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06/06/2019 | FRANCE | N°17BX01857

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 17BX01857


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Foncière Bordelaise VII a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2015 par lequel le président de Bordeaux Métropole a décidé le déclassement d'un terrain de 1 283 m² situé avenue de la Marne à Mérignac.

Par un jugement n°1505614 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 13 juin 2017 et le 15 janvier 2019,

la SAS Foncière Bordelaise VII, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Foncière Bordelaise VII a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2015 par lequel le président de Bordeaux Métropole a décidé le déclassement d'un terrain de 1 283 m² situé avenue de la Marne à Mérignac.

Par un jugement n°1505614 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 13 juin 2017 et le 15 janvier 2019, la SAS Foncière Bordelaise VII, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 avril 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2015/2005 du 21 octobre 2015 du président de Bordeaux Métropole ;

3°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir contre l'arrêté du 21 octobre 2015 en qualité de voisine de la parcelle déclassée et en tant que titulaire d'une servitude de bon père de famille ; elle dispose d'un compteur d'eau sur le terrain appartenant désormais à la collectivité publique ; la servitude concerne la présence de ce compteur et de la canalisation qui alimente son fonds ; Bordeaux Métropole n'a pu obtenir le déplacement de ce compteur devant le juge des référés du tribunal de grande instance ; la servitude concerne également un droit d'accès, de stationnement et de retournement ;

- l'arrêté de prescription d'enquête publique n'était pas régulier ; l'adresse du lieu d'enquête n'est pas indiquée de manière suffisamment précise, en méconnaissance des articles R. 141-4 et R. 141-5 du code de la voirie routière ;

- le dossier d'enquête publique ne comprenait pas tous les éléments requis par l'article R. 141-6 du code de la voirie routière ; la notice explicative du projet est insuffisante car elle ne cite pas les dispositions législatives ou réglementaires relatives à la procédure de déclassement et ne comporte pas d'explications détaillées relatives au projet, lequel entraîne en réalité une modification de l'alignement de la voie communale ; dès lors que l'alignement de la voie publique est impacté, le plan parcellaire devait comporter l'indication d'une part des limites existantes de la voie communale, des parcelles riveraines et des bâtiments existants, d'autre part des limites projetées de la voie communale ;

- l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir et il n'a d'autre but que de satisfaire les intérêts privés du futur acquéreur des parcelles concernées pour la construction d'un immeuble d'habitation ; la parcelle appartient à la collectivité publique, elle est affectée à l'usage direct du public qui utilise cette partie de la voirie routière comme parking, voie de desserte et comme aire de retournement ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit, tout comme l'avis du commissaire enquêteur, dès lors que la parcelle est toujours utilisée comme un parking public, donc affectée à l'usage du public et fait l'objet d'aménagements spécifiques en ce sens ; l'arrêté en cause prononce le déclassement de certaines portions de la voirie publique en méconnaissance des droits de passage des voisins.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2018, Bordeaux Métropole, prise en la personne de son président, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SAS Foncière Bordelaise VII à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la SAS Foncière Bordelaise VII ne justifie pas d'un intérêt à agir ; la seule qualité de voisin ne suffit pas pour justifier d'un intérêt donnant qualité à agir contre un acte de déclassement ; les titres de propriété de Bordeaux Métropole ne mentionnent pas l'existence d'une servitude au profit de la société Foncière Bordelaise ; à la lecture des actes de vente, les parcelles concernées n'appartenaient pas initialement à un même propriétaire et ne résultent pas d'une division de fonds et cette seule circonstance, qui résulte de la simple lecture des actes de ventes, permet d'écarter l'existence d'une servitude par destination du père de famille sur la parcelle CI 681 ; c'est la SCI Arcades de Mondésir qui a édifié le local commercial exploité par la société Foncière Bordelaise ; à supposer que ce soit cette société qui ait établi le compteur d'eau et la terrasse, elle n'a pu créer de servitudes par destination du père de famille sur un terrain qui ne lui appartenait pas ; les conditions d'existence de la servitude par destination du père de famille doivent être antérieures aux actes de propriété, dans la mesure où elles sont décidées en amont par le propriétaire initial, ce qui n'est pas non plus le cas en l'espèce ; en application du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance de cette parcelle au domaine public de Bordeaux Métropole de 2000 à 2015 rend incompatible l'existence d'une servitude par destination du père de famille ; l'existence de la servitude ne donne pas intérêt à agir à l'encontre de l'acte de déclassement dans la mesure où cet acte ne porte pas atteinte à la servitude ;

- elle a fourni dans le cadre du dossier d'enquête un plan de situation qui permet clairement d'identifier l'emprise concernée par le projet de déclassement ; la notice explicative est suffisamment précise et complète ; le projet ne concerne pas l'alignement des voies communales et le dossier ne devait donc pas comporter de plan parcellaire ;

- l'arrêté de déclassement s'inscrit dans le cadre du Programme d'aménagement d'ensemble d'un quartier approuvé par la délibération du conseil de la Communauté urbaine de Bordeaux du 18 janvier 2008 ; il n'est donc pas entaché de détournement de pouvoir ;

- la circonstance que le commissaire enquêteur ait considéré que la parcelle n'accueillait pas un parking public est sans influence sur la régularité de la procédure suivie ;

- le constat d'huissier produit par la requérante atteste de la présence de véhicules en stationnement en mai 2017 en dehors de toute volonté de Bordeaux Métropole de l'affecter à un usage de parking public, puisque cette parcelle est destinée à être construite et avait été clôturée pour la désaffecter ;

- pas plus les riverains que la société requérante ne disposaient d'un droit de passage sur le terrain en cause ;

- la SAS Foncière Bordelaise VII a présenté un recours abusif et doit être condamnée au paiement d'une amende sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Un courrier du 18 janvier 2019, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

L'instruction a été close au 22 mars 2019, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Foncière Bordelaise VII a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2015 par lequel le président de Bordeaux Métropole a décidé le déclassement d'un terrain de 1 283 m² situé avenue de la Marne à Mérignac. Par un jugement en date du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. La SAS Foncière Bordelaise VII relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 21 octobre 2015 :

2. En premier lieu, le second alinéa de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière dispose que : " Les délibérations concernant le classement ou le déclassement sont dispensées d'enquête publique préalable sauf lorsque l'opération envisagée a pour conséquence de porter atteinte aux fonctions de desserte ou de circulation assurées par la voie ". Aux termes de l'article R. 141-4 du code de la voirie routière : " L'enquête publique prévue au deuxième alinéa de l'article L. 141-3 s'effectue dans les conditions fixées par la présente sous-section. / Un arrêté du maire désigne un commissaire enquêteur et précise l'objet de l'enquête, la date à laquelle celle-ci sera ouverte et les heures et le lieu où le public pourra prendre connaissance du dossier et formuler ses observations (...) " Aux termes de l'article R. 141-5 du même code : " Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant toute la durée de celle-ci, l'arrêté du maire est publié par voie d'affiche et éventuellement par tout autre procédé. "

3. Contrairement à ce que soutient la société requérante, l'arrêté du 6 mars 2015 par lequel le président de Bordeaux Métropole a prescrit l'enquête publique préalable au déclassement en litige répond aux exigences des dispositions précitées de l'article R. 141-4 du code de la voirie routière, notamment concernant les lieux où le public pourra prendre connaissance du dossier et formuler ses observations. Si la " mairie de Mérignac " ne spécifie pas d'adresse, celle-ci pouvait facilement être trouvée par les habitants, et le second site de consultation du dossier est parfaitement identifié comme " Bordeaux Métropole- Direction territoriale Ouest, située Parc Sextant - 6-8, avenue des Satellites - Immeuble A - 33185 Le Haillan ".

4. En deuxième lieu, l'article R. 141-6 du code de la voirie routière dispose : " Le dossier d'enquête comprend : a) Une notice explicative ; b) Un plan de situation ; c) S'il y a lieu, une appréciation sommaire par nature de dépense à effectuer ; d) L'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue par la réglementation en vigueur. // Lorsque le projet mis à l'enquête est relatif à la délimitation ou à l'alignement des voies communales, il comprend en outre : a) Un plan parcellaire comportant l'indication d'une part des limites existantes de la voie communale, des parcelles riveraines et des bâtiments existants, d'autre part des limites projetées de la voie communale ; b) La liste des propriétaires des parcelles comprises, en tout ou partie, dans l'emprise du projet ; c) Eventuellement, un projet de plan de nivellement ".

5. Il ressort des pièces produites par Bordeaux Métropole que le dossier d'enquête publique contenait bien toutes les pièces exigées par les dispositions rappelées ci-dessus. La notice explicative comportait les motifs qui avaient conduit Bordeaux Métropole à envisager le déclassement du terrain en cause, et aucun texte n'imposait qu'elle mentionnât les dispositions législatives et réglementaires applicables. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet en litige emporterait modification de l'alignement de l'avenue de la Marne, et le dossier n'avait donc pas à comporter les éléments exigés sur ce point par les dispositions précitées de l'article R. 141-6 du code de la voirie routière.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le déclassement en litige s'inscrit dans le cadre du programme d'aménagement d'ensemble de l'îlot 2B du quartier de La Glacière à Mérignac, instauré par délibération du 18 janvier 2008, et va permettre ainsi la réalisation de 18 logements en accession sociale. Dans ces conditions, et même si la décision de déclassement, qui vise tant ce projet que l'absence d'intérêt du terrain pour la circulation publique et générale, aura pour effet de supprimer un espace de stationnement, cette seule circonstance ne permet pas de la regarder comme prise pour des motifs étrangers à l'intérêt général. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté. La circonstance que l'espace de stationnement présenterait néanmoins, selon la requérante, un certain intérêt pour des riverains ou clients de ses magasins ne permet pas davantage de retenir une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'intérêt public de création des logements en vue desquels le déclassement a été opéré.

7. En quatrième lieu, l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'afin de désaffecter la parcelle devant recevoir le programme immobilier envisagé, le terrain en litige, jusqu'alors accessible au public, a été clôturé par la pose de barrières ayant vocation à interdire l'accès et le stationnement. Par suite, la circonstance que, malgré la pose d'une clôture, le terrain a continué à être utilisé, après la décision attaquée, pour le stationnement de véhicules, est sans influence sur la légalité de cet arrêté, une décision de déclassement portant par elle-même désaffectation.

9. En cinquième lieu, si la société requérante soutient que la procédure est irrégulière dès lors que l'avis du commissaire enquêteur n'a pas qualifié l'aire de stationnement de parking public, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie.

10. En sixième lieu, l'article L. 2122-4 du code général de la propriété des personnes publiques dispose : " Des servitudes établies par conventions passées entre les propriétaires, conformément à l'article 639 du code civil, peuvent grever des biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent du domaine public, dans la mesure où leur existence est compatible avec l'affectation de ceux de ces biens sur lesquels ces servitudes s'exercent ". Si la SAS Foncière Bordelaise VII se prévaut d'une servitude de passage des voisins sur le terrain litigieux, elle ne justifie d'aucun titre ou accord exprès relatif à une servitude conventionnelle, qui ne saurait présenter un caractère tacite, leur permettant d'utiliser le terrain. Par ailleurs, la circonstance qu'elle revendique devant la juridiction judiciaire une servitude de bon père de famille quant au compteur et à la canalisation dont elle bénéficie sur le terrain litigieux est par elle-même sans incidence sur la légalité du déclassement.

11. Il résulte de ce qui précède que la SAS Foncière Bordelaise VII n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de condamnation pour recours abusif :

12. L'appel formé par la SAS Foncière Bordelaise VII ne présente pas un caractère abusif. Par suite et en tout état de cause, les conclusions de Bordeaux Métropole tendant à la condamnation de l'appelante au paiement de l'amende prévue par l'article R. 741-12 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Bordeaux Métropole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SAS Foncière Bordelaise VII au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Foncière Bordelaise VII la somme de 1 500 euros au bénéfice de Bordeaux métropole sur le fondement des mêmes dispositions. Enfin, en l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Foncière Bordelaise VII est rejetée.

Article 2 : La SAS Foncière Bordelaise VII versera une somme de 1 500 euros à Bordeaux Métropole sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Bordeaux Métropole est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Foncière Bordelaise VII et à Bordeaux Métropole.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. David Terme, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juin 2019.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

No 17BX01857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01857
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02-025 Domaine. Domaine public. Régime. Déclassement.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET PARME

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-06;17bx01857 ?
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