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28/05/2019 | FRANCE | N°17BX01637,17BX01639

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 28 mai 2019, 17BX01637,17BX01639


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui verser une indemnité d'un montant de 458 654,47 euros, en réparation de son préjudice résultant de l'infection nosocomiale qu'il a contractée lors d'une intervention chirurgicale réalisée le 11 janvier 2005 au sein de cet établissement public de santé.

Par un jugement n° 1505259 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier unive

rsitaire de Toulouse à verser à M. C... la somme de 22 000 euros et à la caisse p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui verser une indemnité d'un montant de 458 654,47 euros, en réparation de son préjudice résultant de l'infection nosocomiale qu'il a contractée lors d'une intervention chirurgicale réalisée le 11 janvier 2005 au sein de cet établissement public de santé.

Par un jugement n° 1505259 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. C... la somme de 22 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme

de 107 143,54 euros, ainsi que la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire

de gestion.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 17BX01637 le 23 mai 2017, et deux mémoires, enregistrés les 12 juillet et 25 septembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, représentée par la SELARL Thévenot et associés, demande à la cour :

1°) de porter à la somme globale de 166 887,83 euros la somme que le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse a été condamné à lui verser et de réformer en ce sens ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 mars 2017 ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse le paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a versé au titre du préjudice de perte de revenus actuels de M. C...des indemnités journalières d'un montant de 24 443,95 euros pour la période allant du 7 août 2005 au 9 janvier 2008, au titre du préjudice de perte de revenus futurs de M. C...des arrérages de pension d'invalidité d'un montant de 33 554,69 euros pour la période allant du 10 janvier 2008 au 25 octobre 2010, et au titre des dépenses de santé futures, des frais médicaux

du 13 décembre 2010 au 25 février 2011, des frais d'hospitalisation du 6 janvier au

7 janvier 2011 et des frais pharmaceutiques du 7 au 28 janvier 2011 pour un montant global

de 1 745,65 euros ;

- l'ensemble de ses débours est directement imputable à l'infection nosocomiale dont a été victime M.C....

Par un mémoire, enregistré le 9 août 2018, l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales conclut à la confirmation du jugement en tant qu'il a été mis hors de cause, subsidiairement à ce qu'il soit pris acte qu'il ne s'oppose pas à la mesure d'expertise sollicitée sous ses plus vives réserves, et en outre à ce qu'il soit mis à la charge du CHU de Toulouse le paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que M. C...a été victime d'une infection nosocomiale en relation avec une intervention chirurgicale du 11 janvier 2005 dont il ne résulte aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de sorte que les conditions d'une réparation au titre de la solidarité nationale en application de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ne sont pas réunies.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 août, 29 août et 28 septembre 2018, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, représenté par la SELARL Montazeau et Cara, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la CPAM de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 17BX01639 le 23 mai 2017, et un mémoire, enregistré le 17 octobre 2017, M. A... C..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale, subsidiairement, de porter à la somme globale de 518 281,93 euros la somme que le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse a été condamné à lui verser et de réformer en ce sens ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 mars 2017 ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse le paiement de la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le rapport d'expertise est incomplet, notamment sur les causes du syndrome des loges dont il a souffert, sur son déficit fonctionnel permanent, son préjudice esthétique temporaire, les souffrances endurées, la perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle ; il est contradictoire sur la date de consolidation ;

- en refusant une nouvelle expertise, le tribunal a méconnu le respect du principe du contradictoire et son droit à un procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a eu recours à l'assistance d'une tierce personne avant sa consolidation à raison d'une demi-heure quotidienne pendant un mois suivant chacune de ses hospitalisations, soit un préjudice évalué à 1 680 euros ;

- la perte de gains professionnels pendant la période allant du 7 août 2005 au 25 octobre 2010 doit être évaluée à la somme de 31 668,94 euros ;

- sa perte de gains professionnels futurs doit être évaluée à la somme de 358 437,09 euros ;

- l'incidence professionnelle subie doit être évaluée à la somme de 50 000 euros ;

- son déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé à hauteur de 12 495,90 euros, ses souffrances endurées à 12 000 euros, son préjudice esthétique temporaire à 3 500 euros, son déficit fonctionnel permanent à 45 000 euros, son préjudice esthétique permanent à 3 500 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 septembre et 3 novembre 2017 et

les 16 avril, 2 août et 28 septembre 2018, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, représenté par la SELARL Montazeau et Cara, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 2 mars et 16 avril 2018, la société Axa France Iard SA, assureur du CHU de Toulouse, représentée par la SELARL Montazeau et Cara, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 12 juillet et 25 septembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne, représentée par la SELARL Thévenot et associés, demande à la cour :

1°) de porter à la somme globale de 166 887,83 euros la somme que le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse a été condamné à lui verser et de réformer en ce sens ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 mars 2017 ;

2°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse le paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a versé au titre du préjudice de perte de revenus actuels de M. C...des indemnités journalières d'un montant de 24 443,95 euros pour la période allant du 7 août 2005 au 9 janvier 2008, au titre du préjudice de perte de revenus futurs de M. C...des arrérages de pension d'invalidité d'un montant de 33 554,69 euros pour la période allant du 10 janvier 2008 au 25 octobre 2010, et au titre des dépenses de santé futures, des frais médicaux du 13 décembre 2010 au 25 février 2011, des frais d'hospitalisation du 6 janvier au 7 janvier 2011 et des frais pharmaceutiques du 7 au 28 janvier 2011 pour un montant global de 1 745,65 euros ;

- l'ensemble de ses débours est directement imputable à l'infection nosocomiale dont a été victime M.C....

Par un mémoire, enregistré le 9 août 2018, l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par MeG..., conclut à la confirmation du jugement en tant qu'il a été mis hors de cause, subsidiairement à ce qu'il soit pris acte qu'il ne s'oppose pas à la mesure d'expertise sollicitée sous ses plus vives réserves, et en outre à ce qu'il soit mis à la charge du CHU de Toulouse le paiement d'une somme

de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que M. C...a été victime d'une infection nosocomiale en relation avec une intervention chirurgicale du 11 janvier 2005 dont il ne résulte aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de sorte que les conditions d'une réparation au titre de la solidarité nationale en application de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ne sont pas réunies.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.B...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me E...représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse, et de MeD..., représentant M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., alors âgé de 19 ans, a été victime le 9 janvier 2005 d'un accident de motocross qui lui a causé une fracture comminutive trochantéro-diaphysaire du fémur droit. Il a subi au centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse une intervention d'ostéosynthèse par enclouage centromédullaire le 11 janvier 2005, puis le même jour, à 19 h, une incision de décharge avec ouverture des trois loges de la jambe gauche. Des prélèvements réalisés

le 31 mars 2005, lors d'une reprise chirurgicale de retrait du matériel d'ostéosynthèse, ont permis de diagnostiquer une ostéite chronique à corynebactérium séminale et staphylocoque capitis. Il a ensuite été procédé, le 2 mars 2006, à l'ablation du clou centromédullaire, puis,

le 11 octobre 2007, à une ostéotomie fémorale ainsi qu'à la mise en place d'un fixateur externe pour allongement progressif du fémur. Une nouvelle reprise chirurgicale a été réalisée,

le 16 novembre 2008, pour l'ablation du fixateur externe en raison d'un sepsis à staphylocoque haemolyticus. Enfin, il a été procédé, le 5 avril 2010, à un déverrouillage partiel de la plaque du fémur et au retrait de cinq vis.

2. M. C...a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Midi-Pyrénées, laquelle a rendu, le 9 février 2011, sur la base du rapport de l'expertise qu'elle avait diligentée, un avis favorable à l'indemnisation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale dont a été atteint M.C..., incombant à l'assureur du CHU de Toulouse. L'intéressé, qui a refusé une proposition d'indemnisation amiable d'un montant

de 12 016 euros et contesté les conclusions de l'expertise, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'une demande d'expertise judiciaire, qui a été rejetée par une ordonnance du 29 octobre 2012. Puis, par un jugement du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le CHU de Toulouse à verser à M. C... la somme de 22 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne la somme

de 107 143,54 euros.

3. Par la requête n° 17BX01639, M. C...relève appel de ce jugement afin que soit ordonnée, avant dire droit, une expertise et subsidiairement que soit portée à 518 281,93 euros la somme que le CHU de Toulouse a été condamné à lui verser tandis que, par la requête n° 17BX01637, la CPAM demande que soit portée à 166 887,83 euros la somme qui lui a été allouée par le tribunal. Les deux requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'intervention de la société Axa France Iard SA :

4. Dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui peuvent se prévaloir d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier. L'assureur d'un établissement public de santé, dont la responsabilité est recherchée ne peut être regardé, comme pouvant, dans le cadre d'un litige relatif à l'engagement de cette responsabilité, se prévaloir d'un droit de cette nature. Ainsi, la société Axa France Iard SA, assureur du CHU de Toulouse, n'a pas intérêt à intervenir dans le cadre de la présente instance. Son intervention doit, dès lors, être rejetée.

Sur la demande d'expertise :

5. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...). ". Il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile.

6. Il résulte de l'instruction que le professeur Chammas, chirurgien orthopédiste, et le docteurH..., médecin infectiologue, experts désignés par la CRCI de Midi-Pyrénées, ont procédé à l'examen clinique de M. C...et ont examiné son dossier médical. Ils ont déposé un rapport retraçant de manière circonstanciée l'histoire médicale de l'intéressé, en particulier les conditions de la réalisation des différentes interventions chirurgicales qu'il a subies et ont délivré une analyse critique des faits litigieux, qui est de nature à éclairer le juge administratif par les conclusions qu'ils ont tirées de l'examen de l'affaire. Contrairement à ce que soutient M.C..., il ne résulte pas de l'instruction que cette expertise serait affectée d'insuffisances ou de contradictions, notamment en ce qui concerne les causes du syndrome des loges dont il a souffert en dépit d'une erreur de plume à propos de la jambe concernée, ainsi que l'évaluation de son préjudice esthétique aussi bien temporaire que permanent, des souffrances endurées, de sa perte de gains professionnels, de l'incidence professionnelle et de son déficit fonctionnel

permanent. Il en est de même de la date de consolidation de son état de santé en conséquence de l'infection nosocomiale qui a été fixée au 25 octobre 2010. Dans ces conditions, l'expertise demandée par M. C...ne présente pas un caractère utile.

7. Par ailleurs, si, en faisant valoir qu'en refusant de prescrire une nouvelle expertise, le tribunal aurait méconnu le respect du principe du contradictoire et son droit à un procès équitable garanti par l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. C...a entendu soutenir que le jugement serait entaché d'une irrégularité, il résulte de l'instruction qu'il a été examiné par les experts et qu'il a pu, lors des opérations d'expertise, discuter contradictoirement les pièces médicales produites et présenter ses observations. Il a pu en outre contester devant les premiers juges les conclusions de l'expertise. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

Sur le principe de responsabilité :

8. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé (...), ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère ne soit rapportée. Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise

des Pr Chammas et DrH..., que le syndrome des loges " post contusif " qui est apparu et qui a été rapidement traité par une aponévrotomie de décharge est une conséquence de l'accident initial et non de la prise en charge de la fracture par les services du CHU de Toulouse. Par ailleurs, la traction trans-condylienne au niveau du fémur droit réalisée en urgence puis l'intervention chirurgicale du 11 janvier 2005 d'ostéosynthèse centro-médullaire avec fixation fémorale cervicale étaient conformes aux recommandations et ont été conduites dans les règles de l'art.

10. En second lieu, les parties à l'instance ne contestent pas le caractère nosocomial de l'infection diagnostiquée le 29 mars 2005 et confirmée par les prélèvements bactériologiques réalisés lors de la reprise chirurgicale du 31 mars suivant qui ont mis en évidence la présence de germes corynebactérium séminale et staphylocoque capitis. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la prise en charge de l'infection du site opératoire a ensuite été conforme aux données acquises de la science médicale.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C...est seulement fondé à demander la condamnation du CHU de Toulouse à réparer les conséquences dommageables directement imputables à l'infection nosocomiale, lesquelles ne relèvent pas, en l'espèce, de la réparation au titre de la solidarité nationale en application de l'article L. 1142-1-1 du code de

la santé publique.

Sur l'évaluation des préjudices :

12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que l'état de santé de M. C...en lien de causalité direct avec l'infection nosocomiale dont il a été atteint était stabilisé à la date des opérations d'expertise, de sorte que les experts ont retenu une date de consolidation au 25 octobre 2010. Si M. C...fait valoir qu'à cette date, seule une ablation partielle du matériel d'ostéosynthèse avait été réalisée et qu'une ablation définitive a eu lieu postérieurement, cette circonstance, qui est en lien avec l'accident initial et non avec les conséquences dommageables de l'infection nosocomiale n'est pas de nature à remettre en cause la date de consolidation ainsi fixée alors que le dernier traitement antibiotique reçu par l'intéressé remontait à plus d'un an et demi.

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant des préjudices temporaires :

Quant aux pertes de revenus temporaires :

13. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts désignés par

la CRCI que, compte tenu de sa gravité, le traumatisme initial aurait imposé, même en l'absence d'infection nosocomiale, l'arrêt des activités professionnelles de M.C..., qui exerçait les fonctions de manutentionnaire, jusqu'au 7 août 2005 et aurait justifié à cette date une reprise d'activité sans port de charges, ni station debout prolongée, l'infection dont il a été atteint obligeant au report d'une telle possibilité de reprise. Dans ces conditions, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, M. C...est fondé à être indemnisé des pertes de revenus qu'il a subies au cours de la période allant du 8 août 2005 au 25 octobre 2010. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'au cours de l'année précédant l'accident, M. C...a perçu un salaire net d'un montant de 12 180 euros. Compte tenu des ressources dont il a disposé au cours de la période en cause, constituées des indemnités journalières de sécurité sociale, puis des arrérages de pension d'invalidité, il sera fait une exacte appréciation de la perte temporaire de revenus subie

par M. C...en lui allouant la somme de 9 128 euros.

14. La CPAM de la Haute-Garonne justifie, quant à elle, avoir supporté pour le compte de son assuré, au cours de la période en cause, le versement d'indemnités journalières

du 7 août 2005 au 8 janvier 2008 pour un montant de 24 443,95 euros puis des arrérages de pension d'invalidité du 10 janvier 2008 au 25 octobre 2010 pour un montant de 33 554,69 euros, soit une somme globale de 57 998,64 euros au paiement de laquelle il y a lieu de condamner le CHU de Toulouse.

Quant aux dépenses de santé :

15. La CPAM de la Haute-Garonne établit qu'elle a exposé des frais hospitaliers, médicaux et pharmaceutiques qui sont imputables à l'infection nosocomiale subie par

M. C...à hauteur de la somme de 107 143,54 euros retenue par les premiers juges et, d'ailleurs, non contestée par le CHU de Toulouse.

Quant aux frais d'assistance par tierce personne :

16. Le principe de réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut, augmenté des cotisations sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail et en tenant compte des congés payés.

17. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. C...a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison d'une demi-heure quotidienne au cours du mois suivant chacune des huit hospitalisations de reprise en lien avec l'infection. Il y a lieu de calculer ces frais d'assistance en retenant un taux horaire de 13 euros, appliqué sur une base

de 412 jours par an permettant d'intégrer les coûts salariaux supplémentaires au titre du travail le dimanche et les jours fériés et au titre des congés. Par suite, M. C...est fondé à obtenir la condamnation du CHU de Toulouse à lui verser la somme de 1 680 euros qu'il demande à ce titre.

S'agissant des préjudices permanents :

Quant à la perte de revenu et à l'incidence professionnelle :

18. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que M. C...ne présente, à la date de consolidation, aucune atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique en lien de causalité direct avec l'infection nosocomiale et qu'il n'y a aucune répercussion professionnelle permanente en relation avec cette infection, les séquelles que l'intéressé conserve, notamment la limitation minime de la rotation externe du côté droit, étant en rapport avec la fracture initiale. Les demandes présentées par M. C...des chefs de la perte de revenus professionnels et de l'incidence professionnelle doivent donc être rejetées.

Quant aux dépenses de santé :

19. Il ne résulte pas de l'instruction que les frais médicaux, d'hospitalisation et pharmaceutiques supportés par la CPAM de la Haute-Garonne pour le compte de

M. C...postérieurement au 25 octobre 2010, notamment pour l'ablation définitive du matériel d'ostéosynthèse en lien avec l'accident initial, seraient directement imputables à l'infection nosocomiale subie par l'intéressé.

En ce qui concerne les préjudices à caractère extrapatrimonial :

S'agissant des préjudices temporaires :

20. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. C...a subi du fait de l'infection nosocomiale un déficit fonctionnel temporaire total pendant 351 jours, un déficit fonctionnel temporaire qui peut être évalué à 30 % pendant 1 315 jours et un déficit fonctionnel temporaire qui peut être évalué à 20 % pendant 45 jours. Dès lors, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisance appréciation de ce préjudice en l'évaluant à hauteur

de 12 000 euros.

21. Les premiers juges ont également fait une suffisante appréciation des souffrances endurées par M.C..., imputables à l'infection nosocomiale et qui ont été évaluées à 4 sur une échelle de 1 à 7, en lui allouant de ce chef une indemnité d'un montant de 7 500 euros.

22. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. C...a subi un préjudice esthétique temporaire, imputable à l'infection nosocomiale, évalué à 2,5 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant à ce titre une indemnité de 2 500 euros.

S'agissant des préjudices permanents :

23. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'à la date de consolidation, M. C...ne présente pas de déficit fonctionnel permanent en lien de causalité direct avec l'infection nosocomiale, les seules séquelles, d'ailleurs minimes, qu'il présente étant la conséquence de l'accident initial. Par ailleurs, son préjudice esthétique permanent en raison notamment de la majoration de ses cicatrices, évalué par les experts à 2,5 sur une échelle allant de 1 à 7, peut, par une juste appréciation, être indemnisé à hauteur de la somme de 2 500 euros.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...est seulement fondé à demander que l'indemnité au paiement de laquelle le CHU de Toulouse a été condamné soit portée à la somme globale de 35 308 euros et à obtenir en ce sens la réformation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 mars 2017. Par ailleurs, la CPAM de la Haute-Garonne est seulement fondée à demander que le montant du remboursement des débours au paiement duquel le CHU a été condamné soit porté à la somme de 165 142,18 euros et à obtenir la réformation du jugement en ce sens.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

25. Aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) ".

26. La CPAM de la Haute-Garonne a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 080 euros auquel elle a été fixée par l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Toulouse une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C...dans les deux instances et non compris dans les dépens, ainsi qu'une même somme au titre des frais exposés par la CPAM de la Haute-Garonne dans ces mêmes instances. Il n'y a en revanche pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Toulouse la somme demandée au même titre par l'ONIAM.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Axa France Iard SA n'est pas admise.

Article 2 : L'indemnité que le CHU de Toulouse est condamné à verser à M. C...est portée à la somme de 35 308 euros.

Article 3 : La somme que le CHU de Toulouse est condamné à verser à la CPAM de

la Haute-Garonne en remboursement de ses débours est portée à 165 142,18 euros.

Article 4 : L'indemnité forfaitaire de gestion que le CHU de Toulouse est condamné à verser à la CPAM de la Haute-Garonne en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est portée à la somme de 1 080 euros.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le CHU de Toulouse versera à M. C...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le CHU de Toulouse versera à la CPAM de la Haute-Garonne la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Toulouse, et à la société Axa France Iard SA.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mai 2019.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01637- N° 17BX01639


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SELARL MONTAZEAU et CARA AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 28/05/2019
Date de l'import : 04/06/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17BX01637,17BX01639
Numéro NOR : CETATEXT000038530316 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-28;17bx01637.17bx01639 ?
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