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27/03/2019 | FRANCE | N°18BX03469

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 27 mars 2019, 18BX03469


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision d'un montant de 300 000 euros et de lui enjoindre de lui verser ladite provision dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jours de retard.

Par ordonnance n° 1803522 du

4 septembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision d'un montant de 300 000 euros et de lui enjoindre de lui verser ladite provision dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jours de retard.

Par ordonnance n° 1803522 du 4 septembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier universitaire précité à verser à Mme A... B... une provision de 184 984 euros et lui a enjoint de procéder au paiement de cette somme dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 septembre et le 15 novembre 2018, le centre hospitalier universitaire de Toulouse (CHU), représenté par la SELARL Montazeau et Cara, demande au juge des référés de la cour :

1°) de réformer cette ordonnance du 4 septembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B...en tant qu'elle porte sur les postes d'incidence professionnelle, d'assistance à tierce personne et de préjudice d'agrément ;

3°) d'imputer la provision de 30 000 euros déjà versée par le CHU sur la somme fixée par la cour à titre provisionnel.

Il soutient que :

- la fin de non-recevoir opposée par l'intimée sera écartée comme tardive ;

- de plus, le CHU avait précisé en première instance avoir versé une provision de 30 000 euros, de sorte que la fin de non-recevoir concernée repose sur une erreur de fait ;

- l'ordonnance attaquée est irrégulière en ce qu'elle n'est pas motivée s'agissant de la provision de 30 000 euros versée déjà par le CHU ;

- c'est à tort que le premier juge a accordé une indemnité réparant l'incidence professionnelle au-delà de la somme de 10 000 euros ;

- l'assistance par une tierce personne a été évaluée à 2 h 30 quotidiennes durant les périodes de déficit fonctionnel temporaire, or ces périodes correspondent à celles au cours desquelles Mme B...était hospitalisée et ne pouvaient, par voie de conséquence, ouvrir droit à indemnisation ;

- Mme B...n'a jamais rapporté la preuve de la réalité des activités auxquelles elle a prétendu qu'elle s'adonnait avant l'intervention pratiquée au CHU en 2004 et, en tout état de cause, son état avant cette intervention ne lui aurait pas permis de les pratiquer, ce qui implique qu'aucune somme ne saurait lui être allouée au titre de la réparation de son préjudice d'agrément ;

- le premier juge a omis de tenir compte de l'existence d'une provision de 30 000 euros déjà versée à titre transactionnel par le CHU.

Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2018, MmeB..., représentée par Me C..., conclut :

1°) par la voie de l'appel incident, à la réformation de l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a rejeté sa demande portant sur la perte de gains professionnels futurs et actuels et celle tendant au prononcé d'une astreinte ;

2°) à ce que la provision à laquelle sera condamné le CHU soit assortie d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance du juge des référés de la cour ;

3°) au rejet de la requête ;

4°) et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant le paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'ordonnance litigieuse doit être écarté ;

- elle a subi une perte de revenus mensuelle de 400 euros, ce qui représente une perte de gains professionnels actuels de 17 400 euros au titre de la période du 5 mars 2008 au 8 novembre 2011, date de sa consolidation ;

- elle a subi une perte de revenus de gains professionnels futurs de 113 808 euros ;

- le reste de ses postes de préjudice doit être réparé conformément à ce qu'a prévu l'ordonnance attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné M. D...en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., alors âgée de 26 ans, était porteuse d'une insuffisance mitrale qui a nécessité une intervention chirurgicale réalisée au centre hospitalier universitaire de Toulouse (CHU) le 23 avril 2004. Cependant, à cette occasion a été lésée l'artère circonflexe, ce qui a occasionné un infarctus du myocarde, lequel a lui-même entraîné de nombreuses séquelles. Estimant ces dernières imputables à une faute commise par le CHU, Mme B...a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de la région Midi-Pyrénées (CRCI) laquelle a diligenté une expertise médicale. Les experts désignés par le CRCI ont déposé leur rapport le 13 décembre 2011, lequel conclut à l'existence d'une faute commise lors de l'intervention précitée et fixe la date de consolidation au 8 novembre 2011.

2. À la suite de l'avis rendu le 23 mai 2012 par la CRCI, favorable à ce que le CHU adresse à l'intéressée une proposition d'indemnisation, l'assureur du CHU a versé à Mme B..., le 10 février 2017, une somme de 30 000 euros, à titre provisionnel et en exécution d'un accord transactionnel. Cependant, Mme B...a sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse la condamnation du CHU à lui verser une provision d'un montant de 300 000 euros.

3. Le CHU, qui ne conteste pas l'engagement de sa responsabilité fautive, relève appel de l'ordonnance du 4 septembre 2011 par laquelle le juge des référés précité l'a condamné à verser à Mme B...une provision de 184 984 euros, en tant que cette condamnation ne tient pas compte de la somme de 30 000 euros qu'il a déjà versée ainsi qu'en raison de ce que cette ordonnance n'aurait pas dû allouer plus de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et accorder une indemnité au titre de l'assistance par une tierce personne et du préjudice d'agrément. MmeB..., quant à elle, demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de l'ordonnance précitée en tant qu'elle n'inclut pas la réparation de ses pertes de gains actuels et futurs.

Sur le montant de la provision accordée par l'ordonnance attaquée :

4. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

En ce qui concerne les pertes de gains professionnels :

5. Comme elle l'a fait en première instance Mme B...soutient que la faute commise par le CHU est à l'origine de perte de gains professionnels actuels. Toutefois, elle n'apporte en appel aucun élément supplémentaire par rapport à ceux fournis en première instance de sorte qu'il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge, d'écarter son argumentation sur ce point. Au demeurant, il résulte des pièces produites par l'intéressée en première instance et notamment de ses avis d'imposition des années 2002 et 2003 que le montant total annuel de ses revenus était alors inférieur à celui de l'allocation adulte handicapé qu'elle déclare elle-même percevoir depuis 2004.

6. Elle n'apporte, par ailleurs, pas plus en appel qu'en première instance, d'éléments susceptibles d'étayer ses prétentions relativement à l'indemnisation de la perte alléguée de gains professionnels futurs.

En ce qui concerne l'incidence professionnelle :

7. Il résulte de l'instruction que jusqu'au mois de septembre 2002 Mme B...travaillait en tant qu'employée d'un commerce de décoration et qu'en dépit de son handicap elle est susceptible de pouvoir reprendre une activité professionnelle sur un poste adapté. Par conséquent et eu égard à son âge lors de l'intervention au cours de laquelle une faute a été commise par le CHU, c'est à juste titre que le premier juge a évalué à la somme de 20 000 euros le montant de l'indemnité provisionnelle destinée à réparer l'incidence professionnelle.

En ce qui concerne l'assistance par une tierce personne :

8. L'ordonnance attaquée a accordé une provision de 3 575 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, à raison de 2 h 30 par jour durant les périodes de déficit fonctionnel temporaire total en dehors des périodes d'hospitalisation. Cependant, il résulte de l'instruction que les périodes de déficit fonctionnel temporaire total de MmeB..., soit du 5 au 24 mars 2008 et du 15 mai au 2 juin 2009, correspondent, à l'exception des 15 et 16 mai 2009, à des périodes au cours desquelles elle était hospitalisée. Par conséquent, c'est à tort que le premier juge a accordé la provision précitée au titre de ce chef de préjudice.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :

9. L'ordonnance litigieuse a alloué à Mme B...une provision de 2 000 euros au titre de son préjudice d'agrément en relevant qu'elle ne pouvait plus pratiquer la randonnée et la plongée sous-marine. Toutefois et ainsi que le souligne le CHU, elle ne produit aucun élément de nature à attester de ce qu'elle pratiquait effectivement ces activités avant l'intervention subie en 2004. Par voie de conséquence, c'est à tort qu'une provision lui a été accordée à ce titre.

10. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le CHU est seulement fondé à demander que le montant de la provision accordée à Mme B...par l'ordonnance attaquée soit ramené, après déduction de la somme de 30 000 euros déjà versée par le CHU à titre transactionnel, ainsi que précisé au point 2, à la somme de 149 409 euros et, d'autre part, que les conclusions incidentes de Mme B...doivent être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : Le CHU est condamné à verser à Mme B...une provision de 149 409 euros.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 4 septembre 2018 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.

Article 3 : Le surplus des conclusions du CHU, les conclusions incidentes de Mme B...ainsi que les conclusions de cette dernière relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à Mme A...B...et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique.

Fait à Bordeaux, le 27 mars 2019.

Le juge des référés,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

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No 18BX03469


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 18BX03469
Date de la décision : 27/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL MONTAZEAU et CARA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-27;18bx03469 ?
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