invoqué par le syndicat à l'encontre du refus de retrait de la nomination était le détournement de pouvoir ; or, quand bien même la déclaration de vacance initiale n'aurait-elle pas été conforme à l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984, cette prétendue irrégularité n'établit pas l'existence d'un détournement de pouvoir matérialisé par le recrutement de Mme D...puis par le refus de retirer sa nomination ;

- par suite, le tribunal s'est fondé sur un moyen relevé d'office, alors qu'il n'était pas d'ordre public, dès lors que le syndicat s'était fondé, pour demander l'annulation du refus de retirer la nomination en litige, sur le seul moyen issu du détournement de pouvoir, et non sur une irrégularité de procédure, moyen pourtant retenu par les premiers juges ;

- en tout état de cause, le recrutement de Mme D...n'a en rien méconnu les dispositions de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984 ; c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'avis de vacance ne pouvait légalement restreindre l'accès aux emplois aux seuls candidats inscrits sur une liste d'aptitude, alors qu'il est loisible à l'administration de prévoir, dans l'intérêt du service, une telle restriction ; c'est également à tort qu'ils ont considéré que le défaut d'indication du motif de la vacance et l'absence de description du poste à pourvoir avaient privé d'une garantie les personnes susceptibles de présenter leur candidature.

Par un mémoire du 24 juillet 2019 enregistré comme une requête distincet, Mme B...D..., représentée par MeC..., conclut à l'annulation du jugement attaqué, au rejet de la demande du syndicat CFTC des agents territoriaux et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de ce syndicat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que sa nomination a été parfaitement régulière, l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984 n'ayant pas été méconnu ; elle présentait bien toutes les qualifications requises pour ce poste et a pleinement donné satisfaction à ses supérieurs depuis sa nomination.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 5 janvier et le 5 juillet 2018, le syndicat CFTC des agents territoriaux conclut au rejet de la requête du département et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête du département n'est pas recevable, en raison du dépassement du délai d'un mois pour la production du mémoire ampliatif de régularisation, auquel ne s'appliquent pas les délais de route pour l'outre-mer ;

- les premiers juges n'ont pas statué ultra petita ni soulevé un moyen d'office, il a au contraire utilement requalifié ses écritures, ce qu'ils pouvaient faire ;

- sur le fond, le tribunal a à bon droit estimé qu'il y avait eu une violation de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984, interdisant que soit mentionné dans la publicité de vacance un mode de recrutement privilégié, ce qui est un principe de portée constitutionnelle garantissant l'égalité d'emploi à l'accès public ;

- si le premier juge a préféré retenir un moyen objectif d'annulation, le Syndicat maintient son moyen issu d'un détournement de pouvoir, notamment au regard de l'article 432-12 du code pénal, Mme D...étant la fille du premier vice-président du département.

Par une ordonnance en date du 14 août 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le département de la Guadeloupe a, par arrêté du 2 janvier 2014, recruté Mme B...D..., lauréate du concours interne d'attaché territorial de la session 2012 et inscrite sur la liste d'aptitude établie par arrêté du 4 avril 2013, en qualité d'attachée territoriale stagiaire, affectée à la direction des affaires économiques européennes et des politiques contractuelles. Le syndicat CFTC des agents territoriaux a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision par laquelle le département de la Guadeloupe a refusé de retirer la nomination de MmeD.... Le département demande l'annulation du jugement du 1er décembre 2016, par lequel ce tribunal a annulé la décision ayant nommé Mme D...en qualité d'attachée territoriale.

Sur la requête du département de la Guadeloupe :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Si le département de la Guadeloupe soutient que le jugement du 1er décembre 2016 qui lui a été notifié ne comporte pas les signatures requises, il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement est, conformément aux exigences des dispositions précitées de l'article R. 741-7, revêtue de la signature du président de la formation de jugement, de celle du rapporteur et de celle du greffier d'audience. La circonstance que le jugement notifié à la commune ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

4. En second lieu, le tribunal administratif doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement requalifié, afin de lui donner un effet utile, le recours formé devant lui par le syndicat CFTC, comme tendant à l'annulation de la décision par laquelle Mme D...a été nommée, alors en outre qu'il n'est ni démontré ni allégué qu'il aurait été tardif à l'encontre de cette décision. Par suite, en ayant regardé le syndicat comme demandant l'annulation de la décision de nomination en cause et en ayant retenu, à l'encontre de cette décision, une irrégularité de procédure, le tribunal administratif n'a ni statué au-delà des moyens dont il était saisi, ni soulevé d'office un moyen, la méconnaissance de l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984 ayant été soulevée par le syndicat requérant.

Au fond :

5. Aux termes de l'article 41 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable : " Lorsqu'un emploi permanent est créé ou devient vacant, l'autorité territoriale en informe le centre de gestion compétent qui assure la publicité de cette création ou de cette vacance, à l'exception des emplois susceptibles d'être pourvus exclusivement par voie d'avancement de grade. Les vacances d'emploi précisent le motif de la vacance et comportent une description du poste à pourvoir. L'autorité territoriale pourvoit l'emploi créé ou vacant en nommant l'un des candidats inscrits sur une liste d'aptitude établie en application de l'article 44 ou l'un des fonctionnaires qui s'est déclaré candidat par voie de mutation, de détachement, d'intégration directe ou, le cas échéant et dans les conditions fixées par chaque statut particulier, par voie de promotion interne et d'avancement de grade. ". Ces dispositions subordonnent tout recrutement effectué par une collectivité territoriale pour pourvoir un emploi vacant ou nouvellement créé à l'accomplissement de mesures de publicité. Avant d'envisager le recrutement d'un agent, il appartient à l'autorité territoriale de s'assurer que la procédure de déclaration de création ou de vacance d'emploi est mise en oeuvre dans des conditions lui permettant, sauf dans le cas où elle établirait l'urgence pour les besoins du service, d'envisager les différents modes de recrutement d'agents titulaires prévus à l'article 41 précité.

6. Pour contester le jugement attaqué, le département de la Guadeloupe soutient qu'en restreignant l'accès au grade d'attaché territorial à la seule voie d'un recrutement par liste d'aptitude, excluant les autres voies d'accès prévues à l'article 41 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984, et en ne mentionnant ni le motif de la vacance ni la description du poste à pourvoir, elle n'a pas entaché d'irrégularité la publicité préalable à la décision de nomination contestée ni privé d'une garantie les personnes susceptibles de présenter leur candidature pour occuper l'emploi vacant alors que les dispositions précitées n'interdisaient nullement à l'intéressée de prévoir une telle restriction. Cependant, elle ne se prévaut ainsi d'aucun élément de fait ou de droit nouveau ou utile par rapport à l'argumentation développée en défense devant le tribunal administratif. Pour retenir comme fondé ce moyen ce dernier a considéré " qu'il ressort des pièces du dossier que l'emploi dont s'agit a fait l'objet d'une déclaration de vacance auprès du centre de gestion de la Guadeloupe en date du 21 novembre 2013 ; que, toutefois, cet avis de vacance qui ne précise ni le motif de la vacance, ni ne comporte une description du poste à pourvoir ne répond pas aux prescriptions de l'article 41 précité de la loi susvisée du 26 janvier 1984 ; qu'en outre, il restreint aux candidats inscrits sur une liste d'aptitude l'accès à cet emploi ; que, par suite, l'irrégularité de la publicité préalable a privé d'une garantie les personnes susceptibles de présenter leur candidature pour occuper cet emploi public ; qu'un tel manquement a également été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision du département de la Guadeloupe ; qu'il a, dès lors, constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité du recrutement attaqué ; que, dès lors, le syndicat requérant est fondé à en demander l'annulation ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ce moyen.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le syndicat, que le département de la Guadeloupe n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé décision par laquelle il a nommé Mme B...D...en qualité d'attachée territoriale.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du syndicat CFTC des agents territoriaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le département de la Guadeloupe sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Guadeloupe une somme de 2 000 euros que demande le syndicat sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par le département de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : Le département de la Guadeloupe versera au syndicat CFTC des agents territoriaux la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Guadeloupe, à Mme B...D...et au syndicat CFTC des agents territoriaux.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2019.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

5

N° 17BX00694


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00694
Date de la décision : 12/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-03 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Nominations.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-12;17bx00694 ?
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